Chapitre 13 - Charlie

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Oh putain, ma tête ...

Je me retourne pour réveiller Marie et fais un effort surhumain pour mettre un pied par terre. Les filles ont levé le camp à 5 h, il est 7 h. Soit 2 h de sommeil + un taux d'alcool dans le sang qui frise encore le retrait de permis immédiat + un marteau piqueur enragé dans ma boite crânienne = une journée pourrie en perspective. Ça et tout le reste à venir bien sûr ...

Je me traîne sous la douche que je prends la plus glacée possible. Soit un petit 38°C, impossible pour moi de faire mieux. Quand je repousse le rideau, Marie rentre dans la salle de bain et s'assoit sur les toilettes, la tête dans les mains. Elle ressemble à rien et ça me fait marrer

- Quoi ? Grogne t-elle

- Regarde ta tronche, t'es encore plus à la ramasse que moi

Marie s'approche du miroir et enlève la buée de sa main.

- Oh merde, t'es sûre que c'est moi ça ?

- Pas de doute Marie, c'est bien toi, version chichon et tequila.

Je la prends soudainement dans mes bras et enfouis ma tête dans son cou.

- Merci pour hier.

- Ca va aller Chou, on a un plan en béton, tu vas tout déchirer !

De retour dans la chambre, Marie farfouille dans mon placard pour trouver un truc à se mettre. Même taille, même pointure, même poids, seuls nos cheveux nous distinguent de dos, un carré très court et cuivré pour elle et des cheveux blonds aux épaules pour moi. Vraiment pratique les matins comme aujourd'hui où complètement raides nous finissons par nous endormir dans le même lit, chez l'une ou chez l'autre indistinctement.

Quand elle sort une petite robe bleue et me lance un regard mutin, je comprends immédiatement le délire qui se forme dans sa tête

- Twins ?

- Twins !

Je fais alors défiler les cintres jusqu'à ce que je trouve la même robe un peu plus loin. Cadeau de Ben et de Marie qui étaient tombés juste pour mes 27 ans. Mais séparément. J'avais trouvé leur tête tellement adorable quand ils s'étaient rendu compte qu'ils m'offraient le même cadeau que j'avais décidé de les garder toutes les 2. Et depuis, pas une seule virée shopping avec Marie qui ne se termine par une "twinserie".

Je fais le tour de mon dressing pour trouver le reste des tenues. Même nos sous-vêtements seront identiques aujourd'hui. Travailler chez Froufrous présente de nombreux avantages, notamment celui d'avoir toujours de la lingerie à disposition, des modèles qui ne servent parfois que pour un shoot photo ou des collections entières qui nous sont retournées par les clients après les présentations. Sans compter tous les protos innombrables créés pour un seul modèle et qui finissent dans les placards. Pour peu que nos mensurations correspondent à celles des essayages, le bureau se transforme alors en paradis pour fashionista.

1/2 h plus tard, habillées, maquillées et perchées sur des Jimmy Choo de 12 cm, nous montons dans le taxi, prêtes à affronter cette journée.

Je répète dans ma tête la stratégie conçue par nos esprits embrumés quelques heures plus tôt. Bizarrement, à cet instant, elle me parait nettement moins géniale. Surtout si Richard et Camille la refusent.

En repensant à lui, une boule se forme dans ma gorge. Je m'en veux d'avoir tout fait merder. Même si, à la réflexion, je ne peux décemment pas entamer une relation avec mon stagiaire, même purement sexuelle. Et même si le sexe avec lui est juste démentiel. Ce serait du délire.

Marie me sort de ma rêverie en claquant des doigts

- On est arrivées, t'es prête ?

- Je crois ...

Elle prend mon visage dans ses mains et me force à lever la tête.

- Tu vas y arriver Chou. Je sais que tu peux. Évite pour le moment de le regarder dans les yeux et surtout ne le touche pas ! Même si j'avoue qu'à ta place j'en serais incapable !

- Marie putain tu m'aides pas là !

- Je rigole Charlie, faut que tu te détendes, tu vas faire exploser ton soutif tellement t'es stressée là. T'aurais bien besoin d'une latte mais Richard piquerait une crise s'il nous voyait fumer un joint en cachette !

Rien qu'à imaginer sa tête, je me sens bien mieux, et me mets à rire franchement. Marie me rejoint et c'est pliées en 2 qu'on arrive devant l'ascenseur.

Tout à coup je me redresse et regarde Marie en panique. Je n'ai même pas besoin de me retourner, mon corps sait qu'il est là. J'ai la chair de poule et les jambes qui tremblent. Marie a compris et jette un coup d'œil discret par dessus mon épaule. Enfin discret façon Marie, c'est à dire avec un grand « oh fait chier bordel de merde ! » qui fait se retourner la moitié des gens présents dans le hall. Et 30 personnes se trouvent maintenant à attendre la suite avec un intérêt non dissimulé.

- Reste calme Charlie et ça va bien se passer. Respire un grand coup.

- Euh, tu m'as pas trop aidée sur ce coup-là Marie, rappelle moi de t'arracher la tête quand on sera seules. ...

Le ding de l'ascenseur retentit enfin. Sauvée par le gong. Obligée de me décaler pour laisser les gens sortir, je m'autorise enfin un léger coup d'œil dans sa direction.

En grande discussion avec deux espèces de malabars et un gars en costume 3 pièces sorti tout droit des Incorruptibles, il ne me regarde pas. Alors je le mate sans vergogne. Juste besoin d'une petite dose pour me donner du courage. Je ferme les yeux pour mieux faire pénétrer ma drogue dans me veines et les rouvre malgré moi après un violent coup de coude de Marie dans mes côtes.

- Chou, il te mate !

Je le regarde enfin. Il me mange des yeux. Enfin il me bouffe littéralementpour être précise. Sans aucune gêne. Il me scanne de la tête aux pieds. Je crois que ma tenue fait son effet mais il est intrigué et son regard passe de Marie à moi plusieurs fois sans comprendre. C'est vrai ! J'avais déjà oublié notre délire Twins de ce matin. Ça le perturbe je le vois bien. Il se mordille doucement la lèvre du bas et je ne peux pas faire autrement que d'imaginer la mienne à sa place. Ma réaction est immédiate et sans appel. Je chuchote le plus bas possible à Marie en ne le quittant pas des yeux

- Bon bah, culotte de rechange obligatoire Chou, ça commence !

Marie la discrète part dans un immense éclat de rire.

- Je pense aussi ! Allez viens petit escargot, on va te mettre au sec ! braille t-elle en rentrant dans la cabine

Fatalement, je vire illico écrevisse et jette un œil paniqué autour de moi pour voir si quelqu'un d'autre a entendu, tout en priant Sainte Rita pour que ce ne soit pas le cas.On sait jamais, un miracle, rien que pour moi, en plein mois de juillet.

Les gens montent dans l'ascenseur sans me regarder d'un œil lubrique ou choqué.Ouf, tout va bien, c'est passé crème.

Je respire un grand coup et relève la tête l'air de rien et m'engouffre à mon tour dans la cabine.

Mais quand la porte se referme, je vois deux yeux qui me fixent toujours depuis le hall.

Camille n'a pas bougé mais le sourire en coin qu'il affiche me fait comprendre que rien de ce qui vient de se passer ne lui échappé ...


Un stage haute tensionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant