Chapitre 2

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-Bon, alors toi. On en est où ?

Elle commence à survoler mon dossier. Elle le connaît pourtant déjà par cur.

-Dix-sept ans. Orpheline. Des parents médecins. Fille unique. Sans aucune quelconque famille. En dernière année. Avec pour seule référence de lieu de travail, le centre de l'orphelinat. En choix libre.

Elle dépose le dossier sur la table, retire ses lunettes, pose ses coudes sur le bureau en entremêlant ses doigts, puis, me fixe.

-Tu sais probablement ce que je vais te dire ?

Je le sais. Je le sais même très bien. Je m'y suis attendu et préparé depuis deux ans. Depuis que je suis rentré chez moi, seule, maitre de mes pensées, à me tourmenter l'esprit sur mon avenir, sans aucun autre sujet de torture, en fait.

-Oui

-Bien, alors dis-moi ta réponse. Où veux-tu aller ?

J'ai beau y avoir réfléchis une bonne centaine de fois, c'est toujours le même problème : je ne veux aller nulle part. Rien n'en vaut la peine. Rien ne m'intéresse.

Je refuse d'enseigner. A quoi bon répéter chaque année le même discours et cela jusqu'à la fin de notre vie. L'architecture n'est pas pour moi. Je ne désire pas passer ma vie à ramasser les déchets des erreurs des autres. Ni même, donner le ravitaillement pour chaque habitant. J'ai passé la majeur partir de ma vie à l'orphelinat et je n'ai pas spécialement envie d'y rester jusqu'à ma mort. Et je peux éjecter la médecine. Il ne reste que l'armée. Obéir comme un petit soldat, risquer sa vie pour une cause perdue, non merci. Le courage ne fait pas parti de mes qualités, bien au contraire. Je sais que mon pessimisme vient de ma lâcheté.

Je suis peut-être trop difficile, mais pourquoi avoir un choix limité ? Pourquoi ne peut-il pas y avoir d'autres métiers ? Je sais, je devrais ne rien dire et me réjouir d'avoir le choix, mais non, je ne le peux. Je voudrais pouvoir partir, je voudrais pouvoir faire médecine si j'ai envie, je voudrais être libre de pouvoir exprimer ce que je pense sans jamais être obligé de ruminer. Rien de ce que l'on peut dire n'est pris en compte. J'ai très bien conscience que je désire simplement tout avoir. Je ne veux pas être médecin, mais je veux pouvoir le devenir sans que rien ne me soit interdit. Il faudrait changer le Gouvernement pour cela. Mais c'es tout bonnement impossible. Les périodes d'instabilités ne le permtettent pas. Je ne trouve pas ma place ici. Tout est beaucoup trop oppressant. Et devrais-je m'excuser de cela ?

-Médecine.

Elle me dévisage surprise et confuse puis souris tout en s'appuyant de ses avant-bras sur le rebord de la table, amusé. Après tout, c'est tout ce qu'il me reste de mes parents.

-Tyra, tu es une jeune femme intelligente mais tout comme moi tu sais que tu dois choisir parmi le reste. Estimes-toi heureuse d'avoir seulement eu ce choix.

-Oui, on peut dire que j'ai eu le privilège d'avoir un peu plus de choix grâce à mon contexte d' orpheline. Alors que les autres qui doivent reprendre le travail de leur parents sans mot dire. Qu'est-ce que cela coûterait à la société qu'il choisisse leur cursus scolaire, comme auparavant ? Vous ne voulez pas répéter le passer mais quel est le rapport avec le métier ? Vous savez pourtant qu'obligez les gens et ce qui nous mènera une fois de plus à notre perte.

Elle me regarde sans sourciller. Puis vient passer ses mains sur son visage légèrement ridé, en geste de fatigue.

-Ecoutes, tu fais partie de la première génération qui née avec ce gouvernement. Tes parents et d'autres l'ont instauré quelques années auparavent et il a bien fallu que quelqu'un prenne cette responsabilité. C'est le risque. Il faut bien une période avant la stabilité dans le monde. C'est celle-ci : héréditaire, à choix limités. Je n'y peux rien. Et je n'ai pas à débattre de ce genre de chose avec toi Tyra. Tu ne changeras pas les choses aujourd'hui.

