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Je vais mourir, monsieur. Je ne suis déjà plus rien. Bientôt, je n'existerai plus. Mais, je veux que quelqu'un se souvienne de ce qui m'a détruit. Je veux que quelqu'un sache que je meurs par amour... je n'avais pas de métier, monsieur. J'allais de ci et de là et je louais mes services à qui voulait bien de moi. J'étais fort et adroit. Je pouvais faire tous les travaux, même les plus rudes. Je n'avais jamais eu de mal à trouver du travail, jusqu'à ce que la crise frappât le pays. Alors je me rendis à Londres. C'était écrit. Londres. C'était là que j'allais connaître le plus grand bonheur de toute ma vie, et ma plus grande douleur aussi.

Nous étions au printemps, il faisait beau et chaud. C'était un jour de marché, je me rappelle des couleurs et des odeurs, c'était un festival je n'avais rien vu d'aussi magnifique. Vous savez, Londres surpasse Paris à bien des égards, mais en rien Paris n'a à être jalouse de Londres. Donc pour continuer mon histoire, je me promenais tranquillement dans les rues londoniennes lorsqu'un vieux monsieur sortit d'une belle et grande demeure en hurlant qu'il en avait assez d'être un employé traité en esclave, et que part conséquent, il partait loin où il serait sûrement traité à homme égal. Au perron de cette grande maisonnée, une jeune femme était sortie de nul part, elle jurait comme un charretier, cela était étonnant pour une femme venant de ce milieu. Je m'étais à peine remis de mon étonnement que je sautais sur l'occasion d'avoir un autre travail, j'entrais dans la cour et interpellais la jeune femme. Elle était petite ou pour ne pas la discriminer elle était plus petite que moi, je me rappelle de ses cheveux, elle était blonde avec de magnifique yeux bleus. De ce jour-là, je peux me rappeler la robe qu'elle portait dans les moindres détails. Je me rappelle lui avoir dit que  j'étais son homme pour remplacer le précédent. Suite à ça, je me rappelle aussi de son regard, un regard dédaigneux, hautain. Elle me dis que j'avais la carrure qu'elle cherchait, c'est alors que tout simplement elle avait accepté de m'employer. J'avais de nouveau du travail, mais en aucun cas j'avais imaginer qu'avec ce travail ce serais là aujourd'hui.

Les premiers jours étaient les plus difficiles car je n'arrivais pas à me repérer par les dédales de couloirs et de pièces qui en mènent à d'autre encore plus vaste que les précédentes. Je n'étais pas son seul employé, elle avait aussi deux femmes de chambres qui m'aidaient beaucoup dans mon orientation.

Des jours durant, j'effectuais de multiples tâches allant de la réparation d'un meuble à l'entretien de son salon d'hiver, en passant par la décoration intérieure de sa demeure. A aucun moment je ne m'ennuyais, et à chaque fois que je pensais voir terminé ma tâche elle m'en trouvait toujours une nouvelle. J'appréciait son ton directeur, elle était une vraie dictatrice, elle savait ce qu'elle voulait et s'assurait de toujours l'avoir.

Je me rappelle d'un jour en particulier, si ma mémoire n'est pas encore défaillante, c'était un jour de printemps, je m'en souviens car je commençais à planter les légumes dans le jardin. Je la surpris à m'observer par-dessus son livre, je cessais immédiatement mon travail, pour je ne sais quelle raison, et le rejoignit sur la terrasse d'été. Je la vouvoyais, vous comprenez ? Elle était la directrice de maison, je n'étais que son homme à tout faire, son domestique, son esclave. C'est alors qu'elle me demanda de l'appeler « Jane ». Jane, Jane, combien de fois je me suis répété son prénom, ce magnifique prénom que personne ne peut oublier. Jamais je ne me lasserai de prononcer son prénom, jamais.

En plus de son prénom, j'aimais son sourire, son léger sourire. Mais ce que je préférais le plus était son rire, un rire cristallin qui faisait tourner la tête de n'importe quel homme amoureux. Elle était parfaite, je pourrai passer des heures à vous la décrire. Elle était pianiste, cela se remarquait à ses doigts longs et fins qui jouaient de Bach et du Beethoven, elle en jouait tous les matins. Les sonorités de son piano sortaient de la pièce de musique et enchantaient toute la maison, parfois j'avais l'impression de l'entendre fredonner les notes de ses partitions. C'était magique. Vous ai-je parlé de ces cheveux ? Non ? Et bien ses cheveux étaient blonds, pas n'importe quel blonds, c'était de l'or qui attirait les rayons du soleil et qui créait une aura tout autour d'elle. Elle était une déesse sur Terre. Elle le savait. Elle en jouait.

J'étais fol amoureux d'elle, mais pas n'importe quelle folie, la folie passionnelle. Je me rappelle d'un autre jour, un jour d'été où, je profitais de la chaleur pour repeindre une des nombreuses chambres inoccupées. Elle était entrée dans la pièce telle une apparition divine, elle est venue d'elle-même me parler. Ce jour-là, nous avons beaucoup parlé, tellement, qu'à un moment je me suis penché vers elle. Elle ne bougeait pas, j'attendais sa réaction, à aucun moment elle n'a scillé. Je sentais son souffle chaud sur mes lèvres, mon menton, je sentais aussi son parfum, un mélange de pamplemousse, gingembre et rose. Tout doucement j'avais posé mes lèvres contre les siennes, tout doucement je m'étais éloigné d'elle pour voir sa réaction. Elle me regardait avec de grands yeux, puis elle me rendit mon baiser, mais cette fois, de façon plus violente et passionné.

Nous nous sommes aimés, monsieur. Du moins, je le croyais. Cependant, elle n'était pas sincère avec moi, elle avait joué, comme elle le fait à chaque fois. Je l'avais appris par hasard, elle allait fêter ses fiançailles avec un autre. Elle allait en épouser un autre. Elle allait en épouser un autre. Elle allait...



Plus dure sera la chuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant