Embarquement à Lyme Regis

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L'eau des docks était aussi noire que celle du lac qui bordait Poudlard. Les petits remous la faisait clapoter contre les pierres du quai et branler les quelques bateaux accostés. Les mouettes s'étaient tues depuis quelques heures déjà. Il était tard, en cette soirée du mois d'août. Une nuit très particulière pour Emeric, qui patientait là. Ses lourds bagages étaient collés à ses jambes. Une cage verrouillée contenait la belle chouette de l'oural que le jeune homme avait reçue la veille, comme cadeau d'anniversaire. Un présent de son père, qui lui avait fait remarquer qu'il en aurait grand besoin pour donner de ses nouvelles. Dans le Grand Nord, là où d'autres jeunes sorciers faisaient leur apprentissage. La chouette supporterait le voyage, habituée aux pays froids. Emeric se posait la question, se concernant.
Les températures n'étaient pas chaudes dès que la nuit tombait sur les côtes du Dorcet. Le rendez-vous avait été donné sur le cobb de la ville de Lyme Regis. Le lieu, accaparé par les touristes le jour, était déserté la nuit malgré le romantisme de l'endroit. Emmitouflé dans sa grande cape, Emeric avait cependant renoncé à l'idée de sortir son écharpe aux couleurs de Serdaigle, rangée dans les tréfonds de sa valise. Il devait s'habituer aux basses températures, qui lui seraient communes à Durmstrang. Il ne cessait de se demander s'il avait fait le bon choix. Partir un an dans l'école de sorcellerie la plus malfamée d'Europe. Pourtant, son père avait soutenu sa décision. S'éloigner, prendre du recul, retenir des enseignements de ces futures expériences, bonnes comme mauvaises.
Cependant, Eugene Beckett n'avait pas accompagné son fils, ce soir-là. Ils avaient certes fêté son départ et son anniversaire autour d'un copieux repas, partagé en tête-à-tête, mais il avait respecté l'envie d'Emeric de partir seul. Cela faisait partie de son cheminement personnel. Il s'était alors contenté de l'accompagner depuis leur petite maison, perchée sur les falaises de Stone Barrows, en balais volants, jusqu'aux quais de Lyme Regis, puis était parti après lui avoir souhaité un bon voyage.
Emeric s'imaginait déjà à quoi ressemblerait l'établissement. Les renseignements qu'il en avait reçus lors des démarches d'échange avaient été peu instructifs. Mais McGonagall la lui avait dépeinte comme une école de laquelle il ne fallait pas forcément attendre de la bienveillance. Ce à quoi Wolffhart, qui avait foulé le bâtiment lors de ses études, avait rajouté qu'il ne fallait pas non plus toujours s'attendre à en ressortir vivant.
De grosses bulles l'extirpèrent de ses pensées. Et un immense bateau surgit des eaux. Si Emeric s'y était attendu, ce n'était pas le cas de la chouette, qui sursauta et piailla.

— Pas de panique, Hlin, la rassura son nouveau maître.

Cependant, il n'osa pas bouger face au titanesque vaisseau, qui continuait de branler sur les eaux dans de lourds craquements, dégoulinant de tous bords. Puis l'écoutille s'ouvrit. En sortit un vieil homme gigantesque, qui faisait claquer sa jambe de bois sur le pont. Sa mine peu avenante n'invita pas Emeric à lui adresser un sourire ou quelques salutations. Alors, le vieux sorcier tendit son bras vers lui, balançant sa grosse lanterne à huile au bout de ce dernier, puis plissa les yeux.

— C'est toi, le petit anglais ? brailla-t-il avec un fort accent.

Incapable de répondre, Emeric hocha la tête.

— Alors, bouge tes miches et charge-moi tout ce bastringue ! On ne fait pas attendre le vieux Sven !

Un temps surpris, Emeric ne se fit pas prier et tenta, tant bien que mal, d'attraper toutes ses affaires pour rentrer sur le bâteau.

— Désolé, Hlin, désolé ! murmurait-il à sa chouette malmenée dont la cage se cognait quelquefois à sa valise entre deux pas.

Une fois entré, le sorcier referma la grande porte d'un coup de baguette magique, un objet noir et cabossé, usé par les âges. Puis, il approcha son visage affublé de cicatrices et d'une barbe peu arrangée de celui d'Emeric, et l'étudia à la lumière humide de sa lanterne.

Sum Presentaliter Absens in RemotaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant