Chapitre 2 : Doux rêves.

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Maudit tonnerre, toujours en train de perturber le sommeil de ma petite Allie.

Deux ans étaient passés, deux années rapides, deux années presque imperceptibles pendant lesquels la petite Allie était passée de trois à cinq ans. Ses cheveux n'avaient pas beaucoup poussé et ses boucles se défaisaient par endroit. Son petit esprit avait plutôt muri et son rire me devenait de plus en plus familier.

Quant à moi, j'étais toujours le courageux Doudou qu'elle connut dans cette boutique, prêt à la défendre de tout et de chaque coup de tonnerre qui tombait quand la pluie devenait intrépide. Je crois que j'en ai plus peur qu'elle.

— AAAAAH ! – cria-t-elle. Sa voix résonna dans toute sa chambre, pleine de posters des princesses Disney, ces poupées superficielles que je voyais dans ses DVD et que je détestais tant. Sérieusement, Toy Story me paressait plus réaliste que toute cette merde niaise et sans intérêt.

« AAAAAAH, PUTAIN DE TONNERRE ! », dis-je, mais ma voix résonna seulement dans mon ventre mou d'ours en peluche. Si seulement j'étais comme Woody ou Buzz, mes héros. « Les ours normaux n'ont pas de héros, ne disent pas non plus de gros mots et ne ressentent pas la peur », me grondais-je constamment. Mais je ne pouvais pas m'empêcher d'être bizarre. C'est une des joies d'être Made in China au lieu de Taiwan ou Germany, comme mes autres compagnons. Eux étaient normaux, bien que néanmoins je fusse le seul qui dormait avec la petite Allie, le seul qui avait le privilège de prendre soin d'elle. « Allez vous faire foutre, je suis son Doudou », pensais-je. Affaires d'ours.

— Calme-toi, Doudou – me dit-elle de sa voix tremblante et la peur à fleur de peau –. Les éclairs ne vont rien nous faire, maman me la promit.

Et bien que je sentisse qu'elle me disait la vérité, en étant cachés sous son lit avec les draps sur nos têtes pendant que la pluie frappait avec force le verre de la fenêtre, ça ne donnait pas vraiment confiance. J'essayai de lui esquisser un sourire, mais comme, après tout, je suis seulement un ours, mes lèvres restèrent la mince ligne de fil noir en forme de « u » qui était là habituellement.

Autre coup de tonnerre, autre cri qui transformait mon coton en bouillie. « Ce n'est rien, Doudou, c'est juste la pluie ».

— Ce n'est rien, Allie – me disais-je –, c'est juste la pluie.

Elle n'avait pas à s'inquiéter pour ça ; si un éclair s'avisait de la toucher, je prendrais ma limitée force d'ours en peluche heureux et je sauterais pour encaisser le coup à sa place. Quelque chose en moi me disait que je m'occuperais d'elle, que je veillerais sur elle chaque jour, même la nuit, et que je lutterais pour qu'elle continue de sourire.

Nous avions un lien, un lien si beau, si familier et chaleureux que ça faisait de moi un ours heureux et comblé. Donc je lui susurrais : « Moi, je m'occupe de toi, Allie, j'ai seulement besoin que tu fermes les yeux ». Et même si elle ne m'entendait pas, elle le faisait. Elle fermait ses yeux lentement pendant que je lui chantais Somewhere over the rainbow, parce que je savais qu'il y aurait un ravissant arc-en-ciel dès que la pluie aurait cessé. Je m'introduisais dans ses rêves pour qu'ils soient doux parce que c'est ce que fait un bon ours en peluche : t'assurer de belles et douces nuits.

Mémoires d'un OursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant