Chroniques d'un amour décomplexé

Un après-midi riche en émotions

Cela faisait une semaine maintenant que Paul et Rose avait eu ce moment de complicité court et intense mais tellement fondateur pour la construction de leur relation. Ils s'étaient promis dès lors de se revoir prochainement lors d'une sortie en ville.

Durant la semaine, ils avaient fait un exposé d'anglais avec Maxime, un camarade de classe qu'ils aimaient fréquenter pour sa franche camaraderie et son sens indéfectible du travail. Il brillait plus par son abnégation et sa pugnacité à la tâche que par ses interventions en classe trop discrètes pour être remarquées. Paul lui avait proposé ainsi qu'à Emma de les accompagner lui et Rose à la patinoire le samedi. Après quelques instants d'hésitation due à leur faible niveau et leur appréhension du regard des autres, ils acceptèrent tout de même.

Samedi 1er Octobre 2016

Les quatre compères se retrouvèrent à 14 h 30 devant la patinoire. Maxime, Rose et Paul étaient déjà arrivés. Rose était un peu stressée par le nombre de personnes qui patientaient dans la file d'attente. Elle était un peu agoraphobe mais lorsqu'elle était aux côtés de Paul, cette phobie arrivait à s'estomper un peu. Elle se sentait en sécurité auprès de lui.

«Ça va ?! leur demanda Emma comme à son habitude, lorsqu'elle fut à leur hauteur dans la file d'attente.

-Au top, vraiment, j'ai hâte qu'on y soit ! Répondit Paul avec un grand sourire qui était dans un état second à chaque fois qu'il tenait la main de Rose. Maxime acquiesça et Rose approuva d'un signe de tête tout en se grattant le nez du revers de la main.

- Vous êtes déjà allés à la patinoire ? Voulut savoir Rose.

- Pour ma part, je n'y suis pas allée énormément car il y a beaucoup de monde et j'ai peur de tomber, fit Emma d'un air prudent.

-Bon, vous venez ou bien ? Ça va ouvrir, lança Maxime aux trois autres qui trainaient derrière. »

Paul se surprit à penser que le bougre avait sacrément pris de l'assurance en aussi peu de temps. Ils se dépêchèrent de rejoindre les vestiaires. Rose avait l'habitude de venir ici et elle se hâta de prendre les mêmes patins que d'habitude. Elle était toute enjouée et trépignait d'impatience. Emma qui avait peu eu l'opportunité de venir ici était un peu perdue. Rose lui indiqua la procédure à suivre d'une façon assez pédagogique. Quant à Maxime, emporté par sa fougue inhabituelle, il fut à deux doigts de défigurer Emma lorsqu'il voulut mettre son patin à son pied, la lame passant à un cheveu de son visage.

Arrivé sur la piste, Maxime n'arrivait pas à glisser, il donnait plus l'impression de piétiner sur place. Il s'échinait à bouger les bras pour avancer mais il ressemblait plus à un albatros au décollage.

« Ah ! Je crois qu'il a calé ! s'amusa Paul. »

Rose le fustigea du regard et vint en aide à Maxime en lui expliquant les mouvements basiques pour avancer. Elle remarqua ensuite qu'Emma avait aussi des problèmes et lui prodigua les mêmes conseils. Emma progressait de façon impressionnante et arrivait à dépasser Maxime sur la piste. Au bout de plusieurs tours de piste, elle prit rapidement le pli et arrivait à glisser convenablement sur la glace.

Paul et Rose sentirent le besoin d'être seuls un moment, ils partirent ensemble main dans la main s'élançant pour faire quelques tours de piste. Paul regardait fugacement Rose lorsqu'ils étaient en ligne droite, contemplant son visage espiègle et épanoui entouré par cette cascade de cheveux fous. Rose se sentait légère et emplie de sérénité lorsqu'elle était sur la glace. Elle resserra son emprise sur la paume de Paul, leurs yeux se croisèrent avec une complicité évidente.

Puis Rose se mis à s'élancer devant Paul. Elle brillait de mille feux par sa technique et son physique, glissant avec grâce et élégance. Elle faisait des pirouettes ainsi que des gestes techniques complexes et de plus en plus de monde la regardait. Sans le vouloir, elle était devenue le centre de l'attention. Quand elle s'en aperçue, elle se sentit un peu gênée et s'empressa de se réfugier dans les bras de Paul. Tétanisée par l'attention dont elle faisait l'objet, elle n'osait plus faire de mouvement. Elle commençait à trembler et Paul pour la rassurer, lui susurra quelques mots dans le creux de l'oreille puis l'embrassa délicatement dans le cou. Une douce chaleur l'envahit et elle se surprit à tressaillir de plaisir. Son cœur se mit à battre encore plus fort et elle se blottit dans le cou de Paul avec un sourire radieux.

« Je t'aime, lui confia-t-elle dans un souffle entourant son cou de ses mains.

-Moi aussi, mon cœur »

Ils restèrent de longues minutes dans les bras de l'autre, se sentant seuls au monde. L'exaltation des sentiments commençait à enivrer leur passion et l'attirance qu'ils éprouvaient pour l'autre était maintenant plus qu'acquise. Ils recommencèrent à patiner en douceur en suivant le mouvement circulaire des autres patineurs.

Maxime qui tentait de rester à l'équilibre sur ses patins depuis cinq minutes se fit rentrer dedans par une vieille dame à l'embonpoint prononcé. Il tomba la tête la première sur le nez. Emma qui était la plus près arriva rapidement. Paul et Rose qui étaient à l'autre bout de la patinoire furent avertis par les cris de Maxime qui souffrait le martyr.

-Oh dis donc ! T'as pris cher, phacochère ! Lui asséna Paul d'un air goguenard.

-Oh mais non, arrête c'est pas sympa dit Emma. Le pauvre chou s'est sûrement cassé quelque chose !

-Je sens plus bon dez, geignit Maxime.

-Vous voulez que je lui remette en place ? demanda Paul.

-Non, je vais le faire. J'ai eu mon brevet de secourisme et je suis en école d'infirmière, mit en avant Emma.

-Chut, calme-toi, je vais prendre soin de toi, dit-elle pleine d'empathie et de détermination.

-Oh ben ça alors ... On dirait l'infirmière Joëlle dans Pokémon, remarqua Paul. Tu connais ? fit-il en se tournant vers Rose.

-Bien sûr banane. Mais c'est vrai que c'est très ressemblant. »

Paul et Rose contemplait le spectacle où Emma voulait absolument soigner Maxime tandis qu'il se débattait à tout va. Ils ne comprenaient pas tous les mouvements ésotériques qu'Emma était en train de faire mais ils ne voulaient pas l'embêter car elle semblait vraiment s'y connaitre. Ils commencèrent tout de même à se diriger tous les quatre vers la sortie, Maxime ayant fini par accepter de se faire soigner car son nez avait triplé de volume.

« Ҫa vous a plu ? , dit Rose de sa petite voix

-Oui, fit Emma. Grâce à toi, je me suis pas mal débrouillée. J'espère qu'on pourra en refaire un jour !

-Comme tu veux. Moi, ça ne me dérange pas.

-Moi, j'ai trouvé ça bien aussi, affirma Maxime.

-C'est super surtout que quelques fois, tu arrivais vraiment bien à glisser ! Constata Rose.

-En effet, c'était un super après-midi, j'espère que l'on remettra ça, ajouta Paul, tout en passant son sweat à Rose qui commençait à grelotter. Elle l'enfila expressément pour se sentir au chaud ressortant au passage sa crinière bouclée hors du vêtement. Ils se dirigèrent tous les quatre vers la sortie en riant et en se remémorant les bons moments de l'après-midi. Après avoir quitté Emma et Maxime près de la patinoire, Paul raccompagna Rose jusqu'à chez elle. Après avoir échangé quelques paroles sans importance, ils se turent. Sur le perron, le silence se fit soudain assourdissant malgré le vent qui se mouvait entre les maisons et s'infiltrait délicatement entre les cheveux de Rose, les faisant se soulever mollement. Leurs visages étaient si proches que leurs regards se perdaient dans celui de l'autre. Sans un mot, leurs mains s'entrelacèrent et ils s'embrassèrent passionnément. Chacun eut l'impression que le temps se suspendait à cet instant précis. Personne ne voulait rompre ce baiser qui scellait leur relation et ancrait cet instant dans leur mémoire commune.