R é c i d i v e

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Le lendemain, une bribe de liberté. Pacôme a une heure devant lui. Une heure pour que s'active sa plume sur les pages de ses carnets bien nets.

L'air heureux, le voilà qui regagne le banc de la journée précédente, étale tout son outillage à ses côtés. Quelques pensées dominent les autres.

Soudain, l'inspiration atteint son paroxysme. Ses mains saisissent une plume, les mots jaillissent comme de l'eau de source, éclaboussent les pages encore vierges, trempent les carreaux de mille phrases. Ses gestes se font rapides, peu appliqués, car une seconde de perdue serait fatale. Les mots, il faut les attraper, en plein vol. Sinon, ils passent leur chemin, rapidement, et les idées disparaissent, irrémédiablement.

Si concentré, si obnubilé, le temps lui file entre les mains, il ne le retient pas.
Il jette un regard à l'heure, s'étire brièvement, puis rassemble ses écrits.
Il veut les glisser dans sa sacoche, lorsqu'une masse brillante attire son regard au fond du sac.

Il y plonge une main prudente, et en ressort un marron, plus petit que le précédent, mais tout aussi miroitant.
Son sac retombe mollement à ses côtés, et il se recule tout en détaillant le fruit mauvais.
Qu'est-ce que cela signifie ?

Pacôme lève naïvement les yeux vers le ciel, mais aucun marronnier à l'horizon. Un léger soupir s'échappe de ses lèvres entrouvertes, et il finit par se lever tout en tentant de passer outre cette nouvelle découverte.

Il se dirige vers la sortie du parc, et jette sa trouvaille dans l'herbe. Le marron vient s'entrechoquer avec celui de la veille, ce qui trouble davantage le garçon.

Un couple de vieillards près du portail converse à propos du beau temps. L'âge de ces deux amants impressionne le jeune homme. Derrière eux, une jeune âme aux longs cheveux blonds se tient immobile. Elle porte une veste d'homme trop grande, intriguante vue la saison.

Pacôme sans le vouloir, a le pas qui ralentit. Il plisse légèrement les yeux, observe la fille statue.
Et la douce sort de sa poche deux marrons qu'elle glisse dans le sac des vieilles gens.

《 - Hep, mademoiselle ! l'interpelle-t-il aussitôt. 》

Elle se retourne vivement, et Pacôme ne sait qu'ajouter. Une dizaine de mètres séparent les deux jeunes gens. Les yeux noirs de la fille l'hypnotisent ; plus foncés que la nuit noire, plus sombres que le charbon des mines, plus obscurs que les ténèbres. Pourtant y brille une bonté innée. Elle semble terrifiée, apeurée comme un animal en danger.
Et sans prévenir, elle brise le lien qui doucement commençait à s'installer entre eux et prend ses jambes à son cou.

《 - Attends ! s'écrie le garçon en tendant une main. 》

Mais elle est déjà loin.

La Fille aux MarronsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant