Il est des choses qu'on préfèrerait oublier, les effacer même, les faire disparaître à tout jamais de la mémoire.
Sébastien croyait bien avoir définitivement condamné, à double tour, la porte de son jardin secret.
Mais il n'est pas le seul à en avo...
Cette histoire a remporté un Watty au concours des Wattys 2016 FR organisé par Wattpad, dans la catégorie "Trésors cachés".
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Sébastien referma le journal et, l'air pensif, se mit à avaler son café à toutes petites gorgées.
- Quelque chose ne va pas ? demanda Anne. Tu sembles préoccupé. C'est de voir les mauvaises nouvelles du journal qui te rend si maussade ce matin ?
- Je ne suis pas maussade, je viens juste de lire ce qu'ils disent sur ce type qui a été abattu hier, tu sais, la radio locale en a parlé en fin d'après-midi.
- Oui, et alors ? Un règlement de comptes, c'est ça non ?
- Ils le supposent mais bon, les journalistes... Quand ils ne savent pas, ils inventent et quand ils en savent trop peu, ils brodent. Quoi qu'il en soit, ce type, je le connaissais.
- Ah bon ? Et d'où le connaissais-tu ?
- C'était un ancien camarade de lycée. Nous étions ensemble en terminale...
Anne réfléchit un instant avant de dire :
- Mais, comment sais-tu qu'il s'agit bien de lui ? Ils donnent son nom ? Et même, ce peut être un homonyme !
Sébastien la regarda.
- Oui, ils donnent son nom : tu en connais beaucoup, toi, des César Mouillefarine ? En plus, 28 ans, juste le même âge que moi.
- Ah, effectivement, la coïncidence serait troublante. Et que disent-ils au juste sur feu ton ex-camarade ?
- Il a été retrouvé hier vers 16 heures mort dans sa voiture, au pied de son immeuble. Ce sont des voisins qui, intrigués par la voiture garée avec le moteur en marche, ont découvert la scène : alors qu'il se trouvait encore au volant, on lui a tiré trois balles de 22 long rifle en plein cœur. Les flics enquêtent mais on dirait bien qu'il n'y a guère de pistes. Personnellement je n'avais pas revu César depuis l'année ayant suivi notre sortie du lycée mais d'après mes souvenirs, ce n'était sûrement pas le gars à histoires. En tout cas pas le genre qu'on s'attend à voir finir ainsi. C'est d'ailleurs ce que dit la police.
- Je vois. Enfin tu sais, en plus de 9 ans il pouvait avoir changé. Et puis, après tout ce temps, qu'est-ce que ça peut bien te faire d'apprendre ça ? S'il n'avait pas été tué, tu n'aurais sans doute jamais entendu reparler de lui d'ici la fin de tes jours.
Sébastien se contenta de hocher la tête sans répondre.
Son épouse ne pouvait évidemment pas comprendre ce qui le tracassait. Et il n'était pas envisageable de lui expliquer les choses...
Des images lui revenaient en mémoire. La classe de terminale, le club de théâtre que sa bande de copains et lui avaient fondé.
César Mouillefarine faisait partie de la troupe. Ils étaient une quinzaine, filles et garçons. Cela s'appelait La Compagnie des Trois Coups.
L'idée originelle était de monter une pièce de théâtre écrite et mise en scène par toute la troupe et de la jouer en représentation à la traditionnelle grande fête de fin d'année du lycée.
Au début, ils connurent d'immenses difficultés pour écrire la pièce tant les divergences de vues étaient nombreuses. On envisagea même, à un moment, de choisir plus raisonnablement de mettre en scène « Les femmes savantes », de Molière.
Mais le projet initial finit par voir le jour et les répétitions purent enfin commencer. La pièce fut intitulée « Croquons la pomme ».
A la fin de l'année scolaire, ils touchaient au but et la pièce fut jouée comme prévu.
Devant le succès qu'elle rencontra, ils décidèrent de maintenir l'activité de La Compagnie des Trois Coups au-delà du lycée et les trois-quarts des anciens membres restèrent.
Hormis la représentation donnée à l'occasion de la fête de fin d'année, la pièce fut ainsi jouée ensuite cinq fois dans de toutes petites salles, bénévolement.
Jusqu'à ce soir du 21 juin. Le soir de la fête de la musique.