- C'est ce que vous nous faite croire. En réalité ces moules vous scié très bien à vous. Et vous verrez, un jour toute ces "responsabilité" vous pèteront à la gueule. Et vous le verrez de vos propres yeux que j'ai raison, car vous serez au premier rang. 

J'essaye de garder mon calme. Je sais que mes paroles rentre en contacte avec un mur mais j'en profite pour dégage ce qui me pollue; et cela sur le seule personne envers laquelle j'ai tenu la plus longue conversation en 17 ans d'existence.

J'ai pleinement conscience qu'avec mon attitude, je passe pour une colérique qui rejette la faute sur son Gouvernement sans pour autant apporter de solution. Je sais aussi que notre génération a le cul entre deux chaises et que mon avenir se doit d'être gâché pour les générations à venir. Mais quelle garantie j'ai, qu'il ne soit pas gâché pour rien? Je suis surement beaucoup trop égoïste pour me sacrifier. Mais je n'ai que cela.

-Je n'y peux strictement rien. Elle se contente de débiter la même phrase déjà pondue une quarantaine de fois en une douzaine de visite.

Elle semble maintenant particulièrement agacée. Apres tout, je suis un cas parmi tant d'autres pour elle. Un temps, on nous a dit que ce système serait un" après  guerre" histoire de souffler ; histoire de trouver un système provisoire, avant celui décisif. Mais je ne suis pas dupe. Tous ceux qui ont un minimum de jugeote savent que ce sera le système d'aujourd'hui et de demain. Tout a été mis en place et instauré de manière fixe. Maintenant que le gouvernement est au pouvoir, que le peuple et soumis et apeuré, l'éducation, l'Etat militaire et politique sont sur un pied d'éstale.

Elle souffle un grand coup, prend mon dossier ainsi qu'un tampon à encre rouge et me demande, sans même lever le regard.

-Je considère que tu t'y connais un peu en ce qui concerne l'orphelinat. Si tu ne me donne pas ta réponse dans l'immédiat, je me vois dans l'obligation de t'y envoyer l'année prochaine.

Ou que j'aille, le système est le même. Cependant, je veux partir. Je veux quitter tout ce qui me rappel ce que je n'ai jamais connu; des proches. Mais la seule façon de quitter ce trou, c est l'armée. Je ne suis pas soumise et je refuse de devenir un chien lobotomisé par des trous du cul sans cervelle qui se prennent pour des durs à cuire et qui nous font croire qu'ils sauvent le monde. Je n'aurai surement même pas la force de survivre aux entrainements. Je ne veux pas avoir à lire un protocole d'un lots de huit cents pages pour n'avoir que deux mots de vocabulaires qui ne sont la que pour nous rappeler notre misérable allégeance. Mon monologue est rompu. L'évidence est là. Je souffle, exténuée.

-L'orphelinat.

Je crache mes mots. Je m'en prends. Mais à qui d'autre ? Elle est l'éducation, la plus proche du gouvernement, après l'armée. Ce sont d'ailleurs les seuls qui exercent une sélection afin d'attribuer des postes. Personne ne peut échouer à proprement parler. Mais, à ce que l'on dit, si l'examen n'est pas réussi assez convenablement, il est possible de finir par curer les chiottes des soldats, à l'armée.

-Tu vois, ce n'était pas si dur.

Aller, tamponne ton papier qu'on en finisse.

-Tu peux disposer.

Je sors bruyamment de la salle afin qu'elle voit mon mécontentement. Je l'entends derrière moi ajouter d'une voix emplie de compassion.

- Je n'ai le droit d'alimenter vos fantasmes, Tyra.

J'hésite à me retourner mais je suis déjà loin. Et puis, peut m'importe l'excuse qui sortira de sa bouche. Je sors donc rejoindre le métro, qui n'en est pas un, pour rentrer chez moi, qui n'est pas vraiment chez moi; afin de reprendre la vie, qui ne m'appartient plus vraiment, ansi le quotidien que je m'apprête à mener jusqu'à mon dernier instant éveillé.

RuinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant