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Je vérifiais si j'avais toujours l'objet qui mènera à ma perte. Il n'avait pas glissé, il était encore au même emplacement où je l'avais glissé en début de soirée. L'objet était merveilleux, pour ce que j'aimerai faire, jamais je ne l'aurai imaginé si... parfait ! La première fois que je l'ai vu, j'ai pu croire à l'intervention divine, comme si Dieu me donnait lui-même le courage de passer à l'acte. Un acte qui risque d'en faire pâlir plus d'un ici présent ce soir.

La moiteur de la foule rendait mes gestes incertains et mon esprit était embué d'une vengeance digne d'un polar américain. Il fallait que je reste concentré sur mes gestes et mon esprit. Il fallait que je sois en pleine possession de mes moyens pour arriver à mes fins et pour voir l'horreur de la situation, pour qu'elle me voit enfin, pour qu'elle me regarde comme il y a quelques jours. C'est pour elle et uniquement pour elle que je faisais ça. Jane.

Mon calvaire a commencé à s'atténuer quand la musique a pris fin. Le couple s'est séparé. Elle regardait se invités quand soudain son regard a capturé le mien, j'ai pu lire de l'étonnement dans ses yeux puis de l'indifférence. J'avais mal et j'ai toujours mal monsieur, je sens encore mon cœur se serrer quand je revoie la façon dont elle m'a regardé ce soir-là.

L'homme qui l'a faisait dansé plus tôt fendait la foule pour rejoindre le buffet. Je ne voulais pas louper cette belle opportunité. Je m'approchais de lui et lui demanda s'il voulait quelque chose en particulier. Il m'avait répondu qu'il avait déjà tout ce qu'il faut. Je sais qu'il parlait d'elle. En homme éduqué, je lui fit la conversation. J'écoutais distraitement ce qu'il me répondait. J'étais accaparé par mon but, le but de cette conversation, le but de mon acte, le but de cette soirée.

Je l'ai interrompu durant son monologue sur je ne sais plus quel actions de solidarité il faisait. Je voulais lui dire ce que je ressentais, je lui ai dit que j'aimais Jane depuis j'avais commencé à travailler pour elle. Je me rappelle de la façon dont il m'a regardé, comme si je n'étais qu'un insignifiant petit insecte. Je me rappelle lui avoir sourit et ensuite, mes paroles et mes gestes sont flous. Je ne sais plus dans quel ordre c'est arrivé : les cris, les pleurs, l'isolement ou les pleurs, les cris, l'isolement. Mais une chose est sûr, je l'ai fait ! J'ai fait le ce dont pourquoi je suis venu à cette soirée. Je l'ai fait ! J'ai tué la personne qui entravait mon bonheur ! Je l'ai tué !

Je pense que vous voulez savoir comment, monsieur. Et bien, je l'ai poignardé, tout simplement. Où ? Au cœur sûrement, ou à côté, je ne sais plus. Mais, même si mon geste n'était pas précis, je l'ai fait ! Je me rappelle très bien de son cris d'agonis, il ne disait plus rien. Je pouvais lire dans son regard de la panique mais aussi de la colère, je le conçois. Je l'ai vu tombé à genoux devant moi ! C'était, comment dire... jouissif ! Lui, l'américain, tombe de haut. Lui, l'aristocrate, est déchu. J'ai peut-être tout perdu, mais lui a perdu beaucoup plus que moi.

J'étais stoïque face à la scène qui se déroulait devant mes yeux. Certaines personnes essayaient tant bien que mal à le maintenir en vie. Je voyais le sang se répandre sur le sol. Je voyais que l'air commençait à lui manquer. Je voyais qu'il s'étranglait avec le liquide rouge qui normalement nous maintien en vie. Quelle ironie ! Au loin, je pouvais discerner des cris, des pleures, des hoquets d'effroi. Pourquoi suis-je le seul à me réjouir de sa mort ?

En levant les yeux de ce cadavre, car appelons un cadavre ce qui doit être appelé un cadavre, j'ai croisé le regard de ma bien-aimée. Sa robe immaculée était à présent tachée de sang, de son sang à lui. Ses mains étaient crispées sur le corps sans vie de cette immondice. Ses yeux était inondés de larmes, et son visage si fin était déformé par la tristesse. Je ne voulais pas qu'elle pleure à cause de lui. C'est alors que j'avais décidé de bouger pour la rejoindre. Mais comme vous devez vous en doutez, elle ne m'a pas sautée dans les bras pour y cacher sa tristesse. Elle me fuyait, elle me fuyait en allant rejoindre le salon d'été. Je devais le suivre, je devais assumer mes actes devant elle.

Je ne me rappelle plus de ses mots exacts, de ses paroles. Mais je me rappelle avoir eu mal, je me rappelle que j'étais comme un enfant pris en faute. Elle est devenue rouge, sa voix était saccadée, à cause de la colère ou de la tristesse, sûrement. Elle faisait claquer sa langue dans sa bouche pour accentuer ses mots. Je voulais qu'elle se taise, c'est pourquoi je me suis avancé vers elle doucement, tranquillement. Et c'est là, là que j'ai su que je l'avais perdue à jamais. Sa gifle aurait pu me tuer si j'aurai été un faible garçon. Voilà ce que je méritais pour elle.

J'ignore combien de temps s'écoula avant l'arrivée des forces de l'ordre. J'étais vidé de toute énergie, prostré, ignorant les regards, qui, devaient pas manquer de se pose sur moi, ignorant les cris, les larmes, de tout ce qui se disait autour de moi. Il me semblait qu'un épais brouillard m'entourait, anesthésiant mon cœur, mon âme et mon esprit. Je n'étais plus rien. Je ne me réveillai que lorsque je sentis sur moi les mains brutales des représentants de la loi. Je fus ligoté comme un fou, emporté tel un sac, jeté dans la carriole dont les barreaux épais projetaient sur moi une ombre menaçante.

Et me voilà, monsieur, dans cette prison, avec vous ressassant mes souvenir, attendant la mort comme une vielle amie. J'ai peur à présent, je peux bien vous l'avouer. Mais en aucun cas je ne regrette rien. Non. Rien.

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Plus dure sera la chuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant