Le vent fouettait son visage et faisait voler ses longs cheveux blonds. Comme c'était agréable. Les yeux fermés, les coudes posés sur la barre en bois qui le retenait de la mer, il ne pensait plus à rien. Il resta dans cette position plusieurs longues minutes, à savourer la sensation du vent glacial lui caresser ses joues rosies, à sentir ses cheveux pourtant d'habitude si bien coiffés voleter un peu dans tous les sens. Un sourire vint étirer ses lèvres fines. Certes, il avait froid, mais ça semblait secondaire, presque comme lointain. Puis, le jeune homme ouvrit les yeux et, immédiatement, les posa sur le ciel foncé. Une palette de bleus s'étirait dans le ciel comme un éventail qu'une femme ouvrait d'un geste sec. Il admirait silencieusement les différents tons de couleurs, toujours accoudé. Un léger picotement dans les coudes vint le troubler, gêne sans doute occasionnée par l'inconfortable position dans laquelle il se trouvait.
Puis, le jeune homme sentit la présence de quelqu'un à ses côtés, comme du mouvement. D'un geste lent de la tête, il jeta un regard en direction de la personne et lui sourit. C'était sa mère qui, emmitouflée dans un châle, venait à ses côtés. Elle était toujours belle, malgré son âge avancé. Ses cheveux blonds étaient rassemblés en un chignon complexe et quelques mèches folles s'en échappaient à cause du vent particulièrement violent. Ses traits étaient doux et sages et inspiraient tout de suite confiance.
« - Ce n'est pas sûr de rester ici à une heure pareille, mon chéri, intervint-elle alors, sans le regarder. Vous pourriez prendre froid. Regardez votre frère, il reste bien sagement dans sa cabine avec une carte, un compas, et votre père. Perceval, dit-elle après une pause de quelques secondes, je croyais que votre mariage vous avait assagi. »
Perceval détourna les yeux de sa mère, légèrement agacé. Voilà une semaine qu'elle lui tenait ce discours. Et pourtant, il continuait à venir ici à regarder le ciel et la mer, à comparer leurs bleus, à penser à tout, sauf, justement, à son mariage avec Harriet Engleton. Il évitait soigneusement de regarder l'alliance qui brillait sur son annulaire et qui le tourmentait à chaque bref regard. Mais il ne pouvait enlever son anneau nuptial alors il restait ainsi, tourmenté par son mariage, regrettant la douceur de la vie de célibat. Oh, elle était gentille, Harriet, là n'était pas le problème. Mais elle était éprise d'un autre et Perceval ne le sentait que trop bien. Elle n'avait que dix-sept ans et des rêves d'amour fou tourbillonnant dans sa tête.
Il sentait l'air marin et salin envahir ses narines et il frissonna. Ses yeux bleus se fermèrent une nouvelle fois et il profita de ce moment de liberté avant de se reculer, les yeux toujours fixés sur l'horizon, et de suivre docilement sa mère. Il ne s'opposait jamais à elle. Jane Colombus était une femme douce, mais autoritaire. Depuis tout petit, elle lui avait appris à respecter les anciens et à être obéissant. Voilà pourquoi il n'avait pas bronché quand elle lui avait annoncé son mariage avec la fille du pasteur du village d'à côté. Après tout, c'était les parents qui décidait ; lui, il ne faisait que se plier.
Elle n'était pas laide, Harriet. Blonde comme les blés, des yeux d'un bleu pur, des petites lèvres en forme de rose dans toute sa splendeur, on ne pouvait pas dire que son physique n'avait pas l'air divin, angélique. Elle avait des petites joues roses et un peu rondes, et parfois, lorsqu'elle était nerveuse ou intimidée, elle clignait rapidement des yeux, ses longs cils noirs s'étendant sur ses pommettes. Mais Perceval n'était pas sensible à son charme innocent, enfin, plus si innocent que cela. Car Harriet était tombée amoureuse, mais pas de lui. Oh, tant qu'il n'y avait rien de déshonorant pour lui, le jeune homme voulait bien laisser passer. Il avait toujours été clément. Mais ce qui le gênait était qu'elle semblait n'en avoir rien à faire, d'être mariée, et roucoulait avec son amant aux yeux de tous. Et pour cela, Perceval ne l'aimait pas. Il la trouvait trop superficielle, trop sucrée, et trop niaise. Mais il prenait son mal en patience, ne disait rien. Oh, non, il n'avait pas le droit à l'erreur.
