Troisième

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-Où l'on en apprend un peu plus sur Astrid-

Astrid était désespérée. Elle s'était un jour retrouvée au milieu d'un village en flammes, commençant à bruler elle aussi. L'odeur des demeures et de la chair brûlée était omniprésente, la fumée lui piquait l'œil qui n'avait pas brûlé et les flammes léchaient sa jambe gauche. Elle ne se souvenait de rien, ne savait ni qui elle était ni ce qu'elle faisait ici. Elle ne pensait à rien, et sa tête était étrangement vide malgré ce décor cauchemardesque.
À l'exception d'un mot.
Rosenrot.
Il résonnait dans son esprit avec force, si fort qu'il en éclipsait la douleur, la mort et la fumée. Et puis elle les avait vu. Neuf hommes enveloppés de capes noires, des masques sur le visage. Elle avait pris peur et s'était évanouie, brutalement rattrapée par la réalité. 

Quand elle s'était réveillée, elle était dans un lit propre, n'avait plus mal et se sentait parfaitement reposée. À l'exception d'une chose. Son cou était vide. Il lui manquait un poids. À vrai dire, elle n'avait pas vraiment prêté attention à ce collier, mais maintenant qu'il n'était plus là, elle était mal à l'aise. Un homme de taille moyenne entra dans la pièce où elle se trouvait, et Astrid ouvrit la bouche.
- Mein Halskette (mon collier), murmura-t-elle.
L'homme désigna un pendentif, l'air interrogateur. Une rose. Rosenrot.
- Ja (oui) !
L'homme le fourra dans sa poche.
- Nein, Das gebe ich Dir später zurück (non, je te le rendrai plus tard)

***

Plus tard, elle n'avait pas récupéré son collier.
Elle avait sympathisé avec un des hommes, plus jeune que les autres, et restait désormais avec le convoi. Elle ne se souvenait toujours de rien, mais un beau jour, l'homme au collier lui avait fait un merveilleux cadeau.
Il lui avait offert un nom.
Dans sa langue, Asa signifie divinité et Trud, fidélité. Elle était passée de jeune fille amnésique à divinité. L'homme avait expliqué son choix particulier "Quand on t'a vue au milieu du village, dévorée par l'incendie, tu restait de marbre et ta robe blanche brillait. On a d'abord cru à un mirage, mais tu étais là, debout au milieu des flammes. Une déesse. On t'a prise avec nous, et tu as suivi le convoi de ton plein gré sans jamais te plaindre, depuis le début. Fidèle."
Astrid en aurait pleuré. Elle adorait son nom, mais était persuadée de ne pas le mériter. Elle n'était qu'une fille ordinaire meurtrie, et elle suivait le convoi uniquement pour récupérer son collier.
Mais désormais elle avait deux choses auquelles se raccrocher.
Quand elle était arrivée en ville, cette fille qui ressemblait à Geremy mais en plus jeune, l'avait poussée au sol, et tout ce qu'il avait trouvé à faire, c'était un câlin et de lui chuchoter quelque chose. Astrid n'avait pas compris grand-chose, mais au ton de sa voix, ce n'étaient certainement pas des reproches. Puis cette fille colorée était arrivée, elle avait l'air sympathique. Geremy et deux autres filles étaient partis, la foule s'était un peu dispersée.
- Quel âge tu as ?
- Hum ?
La fille mima une échelle croissante avec ses mains et désigna Astrid. Sur un bout de papier, elle inscrivit 15, ainsi qu'une flèche pointée vers elle. Astrid comprit et écrivit un point d'interrogation.
- Ich weiß es nicht (je ne sais pas)
- Nous irons voir le médecin pour nous renseigner.
- Ja ?
Olivia soupira.
- Et nous t'apprendrons le français.
- Französisch ?
- Oui.

DYSUTOPIA

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