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Comme tous les matins, je regarde l'heure sur mon téléphone portable et soupire en voyant que je suis en retard pour aller au lycée. Je me lève rapidement de mon petit lit et ouvre mon armoire bancale et manque de faire tomber le peu de vêtements qu'il y a dedans. Je m'habille rapidement, sans prendre le temps de regarder si mes vêtements vont bien ensembles, je m'en moque de toute façon. Peut importe si j'ai l'air d'une folle qui ne sais pas s'habiller. Je termine de me préparer en silence puis entrouvre la porte de ma chambre pour savoir si mon père est dans le salon. À mon plus grand soulagement, il n'est pas là. Il est doit être dans sa chambre en train de dormir, et il va se réveiller avec une gueule de bois atroce.
   Quand je rentrerai ce soir, il m'attendra et il me regardera avec un grand sourire avant que son poing s'abatte sur moi. Il s'arrêtera quand il sera fatigué et il retournera s'avachir sur le canapé, une bière à la main. J'irai prendre une douche, puis j'ouvrirai le frigo désespérément vide et je préparerai quelque chose à manger pour éviter que l'on ne meurt de faim. J'irai ensuite me coucher et je pleurerai. Je pleurerai sur ma vie sans but, sans bonheur. Je pleurerai et je prendrai mon rasoir avant d'en extraire une lame. Je regarderai la lame, puis je tendrai mon poignet vers le ciel, et je ferai comme tous les autres soirs.
   J'observe les cicatrices sur mes deux poignets avant de les cacher à l'aide des manches de mon pull.

J'arrive devant la grille du lycée et tire sur mes manches. Il faudrait que je trouve un petit boulot à faire pour gagner de l'argent et acheter un peu de nourriture. J'ai été virée de mon ancien travail parce que je n'étais pas assez disponible. Je ne pouvais pas faire autrement. Il faut bien que je me concentre sur mes études, je passe mon bac l'année prochaine, et pour le moment, mes notes ne sont pas terribles. Quand mon père à apprit que je n'avais plus de travail, il n'a d'abord pas réagit, puis il m'a lancé une des bouteilles vides qui traînent partout sur le sol dessus. Il m'a hurler de nettoyer, malgré les nombreux bouts de verre plantés dans la peau de mon cou.
   Je ne peux rien faire, je suis forcée de vivre avec lui. Je n'ai pas la force de me battre contre lui. La dernière fois que j'ai levé la voix, je me suis retrouvée avec la joue rouge écarlate. J'irai voir si je peux trouver un emplois comme caissière. J'observe depuis mon banc toutes les personnes présentes. Tout le monde sourit, tout le monde a l'air heureux. Pourquoi moi je ne le suis pas ? Pourquoi je n'ai pas le droit moi aussi d'être heureuse ? Pourquoi je suis forcée de vivre avec un père qui me bat ? Pourquoi je suis forcée de cacher mes bras ?
   Ça n'a pas toujours été comme ça. Pendant une période de ma vie j'ai été heureuse. C'était à l'époque où ma mère vivait encore. Elle est morte en mettant ma petit sœur au monde. J'ai perdu ma mère un soir d'automne, un soir où j'ai eu une petite sœur. Sauf que je ne voulais pas de ma petite sœur, je voulais ma mère. Mon père était détruit. Il a perdu toute lucidité et il a commencé à boire.
   J'avais neuf ans, et je devais m'occuper de ma petite sœur. Je n'avais aucune idée de comment m'y prendre. Je devais lui donner à manger, la laver, je devais entièrement m'occuper d'elle. Je voulais qu'elle soit heureuse, je voulais qu'elle réussisse dans la vie, je voulais que plus tard, elle est un travail, et une belle maison. Sauf qu'elle n'a pas eu cette chance.
   Un soir alors que mon père était complètement ivre, Marie pleurait. J'étais occupée à faire mes devoirs dans ma chambre, et quand je me suis levée pour aller la voir, j'ai aperçus mon père la prendre dans ses bras avant de la frapper. Je criais. Je me suis ruée sur lui alors qu'il continuait. Je l'ai supplié de la lâcher, mais il ne m'entendait pas. Il s'est arrêter quand ma sœur a arrêter de respirer. Il m'a regarder et il m'a tendu le corps inerte de ma petite sœur. Elle avait trois ans, j'en avais douze. Il m'a ordonné de me débarrasser d'elle, puis il est retourné à son occupation, comme si rien ne s'était passé.
   Sauf qu'il s'est passé quelque chose, il a ôté la vie à une enfant. Il a tué ma petite sœur, la seule chose qui me restais de ma mère. J'étais allée dans le petit jardin derrière l'immeuble, et j'ai enterré ma sœur. À 12 ans, est-ce normal d'enterrer sa sœur ? L'institutrice de ma sœur est venue me voir alors que je sortais du collège à côté de l'école primaire. Elle m'a demandé pourquoi Marie ne venait plus en cours, et ne sachant que dire, je me suis enfuie. J'ai couru à toute vitesse jusqu'au pied de mon immeuble.

Je rejoins ma place en traînant les pieds. Je jette mon sac sur la table et m'adosse conte le mur. Marie aurait dû avoir sept ans dans quelques jours, le dix novembre. L'âge de raison. Elle aurait été une belle fille aux boucles blondes, et aux yeux bleus. Elle ne me ressemblait pas, j'étais tout son contraire. Elle ressemblait à ma mère, alors que moi, je suis le portrait de mon père. Cheveux marron, les yeux noisette. Si seulement ma mère était encore là, si seulement elle n'avait pas eu ce deuxième enfant. Rien de tout cela ne se serai passé. Je serai en train de me concentrer sur le cours de maths au lieu de penser à ma misérable vie.
   Je remarque une personne assise à côté de moi. Je tourne la tête. C'est un garçon. Les cheveux marrons, les yeux verts. Il tourne la tête vers moi. Il me sourit. Je reporte l'attention sur mes mains posées sur ma table. Est-ce que je sais encore sourire ? Ça fait tellement longtemps que je ne l'ai pas fait. Est-ce que je sais encore rire ? Je n'en ai aucune idée.
- Ça va ?
Je me retourne vers mon voisin. Qu'est-ce que je dois lui répondre ? Est-ce que je vais bien ? Non. Pourquoi se sens-t-on obligé de répondre oui, tout va bien alors que ce n'est pas vrai ? Pourquoi ne peut-on pas tout simplement dire la vérité ? Et pourquoi je ne lui dirai pas non, que rien ne va.
- Hum, ça va ? répète-t-il en souriant.
- Pas vraiment.
- J'en suis navré. Qu'est-ce que je pourrais faire pour te remonter le moral ?
- Est-ce que tu sais ressusciter quelqu'un ?
- Non, je suis désolé.
C'est sorti comme ça. Je n'ai même pas réfléchi. Il baisse la tête, sûrement mal à l'aise. Je me racle la gorge.
- C'est quand même gentil d'avoir proposé.
- Je m'appelle Jarod. Jarod Whittle
- Moi c'est Floryne.
- J'ai remarqué depuis le début de l'année que tu restais tout le temps toute seule. Tu voudrais bien que je te tienne compagnie ?
Je hausse les épaules. C'est la première fois que quelqu'un me propose ça. Il doit avoir des amis, pourquoi ne reste t-il pas avec eux ? Pourquoi vient-il me voir alors que je dois être la personne la moins intéressante de la planète. J'ai toujours été transparente. Personne ne me voit, personne ne s'occupe de moi. Je pourrais être en train de mourrir en plein milieu du réfectoire, que personne ne s'en rendrait compte.
   Je n'ai pas d'ami avec qui passer mes journées. Je n'ai personnes à qui me confier. Personne n'est au courant de ce que je vis. Et même si je le disais, personne ne réagirai. Ils sont trop occupés par leur petite personne pour daigner s'occuper de quelqu'un d'autre. Tout les gens sont pareils, égoïstes, malsains. Ils veulent à tout prix comparer leur vie avec d'autres personnes, voulant montrer à quel point la leur est mieux.
- Je peux te poser une question ?
- Je t'écoute.
- Qui est-ce qui est décédé ?
- Ma mère et ma sœur.
- Comment ?
C'est la question de trop. Je baisse la tête et me mord la lèvre inférieure pour ne pas pleurer. Il se gratte la nuque, voyant qu'il en a trop demander et pose sa main sur mon bras.
- Je suis désolé. J'ai jamais été doué dans se registre la. Certaines personnes aiment en parler parce que ça leur fait du bien, et les autres, n'aimes pas parce que ça leur rappelle des souvenirs.
- C'est pas grave, tu savais pas dans qu'elle catégorie j'étais.
Il remonte la manche de sa chemise et défait le noeud d'un de ses bracelets qu'il portait au poignet. Un bracelet brésilien.
- Tient, pour me faire pardonner.
Il me prend le poignet et commence à remonter ma manche de pull. Faites pour qu'il ne retourne pas mon poignet, faites pour qu'il ne retourne pas mon poignet. Il m'attache le bracelet, et en terminant le noeud, remarque quelques chose.
- Qu'est-ce c'est ? me demande t-il en me montrant mes mes cicatrices.

Le bonheur introuvableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant