1 - Collision

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L'un après l'autre, dans une cadence parfaite, mes pieds foulent l'asphalte avec souplesse. Mon rythme cardiaque est stable et mon taux d'énergie crève le plafond. Les écouteurs de mon iPod profondément enfoncés au fond des oreilles, je profite de la sensation de plénitude qui m'envahit peu à peu.

Sur un coup de tête, je bifurque vers le sud et commence à longer la mer. Direction : la pointe de Miami Beach. Il est six heures et fait déjà très chaud. Des gouttes de sueur perlent le long de mon cou et roulent jusqu'à mon décolleté. Je les ignore, trop concentrée sur mon but.

Je ne vois ni les autres coureurs, ni le jour qui se lève et encore moins les nombreux fêtards qui s'éveillent doucement sur le sable. Je ne pense qu'à une chose. Toujours la même. Le travail.

Ma principale préoccupation aujourd'hui, sera de convaincre mon staff que, mise à part la Fashion Week de Paris, rien n'a d'importance. Cette semaine sera l'apogée de ma carrière de mannequin. Elle me permettra de toucher enfin du bout des doigts le but que je me suis fixé sept ans plus tôt. Je le sens... Je le sais... Une fois devenue la reine de cet événement, mon avenir sera assuré. Il n'y aura plus de peur, plus de larmes, juste moi et de longues courses matinales, l'esprit enfin tranquille.

La musique s'interrompt et la sonnerie de mon portable retentit. Vu l'heure, ce ne peut être que Swann. Personne d'autre qu'elle n'oserait couper court à mon jogging. Je ralentis un peu ma cadence, retire mon écouteur et enclenche mon oreillette Bluetooth.

— Cinquante-cinq secondes. Ensuite, je raccroche.

— Aye, chérie ! Il est six heures trente et une du matin...

Swann bâille telle une ogresse, sans aucune précaution, sans aucune honte. Je soupire. La journée commence à peine et elle m'exaspère déjà. Derrière elle, le bruit désagréable d'un camion poubelle est vite remplacé par les sirènes assourdissantes de la police. Miami... ville de la démesure... Je me mets à courir sur place et la bouscule légèrement.

— Quarante-huit secondes. Enchaîne.

— Pourrais-tu être un peu plus aimable avec la pauvre Swann qui a passé une nuit blanche à négocier un contrat publicitaire en Europe pour toi ?

— Trente-neuf, trente-huit, trente-sept.

Elle soupire et poursuit de son timbre lent et monotone qui, si on ne la connaît pas, donne l'impression qu'elle n'a toujours pas émergé de son sommeil, que le café n'a jamais été inventé et que mettre de l'intonation et de la vitesse dans sa voix n'est réservé qu'à un groupe de privilégiés.

— Dix-huit millions et vingt-deux mille dollars. C'est la somme qui te sera versée pour représenter les équipements Grade pendant deux ans. Tu déjeunes à midi avec leur directeur commercial pour finaliser le contrat et signer.

— Pas possible, c'est l'heure à laquelle je dois me rendre chez Evelyn & Fashion pour parler de la semaine de la mode de Pa...

Elle bâille à nouveau et me coupe la parole :

— J'ai déplacé ta réunion à l'agence. Elle aura lieu à quatorze heures. Tu l'ignores sûrement, mais le gros ventre d'Evelyn a disparu. Il s'appelle Rafael, pèse trois kilos deux cents et a les yeux globuleux de son père. Du coup, the big boss n'est pas vraiment du matin depuis qu'elle ne fait plus ses nuits. Enfin bref, ça te laisse le temps pour rencontrer Kelly Moly. Elle est à Miami pour la promotion de son dernier album. Je vous ai réservé une séance de spa à dix heures trente au Faena. Tu n'auras qu'à arriver à l'avance, prendre un selfie avec elle et prétexter une urgence afin de t'éclipser.

Je fronce les sourcils, grimace à l'idée de prétendre être l'amie de cette chanteuse de pacotille que le monde idolâtre.

— Combien peut-elle m'apporter ?

— D'après son agent, près de deux cent mille abonnés sur Instagram. Ce qui te fera un total de 3,2 millions, assez pour que tu n'aies qu'à sourire au directeur de Grade et à signer son précieux contrat.

Dans ce monde sur connecté, tout est une question de notoriété. Les chiffres, la popularité, c'est tout ce qui compte. C'est ainsi qu'une carrière prospère sur le long terme. Deux cents milles, ce n'est pas mal, mais ce n'est pas suffisant. Les lèvres pincées, je fixe l'horizon. La mer d'un bleu limpide s'étend au-delà de la plage, placide et calme. J'arrête ma course et inspire profondément. Le Faena, l'hôtel dont Swann me parle, s'élève de l'autre côté de la côte. Je dois passer devant pour rentrer chez moi et elle le sait parfaitement. Après tout, c'est bien cette efficacité qui m'a poussée à l'engager comme assistante. Je suis sûre qu'elle a tout prévu, du jus d'orange fraîchement pressé jusqu'au texte qui apparaîtra sous la photo tant attendue. Pourtant, comme toujours, je garde une longueur d'avance.

— Et combien pour un cliché plein de sous-entendus avec son ex petit-ami, Kayne ?

J'imagine sans mal le sourire de Swann s'étirer depuis l'autre bout de la ligne. Si Kelly Molly me ramène deux cents milles fans dans l'heure, faire mine de fricoter avec celui qui lui a brisé le cœur me rapportera sûrement le double.

— Ah, chérie. Voilà pourquoi toi et moi ça fonctionne, nous sommes toutes les deux destinées à croupir en Enfer ! Je m'en occupe !

Elle s'arrête de parler un instant. Je suppose qu'elle note pour ne pas oublier.

— Au fait. Evelyn & Fashion t'a invitée à la soirée de départ du mec de la publicité. Tu sais, celui qui met du thé dans son café pour être réveillé, mais apaisé. C'est ce soir et tu n'as pas confirmé... Hum...Je pense y aller, pour le bien de ton réseau professionnel. Tu veux te joindre à nous ?

Sa question est hésitante. Elle me connaît suffisamment bien pour en deviner la réponse.

Je m'apprête à dire à Swann d'y aller sans moi, quand un groupe de joggeurs déboule sur moi sans aucune précaution. La vingtaine d'hommes et de femmes court à l'unisson, tel un essaim à qui la promenade appartiendrait. Je me faufile dans le petit espace qu'ils ont daigné m'accorder. Durant quelques secondes, j'ai l'impression d'étouffer. Ils me privent de mon oxygène, de ma liberté. J'arrive enfin au bout et le dernier joggeur du groupe me bouscule. Je me retourne instinctivement pour l'observer.

Dos à ses amis, il court sur place. Son clin d'œil et son sourire charmeur m'indiquent qu'il l'a bien fait exprès. Je fronce les sourcils, prête à aboyer, mais il fait demi-tour et continue son chemin.

Swann, inquiète, piaille dans le combiné. Je la rassure et reprends mon jogging. Du moins, c'est ce que je comptais faire. La tête partout, sauf à ma course, je ne vois pas à temps le grand corps robuste qui me barre le chemin. Je le percute avec un petit cri suraigu.

 Je le percute avec un petit cri suraigu

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Bonjour à tous :)

Petit chapitre du jour ! Dans celui-ci nous en apprenons un peu plus sur Faye et son quotidien ! 

Que pensez-vous de Swann ?

La fin du chapitre vous met-elle l'eau à la bouche ? 

En tout cas, nous espérons que ce chapitre vous plaira :) 

Bisous bisous

Fanny & Kessy

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