Lorsqu'elle ouvrit la porte Ana eut un temps d'arrêt. La pièce était magnifique, bien plus que la chambre ou les couloirs qu'elle avait déjà pu admirer. On l'avait amenée dans un immense salon, empli de fleurs et d'arbustes en tout genre, tout cela à l'intérieur même de la demeure. Les plantes comblaient la salle d'éclatantes couleurs, du grenat intense au jaune délicat. Deux sofas d'un blanc immaculé trônaient au milieu des végétaux, jouxtant une délicate fontaine en pierre bleutées. La jeune fille fit quelques pas en avant, brisant le silence du lieu par le délicat tapotement de ses pieds sur les dalles claires. Il se dégageait de cet endroit une sérénité telle qu'elle ne pouvait s'empêcher de penser que rien de mal ne lui arriverait en ces lieux. Elle se rapprocha de la fontaine et y fit glisser ses doigts, qui pâlirent sous la fraîcheur de l'eau.
« Mademoiselle d'Amboise, c'est un honneur. »
Ana se releva et se retourna avec une vivacité foudroyante. L'homme qui lui faisait face s'était courbé dans sa direction si bien que son visage lui était dissimulé. Elle retint un cri de stupeur lorsqu'il se redressa, dévoilant deux yeux verts qu'elle avait espéré ne jamais revoir.
« Vous ! »
Ellen'avait pu retenir cette exclamation et y avait mis toute sa surprise, sa peur et sa frustration. Il sembla s'en apercevoir car il hocha précautionneusement la tête, sans savoir réellement comment agir pour ne pas l'effrayer d'autant plus. Le cerveau d'Ana fourmillait, peinant à assembler les éléments qu'on lui offrait.Elle ne comprenait pas comment elle pouvait se retrouver dans cette riche maison, accompagnée de l'homme qui la poursuivait il y avait encore quelques... heures ? jours ? Elle n'avait plus aucune notion du temps, perdant peu à peu le moindre de ses repères.
« Mademoiselle d'Amboise je...
- Vous vous trompez.
- Excusez-moi ? »
Les deux jeunes gens se faisaient face, aussi interdits l'un que l'autre. Ana se savait que faire. Manifestement il la prenait pour une autre, lui attribuant par deux fois un nom qui ne pourrait jamais être sien. Elle aurait pu se sentir soulagée, rassurée que ce ne soit qu'une erreur de jugement sur la personne et que bientôt tout rentrerait dans l'ordre. Peut-être que toute cette histoire, et la terreur qui l'avait accompagnée, n'était que le résultat d'un malentendu fortuit. Mais le sentiment nauséeux qui oppressait sa poitrine lui soufflait sournoisement le contraire. Elle ne pouvait nier la main glacée qui avait frôlé son échine à l'entente de ce nom aux sonorités étrangement familières.
« Vous n'avez rien à craindre de moi Mademoiselle. »
Ana se raidit à l'entente de la voix grave de l'inconnu. Ce dernier s'en aperçut et grimaça imperceptiblement, démuni devant celle qu'il considérait comme une enfant apeurée. Il ne voulait pas lui faire de mal mais pour l'instant il ne voyait pas comment la rassurer sur ses intentions. Il hésita à se rapprocher d'elle mais il avait remarqué la tension qui émanait du corps frêle de sa jeune invité. Il resta à distance et s'inclina à nouveau :
« Je manque à mes devoirs, je me rends compte que je ne me suis pas présenté. Je suis Gabriel d'Estaing, Comte de Sambord, au service de sa Majesté Louis le Quatorzième. »
Ana écarquilla les yeux. Elle s'était douté ne pas être chez n'importe qui, au vu de l'opulence qui l'avait entourée depuis son réveil, mais elle ne s'attendait pas à faire face à un proche du roi. Le comte de Sambord lui avait parlé sans aucune prétention, mais sa voix ne portait nulle trace de modestie non plus. Il énonçait sa condition comme un fait sans grande importance, ce qui la poussait à s'interroger. Elle le fixa sans pudeur, abandonnant un instant sa timidité maladive. Le regard sombre qu'il arborait dans la forêt avait disparu, lui octroyant une expression plus douce bien que distante. Elle s'éclaircit légèrement la gorge et se décida à prendre la parole :
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Ana
Historical FictionAoût 1664 Ana n'est personne. Il ne lui reste de son enfance qu'un prénom, un pendentif en or et un rêve, toujours identique. Comment aurait-elle pu deviner qu'elle est la clef du destin du plus grand des Rois ? En déjouant les plus sombres secret...