C'était extrêmement gênant. Ils étaient trois à être réveillés. Lui, la maîtresse de maison – Geotinia, s'il avait bien compris – et la fille de celle-ci, qui sera donc sa belle-sœur, Ondina. Ils étaient dans la salle à manger et attendaient en silence que les chocolats chauds refroidissent. Ondina, qui devait avoir quinze ans, ne cessait de le dévisager sans se retenir, malgré les coups de coudes pas si discrets que ça de sa mère. Peut-être ignorait-elle qu'il était marié. De toute façon, elle ne l'intéressait pas. Trop jeune et trop niaise pour lui. Il ne lui rendit pas son regard. La situation était cependant très gênante.
Il avait hâte que sa famille se réveille. N'importe qui, même Harriet – surtout Harriet ! Comme ça, cette jeune écervelée comprendrait qu'il était marié. Pour une fois, ça ne l'importunait pas et lui sauvait la mise. Pitié, faites que son épouse sorte de son sommeil plein de ronflements et vienne déjeuner !
Cela ne se fit point, et il resta seul jusqu'à ce qu'il ait presque fini sa tasse de chocolat chaud. A sa plus grande surprise, c'est son frère, Edmund, qui fit son apparition. Son frère était paresseux et restait souvent dans son lit très tard. Mais c'était bien lui et intérieurement, Perceval le remercia. Il avait détourné l'attention d'Ondina quelques secondes mais bien vite, celle-ci se désintéressa de son frère, pourtant très beau, pour le regarder à nouveau. Raté. Alors il compta sur les talents de séduction de son frère. Amusé, il vit Edmund s'asseoir à côté de la jeune fille et commencer à manger. Bien sûr, il s'était assit à côté d'elle, alors qu'il y avait plein de places libres. Malheureusement, l'attention de Ondina ne dévia pas de sa trajectoire du début, donc lui. Il se pinça les lèvres et après avoir constaté qu'il avait bien mangé, s'excusa et se leva, prétextant de devoir réveiller sa femme – il accentua ce dernier mot. Il la vit pâlir un peu, mais elle se reprit vite et lui sourit avec un air charmeur. Sans y faire attention, il se détourna et sortit de la salle.
Qu'allait-il pouvoir bien faire, à présent ? Il ne devait pas être plus de huit heures et il n'allait certainement pas réveiller Harriet. Autant la laisser dormir, cela reposerait sa tête et l'empêcherait peut-être de commettre une sottise qui les ridiculiserait tous. Mais il dut se rendre à l'évidence, il n'avait rien à faire et ne connaissait pas la demeure des Bentivegna. Il ne pouvait pas aller dans une bibliothèque, il ne savait pas où la trouver. Se fiant à son instinct, il tenta de retrouver sa chambrée. Il se perdit dans la maison, mais pour rien au monde il ne l'avouerait. Il erra longtemps dans ces couloirs empreints de miroirs un peu partout. Il en vint même à se dire que cette famille devait être très vaniteuse pour s'entourer d'autant de glaces dans sa propre maison. Voulaient-ils donc autant se voir ? Un miroir aurait amplement suffi, à la rigueur, deux, peut-être.
Son attention fut attirée par une grande fenêtre ouverte. Un domestique avait dû la laisser ainsi pour aérer un peu le couloir. Il trottina vers cette fenêtre et jeta un coup d'œil à l'extérieur. Quelle ne fut sa surprise lorsqu'il constata que la vue donnait sur le jardin, à l'endroit-même où la fontaine se dressait fièrement, avec sa si belle statue ! Il sourit et s'accouda sur le mur de pierres. Même de loin, la statue de Vénus n'avait rien perdu de sa majesté. Certes, il ne voyait pas les détails aussi nettement que le matin-même, mais la fascination qu'il ressentit soudain était troublante. Comme si quelque chose l'attirait dans la grâce de cette Vénus ; oui, elle n'était pas la déesse de l'Amour pour rien. À présent, il en était certain.
Il ne détourna le regard que quelques secondes, mais cela suffit à lui faire comprendre que son père était levé et le cherchait. Henry Colombus était au bout du couloir et marchait rapidement dans sa direction. Alors, Perceval croisa ses bras sur son torse et se tourna vers son père.
« - Oreste Bentivegna est réveillé. Je viens te chercher pour que nous puissions nous présenter dans les formes. »
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L'anneau de Vénus ✓
FantasyVénus était la déesse de l'Amour et de la Beauté. Elle était une grande déesse très vénérée par les Romains. Vénus était l'exemple-même de la perfection. Mais elle était aussi perfide que sublime, elle était aussi possessive que tentatrice. Et surto...