Blanche
Cette semaine Arnaud garde Annabelle. J'ai dressé une liste de choses à penser durant la semaine pour lui, ce qui n'a pas manqué de l'agacer. Pour ne pas trop bousculer notre fille dans son quotidien, nous avons pris la même nounou, à mi-chemin entre nos deux domiciles, pour qu'elle puisse garder des repères, à défaut d'avoir une famille stable. Je ne sais pas si elle ne le réalise pas encore ou si c'est l'innocence de son jeune âge mais Annabelle semble bien accueillir ce changement, en tout cas avec beaucoup moins d'appréhension que nous, les adultes. J'avais pris le temps d'expliquer à ma fille ce qui se passait et j'avais répondu à toutes les questions qu'elle pouvait se poser. Je la câlinais plus que de raison, sans doute pour me faire pardonner de bouleverser sa vie à ce point mais aussi pour profiter des instants en sa présence, maintenant que je ne la voyais qu'une semaine sur deux. Bon nombre d'articles de psychologie que j'avais lu, vantaient l'adaptabilité des enfants face au changement. Malgré quelques crises de larmes, notre fille s'en sortait plutôt bien et je n'en étais que plus fière d'elle. Le moment venu, Annabelle me tirait par la main pour se dépêcher de retrouver son papa et me sautait au cou pour me dire au revoir. J'ai cru que mon cœur allait se répandre en mille morceaux sur le sol quand j'avais dû la quitter mais je suis restée forte, pour elle. J'ai attendu d'être dans la voiture pour laisser couler mes larmes, la musique exacerbant mes émotions déjà à fleur de peau. Je savais que ça allait être difficile, mais pas à ce point.
Jeudi, je me rends comme indiqué sur le message reçu, au call-center pour débuter ma première journée de téléopératrice. Après avoir écumé bon nombre de sites de recrutement, j'avais dû postuler sur l'annonce que Fathi avait trouvée dans le journal. Nous avions vérifié minutieusement les informations disponibles sur ce service d'audiotel car je ne tenais pas à tomber sur un truc glauque. J'étais pressée par le temps et fautes d'autres réponses à mes candidatures, je m'étais résolue à accepter cette offre. Suite à l'appel de mon futur boss, nous avions fêté ça avec Fathi autour d'une bouteille de vin, riant à gorges déployées des talents que j'allais devoir développer pour mon futur emploi.
La devanture de la bâtisse est plutôt sobre, j'aperçois juste un panneau avec les initiales P.L. sur la plaque à l'entrée. J'imagine que la discrétion fait partie des impératifs de l'entreprise. L'immeuble abrite quelques bureaux au rez-de-chaussée et les derniers étages semblent habités. Je sonne à l'interphone pour m'annoncer et le bip grésillant déverrouille l'entrée. Sans autre indication, j'arpente le couloir sombre avant de trouver l'interrupteur et toquer à la porte métallique, toujours placardée des mêmes initiales. Une femme brune d'âge mur m'accueille chaleureusement à la porte.
-Bonsoir, bienvenue chez Pink Love. Je vous en prie entrez Blanche.
J'accroche nerveusement l'anse de mon sac à main pour pénétrer dans la pièce. L'atmosphère monacale qui y règne me surprend, je ne sais pas à quoi je m'attendais, mais certainement pas à ça. Je me dirige vers la table disposée non loin de l'entrée que m'indique la dame. Lorsque je prête attention, quelques gémissements m'arrivent aux oreilles même s'ils restent très diffus et je rougis de ce que je m'apprête à faire. Je scrute la grosse horloge qui me surplombe. 20 heures, pile à l'heure. La femme tapote sur son clavier, ce qui me laisse le loisir d'étudier plus en détails mon nouvel environnement. La pièce est agencée en petits bureaux disposés en enfilade et séparés par de petites cloisons. Chaque poste de travail dispose d'un ordinateur et d'une carte de France punaisée sur le mur. Les box sont tous isolés par une porte vitrée, garante de la confidentialité des échanges. Je jauge les collègues à travers la paroi transparente, le casque sur la tête, aucune d'entre elles ne se ressemblent : jeunes ou plus âgées, brunes, blondes, rousses. Le profil recherché semble autre que physique. Je reporte mon attention sur la brune qui me fait face.
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Double Appel (paru chez Black Ink éditions)
RomanceFraîchement divorcée, Blanche doit repartir de zéro. À trente ans, cette jeune femme s'est toujours laissée porter par les décisions routinières de son couple. Désormais mère célibataire, elle doit retrouver son indépendance et aller de l'avant. Lor...