Rencontre

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"Euh... Quoi ? Humain!" s'exclama Abigaëlle.

C'était de loin la question la plus bizarre que quelqu'un lui avait jamais posé. Ses pensées divaguèrent alors vers son adolescence, âge ingrat et période compliquée pour la plupart, et trouva une question qui pourrait égaler celle posée par l'inconnu.

Lors d'une soirée chez une amie du lycée, Abigaëlle avait à peine dix-huit ans, fumait beaucoup et était dans une période très 'gothique-punk'. Sa tenue exclusivement faite de vêtements noirs, était en détails composée de grosses bottes à sangles, d'un short court avec un collant transparent et déchiré, d'un débardeur ouvert sur les côtés avec un symbole de magie noire au milieu. Ses vêtements accentuaient la blancheur de sa peau qui manquait cruellement de Soleil, et son maquillage noir n'arrangeait rien. C'était peut-être une des raisons qui pourrait expliquer qu'un gars complètement défoncé soit venu la voir ce soir-là et lui demander en murmurant à l'oreille si, en tant que réincarnation de Satan, elle pouvait lui indiquer le mode de passe de la porte des enfers. Enfin bref, ce temps était révolu et pour le bien de tous, et surtout le sien, Abigaëlle ne portait plus ce genre de fringues depuis longtemps.

Quoiqu'il en soit, son mystérieux sauveur pointait toujours son arme sans trembler, vers la tête de l'astronaute. Même si sa question semblait complètement absurde, il était des plus sérieux.

"Tu as été mordue ou touchée par eux ?"

"Non ! Je suis hu-maine !" elle insista lourdement sur les deux dernières syllabes qui semblaient être ce que l'inconnu ne voulait pas comprendre. "Mais qui êtes-vous? Que me voulez-vous ?" demanda-t-elle, énervée par cette situation déconcertante.

Le jeune homme esquissa un sourire et abaissa son arme, visiblement convaincu par la réaction d'Abigaëlle. Il s'avança tranquillement vers elle comme si rien ne s'était passé, comme s'il n'avait pas tué deux personnes, comme s'il n'avait pas non plus menacé Abigaëlle.

"Je m'appelle Louis Smith. J'étais le capitaine de la section 76 pendant le Siècle de Santé. Et toi ?"

Louis lui tendit sa main droite et afficha un sourire parfait, digne des magazines people pour adolescentes. Abigaëlle considéra sa main, son sourire, sa main puis le regarda de nouveau dans les yeux. Elle ne pouvait pas lui faire confiance, elle venait à peine de le rencontrer et il avait tenté de la tuer. Mais d'un autre côté, il l'avait sûrement sauvée même si elle ne savait toujours pas de quoi exactement. Puis, ce Louis était le seul aux alentours alors si elle voulait en apprendre plus, il faudrait bien qu'elle sympathise avec lui. 

"Abigaëlle Morrison, la pilote de l'Ark en mission pour trouver la vie sur Mars. J'étais dans l'espace depuis cinq années." déclara-t-elle en serrant la main de Louis.

"Ton nom me dit quelque chose." Il s'approcha de son visage comme si la réponse était inscrite en petit entre ses deux yeux. Cela eût pour effet de faire reculer Abigaëlle, surprise par son geste. "Mais oui! Tu es la plus jeune femme à avoir eu le diplôme d'astronaute et le droit de voyager dans l'espace."

Cette dernière fronça les sourcils d'incompréhension. Il était vraiment de plus en plus bizarre.

"J'ai presque tout lu sur ton parcours dans le e-journal lorsque tu as fait la une. Je tiens à te dire que je suis très impressionné et heureux que tu sois encore en vie!"

Lorsque Louis termina sa phrase, une ombre voila son regard bleu. Le pétillant laissait place à l'inquiétude. Elle le remercia formellement, surprise mais amusée par son avis sur elle.

"Vous savez, l'espace n'est pas aussi dangereux que tout le monde semble penser. Il faut juste se souvenir de deux trois trucs pour pouvoir survivre et..." commença Abigaëlle, un peu gênée.

"D'ailleurs où est ton vaisseau ?" demanda-t-il, soudainement impatient.

L'astronaute s'étonna qu'il lui coupa la parole et indiqua de la tête un bâtiment à sa gauche.

"Il est derrière. J'ai à peine eu le temps de faire quelques pas que je suis tombée sur ces ... personnes."

"Bon, très bien. Tu viens avec moi." ordonna-t-il avec un ton qu'il voulait bienveillant.

Abigaëlle essaya d'étouffer un rire nerveux vis-à-vis du ton autoritaire que son 'admirateur' avait soudain pris. Il recommençait à agir bizarrement, finalement elle aurait peut-être dû l'assommer au moment où il avait baissé sa garde, ainsi elle ne serait pas en train de discuter avec ce lunatique.

"Pourquoi devrais-je vous suivre ?"

"Tout d'abord, arrêtes de me vouvoyer, on doit avoir le même âge. Ensuite, il te sera plus facile de survivre si tu viens avec moi. Et aussi, si tu as des choses que tu voudrais garder de ton vaisseau, vaut mieux que tu ailles les chercher maintenant. On ne va sûrement plus y revenir après."

Il venait de déballer tout ce discours d'une traite comme si la situation devenait de plus en plus pressante. Tout d'un coup, Louis paraissait beaucoup plus mature et sérieux, peut-être était-ce dû au fait qu'il connaissait la situation actuelle et elle pas. Abigaëlle se sentit rougir à cette idée qui la fait apparaître comme une imbécile.

"Oui, j'ai une... hum une photo de ma famille et une sorte de porte-bonheur." dit-elle d'une voix étranglée. "Ce sont sûrement les seules choses qui ont pu survivre à mon atterrissage catastrophique." tenta-t-elle avec un faible sourire.

"Bien. Nous devons nous dépêcher. Ils ont beau être à moitié mort, ils ne sont pas à moitié sourd et vont bientôt débarquer." ajouta Louis en lui rendant un sourire tout aussi désolé et fatigué.

Après ça, aucun d'entre eux ne parlaient. Louis rangeait des affaires dans son sac rapidement, tandis que Abigaëlle se dirigeait vers sa navette pour récupérer ses objets qui lui tenaient à cœur. Impressionnée par le silence morbide qui régnait, Abigaëlle leva la tête vers le ciel, essayant de se souvenir comment était la vie avant qu'elle ne quitte la Terre et espérant que sa famille n'avait pas été tuée par ce qui était arrivé. Lorsqu'elle se retourna, elle vit Louis lui faisant face avec un sourire réconfortant. Quelque chose dans sa manière d'agir semblait indiquer qu'il savait que les choses ne seraient pas faciles à l'avenir, mais il semblait redouter davantage la question qui brûlait les lèvres de la jeune femme.

Ils se mirent en route vers le Sud-Ouest. Avant de quitter New New York définitivement, Abigaëlle s'arrêta tandis que le danger de la situation la frappait de plein fouet. Elle ne pouvait plus rester dans l'ignorance plus longtemps. C'est ainsi que proche des larmes, à cause de ce qu'elle imaginait quant à ce qui avait pu arriver à ceux qu'elle aimait, elle s'exclama :

"Stop! J'ai besoin de savoir. Qu'est-il arrivé ici ?! Je sens bien que v... tu évites le sujet mais je suis en droit de savoir ce qui est arrivé à New New York. Est-ce que le reste du monde est ainsi ? Comment une ville pleine de vie et de joie a-t-elle pu finir dans cet état misérable ?!"

"Ecoute, il faut que tu te calmes." Implora-t-il, surpris par sa réaction.

"Non ! Je ne comprends pas et je ne te suivrais pas si tu me caches la vérité sur notre planète!" rétorqua-t-elle brusquement.

La mascarade avait assez duré, elle devait enfin savoir ce à quoi elle avait eu et aura affaire.

"D'accord. Je vais tout t'expliquer, mais sois prête, c'est une longue histoire."

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