D é c o u v e r t e

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Par un bel après-midi de septembre, Pacôme se promène, cahiers sous le bras, sifflant une douce ritournelle.

La brise tiède ne suffit pas à atténuer la suffocante chaleur qui rend moite le corps des passants. D'ailleurs, les passants justement, sont aussi rares que l'ombre que recherche le jeune homme.
La sueur brille sur son front et juste au-dessus de ses lèvres, formant ainsi d'infimes gouttelettes, qu'il essuie promptement de son poignet nu, dès qu'il s'en rend compte.

Pacôme est un grand frileux ; même s'il fait une chaleur cuisante, même s'il sue énormément, il n'a jamais l'impression d'avoir trop chaud. Il est pourtant en quête d'un banc, ou au moins d'un espace ombragé où se détendre.

Un vieil homme et sa canne, une jeune fille au pas vif, quelques oiseaux téméraires, ou friands de miettes.

Les pas du garçon, dans les gravillons rosés se font rapides, à l'intérieur du grand parc public, comme s'il fuyait le temps lui-même. La besace qui glisse de son épaule gauche est redressée d'un geste rapide.
Quelques imprudents ayant osé sortir par une telle chaleur croisent son chemin, notamment une petite fille montée sur un vélo, accompagnée de ses parents, et qui semble avoir souffert pour se tenir ainsi bien fière sur la bicyclette. Ses genoux écorchés, couleur sang, témoignent de la dureté des chutes et de l'apprentissage. L'équilibre n'est pas encore saisi.

Par chance, un banc se libère tout à coup, et le couple l'occupant s'éloigne, main dans la main, se susurrant des niaiseries auxquelles seuls les amoureux sont capables de trouver quelque splendeur cachée.

Le garçon n'attend pas plus longtemps, et s'installe sur le siège en pierre froide, abrité par les branches et les feuilles encore tendres des chênes, qui couvrent le ciel.

Il déplie sur ses jambes croisées un cahier, et sort un stylo plume de son sac. L'encre gentiane coule sur les pages immaculées, les lignes sont bientôt jonchées d'une écriture élégante, étonnante.

Pacôme est inspiré aujourd'hui.

Il décrit ce qui l'entoure, manie les mots à la perfection. Il dépeint les nuances des feuillages, les somptueux cygnes, la force de ses sentiments. Et c'est tout un monde lyrique qui se dessine à travers ses belles tournures de phrases.
Il écrit un dernier mot et signe gracieusement en bas de la page, avant de fourrer son matériel dans sa vieille sacoche. À son poignet, une montre qu'on aurait pu dénicher chez un antiquaire, indique tout juste seize heures.

Pacôme se dresse sur ses jambes, et s'enfuit.

Alors qu'il s'apprête à franchir le portail érugineux de la sortie, un bruit régulier le fait ralentir. Il s'arrête ; aussitôt le bruit cesse. Il reprend sa course, et le tintement fait écho à nouveau. Il tâte les poches de son pantalon couleur crème, mais celles-ci demeurent indéniablement vides.

Alors, il plonge une main dans sa besace, et frôle un corps étranger. Lisse et froid, l'objet est sorti de la pénombre et roulé entre les doigts du jeune homme.
C'est un marron d'Inde. Toxique, rond, bosselé, inutile.
Il devait s'entrechoquer avec quelque autre objet pour se faire remarquer ainsi.

Pacôme le fixe un instant, l'air perplexe, puis finit par le jeter dans l'herbe avec un haussement d'épaules, et reprend sa marche, impassible.

La Fille aux MarronsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant