Un rêve impossible

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Malheureusement, l'année suivante, m'apprêtant à rendre une visite de courtoisie à Carlisle, j'appris par un de ses confrères qu'il avait quitté la ville. Il ne sut me dire où.

Tout s'effondra en moi, mes rêveries de jeune fille ne resterait que de simples fantasmes irréalisables puisque mon père tenait à me faire épouser un homme du pays comme lui fier de ses origines.

Lorsque je terminai mes études, ma meilleure amie Lucie, me fit part de son mariage imminent avec un camarade d'école. Je fus demoiselle d'honneur. Bien entendu mes parents furent invités et ne manquèrent pas de me rappeler qu'il était important pour moi et mon avenir que je me fasse des relations avec ces jeunes gens désormais afin que l'on me demande en mariage prochainement. Malheureusement aucun de ces jeunes prétendants ne me plaisait. Le mariage de Lucie fut grandiose, digne d'un véritable conte de fées. Ensuite vint le tour de la plus masculine de nos amies de convoler. Nous ne nous y attendions toutes, pas. Elle se mariait avec un lointain cousin du côté de son père. Celle-ci parût s'en accommoder sans plus de sentiments. Leurs noces furent célébrées dans le jardin de leur magnifique manoir. Ce fût aussi un très joli mariage, cela me fit presque envie.

Ensuite vint le jour où la dernière de mes plus proches amies se maria et je restai la seule célibataire. Je n'avais toujours pas de fiancé et commençai à voir dans les yeux de mes amies que je leur faisais de la peine. Le temps de nos amusements était définitivement révolu. Surtout que Lucie se retrouva enceinte. Je me retrouvai seule. La vie à dix-huit ans est dure, on est plus une enfant mais pas encore tout à fait une femme, et qui plus est, entre mes parents frustrés et mes amies casées je n'avais plus personne sur qui compter. Je demandai alors la permission à papa si je pouvais accepter un poste d'institutrice dans une école pour jeunes filles dans l'ouest du pays afin de commencer ma vie de façon indépendante. Celui-ci refusa. Il était inconvenant pour une jeune femme de mon rang de vivre seule dans ces contrées sauvages.

Désespéré à l'idée de trouver un mari convenable, j'acceptai la demande du fils d'un ami de mon père. Celui-ci était le premier à me demander ma main et papa avait insisté lourdement pour que je l'accepte. Il avait mon âge et semblait gentil. Je m'étais dit, à ce moment-là, que si j'allais jusqu'au bout et que je faisais plaisir à mon père, alors toutes ces corvées idiotes pour plaire seraient enfin terminés. Je n'entendrais plus parler de fiançailles et de mariage.

Charles me fit sa véritable demande un soir devant mes parents et les siens alors que nous dinions. Je n'oublierai jamais ces visages émerveillés rivés sur moi comme si c'était à eux que l'on faisait la demande. Je fus néanmoins surprise de m'entendre lui répondre oui. Un oui résolu et triste. Tout le monde se leva de table pour nous féliciter comme il se doit. Je souris de manière contrite aussi longtemps que je pu. Ce fut une soirée interminable. Aussi interminable que mes soirées avec maman pour choisir tous les détails du mariage à venir.

Nous fêterions cela dans notre jardin avec toute notre famille et amis, ce qui ferait du monde. Maman se chargea de tout, je lui en fus gré. Je regardai par la fenêtre pendant que celle-ci parlait chiffon avec une couturière qu'elle avait fait spécialement venir, et contemplait le paysage environnant. La plaine non loin de là semblait m'appeler, elle me criait de venir, je n'y voyais que ma liberté. Après ce maudit mariage, je serai enfin libre de faire ce qu'il me plairait. Après tout Charles avait l'air timide et je ne le voyais pas m'interdire de sortir comme mon père, et j'étais qui plus est une adulte. J'essayais en vain de me convaincre que mon choix était le bon et surtout le seul possible à cet avancement-là de ma vie. Je ne pouvais pas faire machine arrière, même si Charles m'indifférait complètement. Il avait beau être un excellent partit, intelligent et agréable à vivre, il ne m'émoustillait aucunement. Je ne cessai de comparer tous ces bellâtres à ma rencontre d'il y a de cela deux ans avec le docteur Cullen.

Il m'avait si chamboulé que je ne pouvais m'empêcher de comparer tous les hommes à celui-ci. C'était certes fort bête mais je ne pouvais l'oublier. Charles plaisait fortement à ma mère. Il avait toujours un mot délicat à son attention. Pour elle c'était le gendre idéal. J'aurais aimé ne pas avoir à la détromper. 

Les Cullen Tome II EsméOù les histoires vivent. Découvrez maintenant