« - Êtes-vous sûre que cet Oreste Bentivegna est convenable pour Victoria, mère ? osa t-il enfin demander, après de longues minutes de silence. »
Cette question lui brûlait les lèvres et s'attardait un peu trop dans son esprit. Victoria, sa sœur, sa confidente, allait partir en Italie épouser le fils d'un marchand de tissus. Oreste Bentivegna avait su percer la carapace hautaine dont sa sœur s'entourait avec les étrangers et avait su fondre son cœur de glace. Il avait eu la chance d'être fortuné et d'avoir une famille respectable car jamais, sinon, leur alliance n'aurait été acceptée par la famille Colombus. Et sans qu'il ne se l'avouât, Perceval était horriblement jaloux de sa sœur. L'amour, voilà ce qu'il lui enviait. Victoria se mariait avec l'homme de son choix, l'homme que son cœur avait choisi, ce qui était extrêmement rare. Elle avait su se montrer persuasive, et maintenant, la famille Colombus était en route pour l'Italie où le mariage allait se proclamer. Et lui, il restait coincé en Angleterre, avec un épouse frivole et infidèle.
Victoria allait rester vivre en Italie, avec son mari. Elle ne reviendrait pas en Angleterre, elle ne serait pas sur le bateau du retour. Et Perceval resterait seul. Car son autre frère, le tout jeune et tout beau Edmund, était beaucoup moins proche de lui que Victoria ne l'était. Perceval ne pouvait imaginer son frère rester assis avec une tasse de thé, à écouter ses doutes et ses problèmes. Non, il était toujours accompagné d'une femme différente, frivolité qu'on lui pardonnait grâce à son magnifique minois. Injuste, voilà ce que c'était.
« - Tu n'as pas à te mêler des affaires de ta sœur, s'exclama Jane Colombus en serrant un peu plus son châle. Moi-même je ne lui ai jamais parlé, à cet Oreste Bentivegna. Et je m'en porte bien. »
Perceval ne dit plus rien, il était arrivé devant sa cabine. Un hochement de tête respectueux envers sa mère, il tenta malgré tout de masquer sa déception. Victoria méritait le meilleur des hommes et il n'aimait décidément pas ce Bentivegna qui allait la lui ôter. Mais il savait que ses pensées étaient égoïstes. Depuis le temps que sa sœur refusait de s'établir en tant qu'épouse, à vingt ans ! Et maintenant, elle allait se marier, en plus avec l'homme qu'elle désirait ! Il n'avait pas le droit de ternir son bonheur. Alors, il se contenta d'ouvrir la porte qui le menait à la petite cabine qu'il partageait avec son frère. Edmund n'était pas là ; il était, comme l'avait dit sa mère, dans la cabine de son père, en train de s'informer sur les différents chemins que l'on pouvait prendre pour aller en Chine, ou autres bêtises qui n'intéressaient pas Perceval, au grand dam de son père qui avait une grande âme d'aventurier et qui adorait partir en croisières qui coûtaient une grande fortune, ce qui faisaient râler sa mère.
Avec une nonchalance qui ne lui allait pas du tout, il s'étendit sur sa couchette et croisa ses bras sous sa tête. Ses yeux bleus fixèrent le plafond d'un blanc immaculé et il soupira. Il n'avait pas envie d'aller en Italie. Il n'avait pas envie de voir sa sœur chérie partir. De plus, Harriet était du voyage. Oh ! qu'il avait du mal à l'appeler Harriet Colombus ! Ce nom ne lui allait pas. Rien que penser qu'à présent elle faisait partie de son arbre généalogique et qu'elle serait associée à lui lui donnait mal à la tête.
Puis, Perceval regarda l'anneau qui ornait son annulaire et la fit tourner machinalement autour de son doigt. Il posa sa tête contre l'oreiller un peu trop dur de sa couchette et ferma les yeux. Il n'avait pas sommeil mais ne voulait pas être dérangé. Si son frère entrait dans la cabine, il penserait qu'il dormait et le laisserait tranquille. Un petit soupir, un mal de crâne, quelques amertumes... et Perceval pensait à ce qui allait se passer après. Sa sœur allait rester en Italie, le laissant seul avec Harriet. Ses parents et son frère retourneront dans leur village, le laissant dans leur maison, à Cambridge.
Et puis ensuite ?
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L'anneau de Vénus ✓
FantasiVénus était la déesse de l'Amour et de la Beauté. Elle était une grande déesse très vénérée par les Romains. Vénus était l'exemple-même de la perfection. Mais elle était aussi perfide que sublime, elle était aussi possessive que tentatrice. Et surto...