Le vent léger qui s'était levé en cette fin d'année, faisait frissonner les rares habitants qui passaient encore par là. Mais Dean n'y prêta pas attention, c'était presque comme s'il s'était déconnecté du monde actuel. Les mains enfouies dans les poches de son vieux jean, il marchait d'un pas à la fois léger, mais en contradiction avec l'intérieur. Son cœur était lourd. Toute son âme l'était. Son visage n'exprimait aucune émotion apparente, si ce n'est une expression impassible. Il marchait dans la rue, éclairé par les fins rayons de la pleine lune. De loin, c'était une belle image : une grande silhouette noire, se détachant dans la lumière de l'astre blanc. Mais tout ceci n'était qu'une illusion. Tout comme sa vie. Du moins, son ancienne vie. Depuis qu'elle l'avait quitté, c'était comme s'il ne vivait même plus. C'était comme s'il flottait dans cette immensité qu'est l'univers. Sans aucun but. Regardant la vie passer. Comme lorsqu'on est assis dans un train, et que la tête posée contre la fenêtre froide, nous regardions le paysage nous passer sous le nez. Mais nous ne sautons pas pour autant par la fenêtre pour nous immerger dans ce monde extérieur, n'est-ce pas? Et bien, c'est ce que Dean se disait. C'était sa logique. Si tout fois le fût-elle...
Il s'arrêta soudain, éblouit par une lumière venant de la gauche. Il tourna la tête. Un bar. Éclairé par des lumières rouges et vertes. Il ne voyait pas très bien ce qui se passait derrière la vitre, mais il pouvait bien se l'imaginer. Il avait l'habitude de ses endroits. Maintenant.
Il pesa le pour et le contre. Puis se passant une main dans ses cheveux noirs corbeau, il s'avança jusqu'à la porte. Il posa sa main sur la poignée et n'hésita qu'une demi-seconde avant d'entrer. De la musique country fusa immédiatement. Dean balaya la pièce du regard en plissant les yeux, essayant de voir à travers le voile de fumée. Plusieurs tables rondes étaient disposées d'un côté, et de l'autre des tables de billards. C'était bondé. Mais très vite, il repéra un tabouret vide vers le comptoir. Il avança d'un pas léger, bousculant et se faisant bousculer par des gens au passage. Il s'assit et posa ses mains sur le granite tiède, tapotant un rythme avec ses doigts. Une jeune serveuse arriva -dans une tenue des plus provocantes, évidemment- et lui demanda -hurla- sa commande.
-Double whisky, sans glaçons, lui répondit-il d'une voix monocorde.
La serveuse haussa les sourcils avec un petit sourire en coin et partit faire son travail. Dean regarda autour de lui et vit d'autres personnes, déjà prêtes à tomber sous le comptoir, assises là.
Il semblait calme. Pourtant, une bataille sans merci se livrait dans sa tête et dans son cœur. C'est pourquoi il décida de noyer ses éternelles idées noires dans sa boisson préférée.
Elle serait tellement déçue en le voyant assis là. Telle une loque. Tels rien ni personne. Ce qu'il a toujours été, ne manqua de lui rappeler sa conscience.
La serveuse arriva avec son verre et le déposa devant lui avec un large sourire.
-Et voilà! s'exclama-t-elle, puis ajouta en s'approchant et chuchotant:
-Noyez votre chagrin.
Puis reparti dans l'autre sens.