Rebels : 1. La Sélection

Chapitre numéro un : La propagande

La voix de Gotyé brisa le silence.

– Tu plaisantes, j'espère ?

– Je dis seulement que tu n'avais pas l'air très convaincu, c'est tout, lui fit remarquer Vigdis, visiblement vexée.

– Arrête, c'est au moins la cinquième fois que je mentionne le fait qu'elle est bien. N'est-ce pas, Naé ? Dis-lui ce que tu penses de la nouvelle page d'accueil de #Rebels.

– Je préfère ne pas répondre à cette question, lui répondit celui-ci, qui tentait de réparer le pied du petit fauteuil en tissu usé.

– Pourquoi lui n'a pas à répondre, alors que moi oui ?! s'indigna Gotyé, mécontent.

– Je savais qu'elle ne te plaisait pas, se vexa Vigdis.

– Elle me plait, c'est juste que...

– Que quoi ? demanda la jeune femme.

– Que tu es peut-être un peu trop directe dans tes accusations. Tu sais, c'est quand même l'État que tu attaques dans ton article.

– Il n'a pas tort, lui accorda Naé en se concentrant davantage sur sa tâche. Tu devrais te montrer plus prudente.

– Plus prudente ?! s'époumona-t-elle. Rien que la semaine dernière, trois personnes ont été signalées disparues.

– Raison de plus pour être prudente, l'interrompit Gotyé.

Visiblement du même avis, Naé, qui partageait les préoccupations de son frère cadet, compléta :

– Je dis seulement que depuis que le GISAR a vu ses budgets tripler, ils multiplient les raids et, tous les jours, des centaines de fascicules concernant la sélection de candidates potentielles sont distribués à nos concitoyens ainsi que des prospectus reprenant les procédures d'engagement dans l'armée et au GISAR.

Naé avait marqué un point et Vigdis le savait. Naé travaillait au sein du service postal gouvernemental de sa province et distribuait tous les jours des centaines de documents de propagande pour cet État qu'il détestait au plus haut point.

– En quoi cela a-t-il un lien avec #Rebels ? renchérit Vigdis, bien décidée à conserver sa page d'accueil en l'état.

– Je dis seulement qu'avec leurs nouveaux budgets, ils ont peut-être engagé d'autres experts en informatique plus performants, s'inquiéta Naé en continuant de s'acharner sur le petit fauteuil à trois pieds.

– Personne ne peut briser mon pare-feu, je te l'ai déjà dit, lui assura-t-elle, une pointe d'arrogance dans la voix.

– Tout va bien dans ce cas. C'est seulement nous qui nous inquiétons pour rien, lui concéda Gotyé, sentant le ton monter entre son frère et leur amie d'enfance.

– J'espère seulement que tu sais ce que tu fais, Black_Unicorn, clôtura Naé, réprobateur, en parvenant enfin à rafistoler le fauteuil.

– Je vous rappelle qu'il est temps de passer à table, les apostropha Nanie en passant la tête dans le chambranle de la porte.

Nanie, une dame âgée de septante-trois ans aux courts cheveux noirs dont la repousse blanche était visible à des kilomètres, était la grand-mère de Naé et Gotyé. Malgré ses traits tirés et sa peau jaunie par les années et la maladie, Nanie, qui était le surnom choisi par ses petits-enfants, paraissait tout de même plus jeune que son âge.