Chapitre un

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-Mademoiselle Coralie, veuillez vous avancer.

Je fis deux pas en avant et relevai la tête. Devant moi se trouvait une femme à l'intérieur d'une cabine, seule une paroi de verre nous séparait. Elle m'examina du coin de l'œil tout en notant quelques mots sur la feuille devant elle.

Aujourd'hui était mon entretien d'embauche pour travailler dans le laboratoire scientifique de la ville. Au moment où je vous parle, des scientifiques font des analyses ainsi que des expériences sur des êtres vivants à l'apparence banale mais qui sont une toute autre chose. En effet, il y a de cela dix ans, un virus s'est propagé dans notre monde, modifiant les gênes de certains êtres vivants. Et il arrive parfois de recevoir des humains au sein de ce laboratoire spécifique dans la recherche du virus, et non pas du soin, comme certains autres.

-Bien, veuillez vous rasseoir.

Je fis volte-face et rencontrai mon reflet dans le miroir derrière moi. J'étais une fille de taille moyenne, aux cheveux sombres et aux yeux mystérieux. Je ne laissai rien paraître, ne serait-ce que mon sale caractère. Ici, c'était la loi du plus fort. Les faibles... ils s'enfermaient, ils ne sortaient pas. Moi, je voulais travailler et découvrir tant de choses. Je voulais avoir ma place dans cette société pourrie soit-elle, parce qu'il fallait que j'existe pour survivre.

Le salaire moyen était tout à fait satisfaisant, je pouvais me faire une marge pour acheter tout ce dont je voulais avoir. J'achetai surtout des livres pour me documenter sur le monde dans lequel nous vivons. Le virus est apparu alors que j'avais seulement dix ans, et j'ai alors ressenti un besoin constant de savoir. Jusqu'à tout connaître. Ma culture était bénéfique pour le laboratoire, je leur avais envoyé une dissertation de tout ce que je savais. C'est pourquoi il m'avait convoqué.

Si je suis enfermée dans cette pièce, c'est parce qu'ils vérifient si je ne suis pas un potentiel danger pour leur laboratoire. Il était déjà arrivé que des mutants y pénètrent et libèrent les cobayes ou pire, y mettent le feu ou tout simplement le bordel. Alors maintenant, il y avait une certaine procédure de sécurité à respecter.

-Présentez votre poignet.

Je tendis alors ma main en relevant ma manche. Un bras mécanique s'approcha et un bracelet vint se poser sur ma peau : il prenait ma tension. Les mutants ont une tension qui s'élève à 15, parce qu'ils ont besoin de faire monter leur adrénaline rapidement pour pouvoir se défendre efficacement. Un second bras mécanique s'approcha de mon cou, je le penchai. Il allait me faire une prise de sang dans la jugulaire. Cette partie du corps était la zone majeure où un coup fatal pourrait rendre dangereux un mutant dans ses dernières quinzaines de minutes de vie. Avant qu'il ne meure.

-Bien, merci. En sortant, vous irez chercher votre papier d'admission et remplirez le formulaire. Bienvenue dans notre laboratoire, mademoiselle.

Je souris puis remerciai la dame. Enfin, je sortais. Ca faisait une heure que j'étais là-dedans à subir une battée d'analyses. La procédure de sécurité, je vous dis. Je passai à l'accueil et pris le formulaire si gentiment tendu par la secrétaire. J'allai m'installer à une table de la cafétéria et sortis un stylo pour le remplir.

-Excusez-moi, vous gênez la...

-Faites le tour.

Je n'avais pas de temps à perdre avec un stagiaire du labo, c'est pas maintenant qu'on allait me faire chier. Je remplis contentieusement le formulaire puis allai le rendre à la secrétaire, toujours aussi gentille. Je quittai les lieux et repris ma moto pour rentrer chez moi. Je la laissai vrombir dans un bruit phénoménale et fis crisser les pneus sur le bitume avant de m'engager sur la route.

L'air était lourd, comme si un orage allait éclater d'un moment à l'autre. Il n'y avait plus qu'une saison, ici : l'automne. Ces couleurs vermillons donnaient un aspect romantique mais la réalité était une tout autre chose. En effet, si cette saison régnait en maître, c'est parce que le virus avait atteint la flore de la Terre. Heureusement que nous n'étions pas en plein hiver, nous ne pourrions subvenir à nos besoins. Les légumes de saisons s'agissaient principalement de carottes, de champignons, de potirons, de tomates et de betteraves et pour les fruits, c'étaient principalement des poires, des pommes, des prunes, des raisins et des fruits rouges. Il y en avait encore d'autres mais c'étaient surtout ce qui se vendaient le plus. Je préférais manger ceux-là que de m'empiffrer d'OGM à la con, qui pourrait contenir des cochonneries pas très sympathiques pour mon organisme.

J'arrivai enfin chez moi, après vingt minutes de route. J'avais une maison, proche d'un lac, au charme incontestable qui se mariait à la perfection aux créations de la nature. De couleur crème, au perron de bois, une confiance hospitalière émanait de cet habitat. Je rentrai ma moto dans la cabane au fond du jardin après avoir ouvert et fermé la barrière puis rentrai chez moi. J'avais décoré ma maison sur le style d'antan. C'est-à-dire, j'avais mis dans des cadres des photos sépias, ajouté de vieux objets par-ci, par-là et avait choisi de donner un aspect western aux meubles. On était bien chez soi.

J'allai dans la cuisine et commençai à préparer mon dîner. J'allumai la télévision et écoutai d'une oreille distraite ce qu'il se passait en ce moment. Ils ont encore mis la main sur d'autres spécimens, potentiels cobayes du laboratoire de la ville. Nous étions tellement à l'étroit dans ce monde, entre mutants et êtres normaux, que parfois, la cohabitation donnait lieu à quelques bagarres. Pour capturer un mutant sans nous blesser, il fallait revêtir une combinaison faite en peau de serpent au-dessus d'un bon cuir afin d'éviter toute morsure ou griffure. Car oui, elles adoptaient l'aspect d'une bête féroce, sans pitié, sans merci.

Alors que je m'asseyais à table, enfin prête pour manger, mon téléphone vibra. Je râlai, prenant soudainement une envie de meurtre. C'est un crime d'arrêter une affamée dans son repas, bon Dieu ! Je pris mon cellulaire et l'allumai. J'avais reçu un message du laboratoire.

Félicitations, mademoiselle. Vous avez été sélectionné pour faire partie de notre équipe de scientifiques hautement qualifiées. Vous avez les compétences pour rivaliser avec vos futurs collègues. Il nous hâte de travailler avec vous.

Ma vie allait vraiment commencer.

Until The EndOù les histoires vivent. Découvrez maintenant