IV.

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A une autre table pas très loin de nous se tenait un homme peut-être de la quarantaine,de petite taille,les yeux assez bridés,les cheveux majoritairement noirs. Il était élégamment sapé et j'en conclue qu'ils parleraient boulot. Omar se lève pour aller le rejoindre et pendant ce temps,j'appelle aussitôt Hakim. On ne s'est pas entendu depuis cet incident et vu qu'il parle de moi à son ami,je profite de cette excuse pour l'appeler. Mais dans ma tête,je me demandais également pour quelle raison Omar me prévenait-il ? Puisqu'il sait bel et bien que je sème la pagaille plus que quiconque dans mon entourage. Ou ne serais-je pas la seule à transporter un lourd passé ?

Je compose le numéro de Hakim mais je tombe directement sur son répondeur. Je n'ai pas ressayé. Je suis retournée à l'hôtel récupérer mes valises puis je prends le chemin de mon nouvel appartement.

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Cela fait deux heures à peu près que je suis arrivée chez moi. J'en ai profité pour ranger mes habits dans mon dressing et faire un petit nettoyage. Je prends une douche et décide de me promener dans le quartier,malgré ce froid de canard. Je me revêtais d'un jean et un gros survêtement puis ouvre ma porte quand j'aperçois sur le paillasson deux paniers : l'un remplis de chocolat et le second de confiseries. Je regarde de gauche à droite,je ne voyais personne. Mais j'ai noté deux autres paniers devant la porte du voisin d'en face. J'étais méfiante sur le coup mais j'ai pris les paniers et me suis rendue à la cuisine. Je ranges les boîtes et les pots et remarque qu'il y a une note sur un des paniers.
Note : La famille Diarra de la A13 vous souhaite un bon aménagement.
Je vois que j'ai des voisins accueillants. A propos,le voisin d'en face serait-il également un nouveau ? Pour avoir reçu les mêmes paniers ?
Je cesse de penser à ça et sors prendre l'air. Il faisait super froid dehors. J'ai marché quinze minutes près,sur la route derrière notre immeuble,avant de voir un endroit qui me plaît dans ce quartier. Il s'agissait d'un parc avec des manèges et des vendeurs de Hot-dogs. Mais il n'y avait quasiment personne sûrement à cause du froid. Je suis donc allée commander un hot-dog et j'ai rejoint un banc vide. Je mets ma musique (A Thousand Year) et dégustait mon goûter quand je remarque un flocon sur mon survêtement. Je ne rêvais pas,pour une première fois dans ma vie,je suis témoin ,de la neige. Pourtant,c'était tout à fait normal,un 20 du mois de décembre,pour les autres.
Je lâchais un sourire puis a pris pleines de photos du moment.
Mon attention a été attirée sur une femme qui jouait avec ses enfants,si je ne me trompe. Ils semblaient tout contents,cela m'a renvoyé à une époque lointaine que j'aurais aimé enterrée...
*****Flash-Back****
Moi (en pleurs) : S'il vous plaît Docteur,je vous en supplie,je peux vous payer autant que vous le voulez mais débarrassez-moi de ça.
Docteur : Ne dîtes pas ça Madame,en plus vous attendez des jumeaux.
Moi : Qu...Qu...Quoi ?
Docteur : Absolument ! Tenez- vous toujours à avorter ?
Je pleurais silencieusement,perdue,affligée,ne savant pas quoi faire. Je n'étais même pas sûre de qui étaient ces petits êtres. J'enchaînais boîtes,alcool,tabac en ces temps là,ne pouvant même,des fois,me rappeler de mes nuits. Alors comment savoir le père de ces enfants ?
Moi (essuyant mes larmes) : Je n'en veux pas,vous entendez. Je ne veux pas de cette grossesse,je ne l'assumerai pas alors débarrassez m'en.
Docteur (désolé semblait-il) : Comme vous voudrez !
***Fin du Flash***

---- : Mariame ?
Quelqu'un me secouait,j'étais face à la personne mais il m'a fallu du temps pour me rendre compte de qui c'était. J'étais complètement ailleurs,comme à mes habitudes. Je voyais Hakim devant moi,je me demandais depuis quand se trouvait-il là ? Quand est-ce qu'il est rentré de Paris ?
Moi : Ah c'est toi !
Hakim : tu n'étais pas là on aurait dit !
Moi : Je suis pensive oui.
Hakim s'assoie à mes côtés.
Hakim : Alors ça va ? Depuis quand es-tu à Bordeaux ?
Moi : Depuis ce matin tout juste. Et toi ?
Hakim : Il y a une semaine.
Moi : Ah je vois.
Hakim : Tu sais qu'on a pas eu l'occasion de se parler depuis notre barbecue.
Moi : Oui bah en même temps,tu n'as pas pris de mes nouvelles. Et je me disais également qu'il te fallait du temps pour toi et Sarah
Hakim  : C'est fini entre elle et moi.
Moi : À cause de moi ?
Hakim : Non à cause de moi. Tu as juste été un coup de pouce mais c'était terminé depuis...
Moi: Si tu le dis !
Hakim : Et tu t'es installée où exactement ?
Moi : A quinze minutes de marche d'ici.
Hakim : Ah oui ? On ne doit pas être si loin toi et moi alors.
Moi : Sûrement. Bon rentrons parce que je ne suis pas habituée à une telle température.
On a repris le chemin du retour et j'ai terminé mon hot-dog en cours de route.
Arrivée devant mon immeuble,Hakim a fait de gros yeux , comme quoi,nous partagions le même bâtiment.
J'étais ravie de connaître quelqu'un dans cet immeuble mais ma joie s'éclipsa dès l'instant où je me suis rappelée que Oumar partageait cet appart avec Hakim. Et mon cousin est loin d'être mon meilleur ami. Nous avons pris l'ascenseur jusqu'au troisième. En réalité,Hakim habitait juste l'appartement en face du mien. Mais pourquoi des paniers de Bienvenue devant sa porte ? Car Hakim et Oumar disait avoir fait deux ans ici et qu'ils rénovaient tout juste leur appart. Peut-être que nos voisins, Diarra s'étaient trompés. Ils habitaient au A13 comme ils le disaient sur leur lettre,Hakim au A16 et moi au A18.
Nous marchions Hakim et moi jusqu'à nos portes respectives mais il fronça les sourcils dès qu'il vit les paniers. Il lut la note.
Moi : Cela vient sûrement des Diarra,j'en ai reçu ce matin en guise de Bienvenue.
Hakim : Ah oui ? Peut-être ils ont cru que ce sont des nouveaux qui se sont installés à mon appart vu les rénovations.
Moi : Sûrement. Bon à plus tard alors.
Hakim : C'est ça.
On se fit la bise et je rejoins mon loft. Je passe directement à la cuisine inaugurer l'une des boîtes de chocolat que j'ai reçues. Je l'ouvre et en goutte un,puis un second. C'était du chocolat succulent ! Je restai sur place,les yeux fermés,dégustant profondément. Mon téléphone se mit à vibrer d'un coup,c'était un message d'un numéro que je n'avais pas enregistré.
+********* : Tu aurais peut-être pu vivre un bonheur si tu avais gardé ces petits êtres. Ils n'étaient pas fautifs de tes erreurs tu sais. Mais navré pour toi,tu ne prends jamais de bonnes décisions.
Sur le coup,j'ai la sensation que mon coeur a fait un bond "Dakar-Bordeaux". Je ne reconnaissais pas le numéro mais je l'ai,instinctivement,bloqué. C'est qui cette personne et comment a t-elle su pour mon avortement ? Serait-ce la même personne que les numéros inconnus ? Une crainte m'envahit soudainement,la crainte que le monde que j'essaie de bâtir,à nouveau,ici,s'écroule.
Je m'efforçai de penser que je suis forte et que je serais en mesure de surmonter cela. J'ai vécu bien pire ! J'avais en tête de changer le lendemain mon numéro de téléphone.
Je suis allée prendre un bain pour décompresser,me suis mixée un cocktail. J'ai une mallette où j'avais rangé des papiers dont j'aurais besoin une fois en France : des extraits de naissance,une carte d'identité sénégalaise,des certificats de nationalité,une attestation de réussite,un dossier de Bac,un passeport,mon visa... Bref,tous mes papiers y figuraient. Je songeai à me trouver un emploi sous peu et il me fallait constituer un CV. J'étais sûre de ce que je voulais faire : écrire mes magazines. Je pensai à m'inscrire dans une école de formation styliste,faire des stages,pour renchérir mon CV. J'avais fait une année de formation dans une école de journalisme,là-bas à Dakar. Alors ça ne sera qu'un bonus pour moi d'être formée sur un autre domaine. Je ne cherchais point ce boulot pour l'argent car j'en ai suffisamment ramené avec moi. Mais ça semblait beaucoup trop suspect de vivre,à son aise, sans bosser. Il était 21h et je sentais la fatigue me contenir. Je suis donc allée me coucher.

Coupable Où les histoires vivent. Découvrez maintenant