Le pacte

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    Sur le chemin du retour, je ne réussis à penser à rien d'autre qu'à ce fichu bouquin. En l'inspectant, je n'ai vu aucun cadenas, aucun verrou, rien du tout. Et Pourtant j'ai cherché. Pourquoi ne s'ouvre-t-il pas ? On dirait presque qu'il refuse de s'ouvrir. Je pédale plus vite qu'à mon habitude, comme si quelque chose me poussait à rentrer au plus vite. Et dans mon dos, je sent une espèce de présence. Ce livre a quelque chose de spécial, quelque chose de magnétique, comme s'il avait sa propre énergie, sa propre vie. 

   Lorsque je suis arrivé, j'ai balancé mon sac sur mon canapé lit avant de lancer la machine à café. J'ouvre ma fenêtre  et j'inspire une grande bouffée d'air frai. Je me sens sous pression depuis que j'ai quitté la bibliothèque. Je sors une cigarette de mon paquet, claque la bille pour la convertir en mentholé et la porte a mes lèvres. Je tire une première taffe et la fumée qui s'engouffre dans mes poumons me procure une sensation de plénitude. J'avale quelques gorgés de café tout en fixant au loin, la fumée qui s'échappe des cheminées d'usines. À peine mon café terminé, je me rends compte que ma cigarette est totalement consumée. J'en allume alors une autre, comme s'il s'agissait d'une bouteille d'oxygène, comme si j'en avais besoin pour respirer. J'avale une bouffée et cette sensation m'envahis à nouveau. Peut être que je suis accro mais, je ne pense pas que ça sois à la cigarette. Je suis addict à l'addiction elle-même. Je ne peux vivre sans me raccrocher a quelque chose de façon obsessionnelle. Le travail, la lecture, la cigarette, la nourriture, la caféine, la weed. Toutes ses choses qui font qu'on se sent vivant tout en provoquant la mort en permanence, ces choses auxquelles on se raccroche désespérément.   Certains se shootent à l'amour des autres, a leurs attention moi, au sexe, toutes ces addictions qui se partagent et qui nous rapprochent. Certains se brulent les neuronnes avec des amphétamines, ou sèment des cadavres de bouteilles derrière eux. Je ne vois aucune différence entre eux et moi. Nous sommes tous accro à la vie et au bonheur, sans se rendre compte qu'on provoque nous même nos malheur, nos peurs, nos illusions, notre mort lente.


  J'écrase mon mégot dans le vieux cendrier en verre hérité de mon père et je m'installe sur le canapé. Je sors de mon sac le petit livre rouge et l'observe un moment. Il va bien finir par s'ouvrir bon sang ! Je le retourne dans tout les sens, essaie toutes les techniques possibles sans l'abimer, mais rien. Je le balance donc, désespérée, sur mon bureau. Je comprends que l'on aie pas voulu le garder. Il est inutile.

  J'étais tellement prise par ce mystérieux livre que je n'ai pas pensé à prendre de nouvelles lectures. Dépitée, je me contente donc d'un vieux livre que j'ai du lire il y a 2 ans de ça. J'allume la chaine hi-fi et mets la musique assez fort pour l'entendre de la salle de bain mais pas trop pour ne pas importuner mes voisins. Je règle l'eau sur une température moyenne mais assez chaude pour me détendre et je me dévêtis. Je suis vraiment fatiguée. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire cette semaine si je n'ai pas cours et rien a lire... Je me plonge dans l'eau légèrement fumante et dans mon livre. 

  DRINNNNNNNNNNNG DRINNNNNNNNNNG 

   Je me réveille en sursaut, mon livre posé à coté de la baignoire, l'eau est désormais froide. Je ne m'en étais même pas rendu compte. 

 DRINNNNNNNNNNNG DRINNNNNNNNNNNG


   Je me lève en vitesse et enfile une serviette autour de moi sans prendre la peine de réellement me sécher. Je regarde l'horloge, qui indique 22 heures. Qui peut bien sonner chez moi à cette heure ci ? Qui peut bien sonner chez moi tout court. Je regarde dans le judas. Personne. J'ouvre la porte, et sur le palier, un petit colis qui porte mon nom. Est-ce vraiment une bonne idée de le prendre ? J'hésite un instant avant de me décider à faire entrer le paquet dans la maison. Je l'entrepose près du livre, sur mon bureau. Il fait vraiment un froid pas possible dans cette appartement. Je ferme donc la fenêtre, puis je vais enfiler ma robe de nuit en soie avant d'aller m'installer à mon bureau. J'ouvre délicatement le colis, qui étrangement ne porte aucune adresse. Uniquement mon nom et un étrange symbole. Au milieux de coton et de paille, une petite clé dorée. Je la saisis et l'observe attentivement. Mais, qu'est-ce que c'est que ce truc ? Je la retourne, la tourne dans tout les sens, rien a faire. Je ne vois vraiment pas à quoi cette clé peut servir. Peut être a-t-on envoyé cette clé par erreur. Je m'apprête à replacer l'objet dans sa boite, lorsque je me rends compte qu'une serrure est apparue sur le livre. Je suis quasiment sûre qu'elle n'y était pas avant. Suis-je entrain de devenir folle ? Je regarde au tour de moi, comme si je m'attendais à y voir des caméras et des gens applaudissant une blague joliment exécutée. Mais, il n'y a rien, ni personne qui pourrais me donner une réponse. 

   J'insère la clé qui entre parfaitement. Je regarde une dernière fois au tour de moi et je tourne la clé. Il s'ouvre. IL S'OUVRE ! Je me lève d'un bon, à la fois prise d'une joie intense et d'une étrange sensation de perplexitude. Le livre est ouvert, mais la serrure et la clé ont encore disparus. Incroyable.

   Dans la couverture, une plume de la même couleur que la clé semble être incrustée. Je la frôle du bout des doigts, mais une fibre de la plume perfore ma peau et une goutte de sang s'écrase sur le papier vierge. Je me lève et vais mettre mon doigt sous l'eau. Je me serre un verre et retourne à ma place. Mais, qu'est-ce qui se passe ? C'estimpossible ! La première page est desormée remplie d'une écriture légèrement penchée. Une écriture gracieuse et pourtant dure, masculine.


  " Si vous avez ouvert le livre, c'est qu'il vous a accepté. Avant de pouvoir lire la suite vous devez connaître les règles et signez le pacte. 

 /!\ Tout manquement aux règles sera suivi d'une sanction immédiate, si vous signez le contrat, vous serez lié(e) à vie au livre et rien de ce que vous pourrez faire ne pourra y changer quoi que ce soit. 

 1. Ne jamais parler du livre et de ce qu'il contient à qui que ce soit. 

 2. Ne jamais passer de chapitre ou essayer de connaître la fin avant le moment voulu. 

 3. Ne jamais perdre votre plume pendant votre périple. 

 4. Ne jamais fermer le livre pendant  que vous êtes plongé(es) dedans. 

 5. Ne jamais interrompre l'histoire au milieu d'une phrase. 

 6. Ne jamais laisser le livre ouvert une fois la lecture finie. 

 7. Ne faites confiance à personne. 

 Si vous acceptez les conditions, prenez la plume d'or et signez de votre nom. "


  Quoi ? Mais c'est vraiment ridicule... Qu'est-ce que c'est que ce livre ? C'est quoi ce bordel ? Peut-être que je rêve. Je n'ai pas fumé aujourd'hui pourtant. En tout cas pas encore. Je ne comprends rien. J'essaie de tourner la page suivante mais, impossible. Elles sont comme collées. Je regarde la page et, sans que personne n'écrive dessus, je vois des lignes venir souligner le début du texte. Alors, je ne peux pas continuer si je ne signe pas ? Je veux vraiment savoir ce qu'il y a après. Je bois mon verre d'eau comme si je n'avais pas bu depuis des semaines. J'attrape la plume et j'y dépose ma signature. " Miracle " 

 La page se tourne et sur la seconde page, d'autres écritures commencent à apparaître.

 " Bienvenue Miracle, Voulez-vous commencez l'histoire ? " 

 Je rêve où ce livre me parle... À moi ? Bon sang, je suis cinglée. Au point où on en est... J'écris en lettre majuscules un "oui" et soudain, une lumière rouge vient m'aveugler, des lettres d'encres se mettent à tourner autour de moi. Qu'est-ce qui se passe ? 



Entre les lignesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant