storm

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Une pluie torrentielle s'abat sur la région. Cela fait bientôt plus d'une heure que ces grosses gouttes gelées tombent du ciel pour venir s'écraser sur tout ce qui leur est exposé. Le goudron des trottoirs est trempé. Les jardins sont infondés. Les gouttières et autres moyens d'évacuation de l'eau débordent.

Pendant la soirée, des vents du Sud-Est se sont renforcés et soufflent maintenant jusqu'à plus de 90 km/h en rafales. De violentes tornades se sont déclarées pendant la nuit. Du sac en plastique traînant dans la rue à la chaise d'extérieur oubliée sur la terrasse, en passant par le vieil arbre des voisins et les pots à fleur de mamie, ces grosses bourrasques de vent emportent tout sur leur passage.

Des éclairs zèbrent le ciel noir, l'illuminant ainsi le temps de quelques secondes. La foudre fait trembler le sol.

La population est terrifiée.

Tous les habitants sont terrés chez eux et observent le déluge à travers les fenêtres de leur maison en espérant que tout cela s'arrêtera rapidement.

Personne ne se risque à sortir. Il faudrait d'ailleurs être fou pour oser aller dehors par un temps pareil ! Fou ou suicidaire.

Harry, un jeune homme aux cheveux bouclés, se tient devant la porte-fenêtre de son salon en compagnie de sa jeune sœur Gemma. Tous deux s'amusent à calculer le nombre de kilomètres les séparant de l'orage.

"Deux kilomètres !" annonça le bouclé.

Effrayée par ce temps déchaîné, Gemma se cramponne à la jambe de son grand frère. Se voulant apaisant, celui-ci lui caresse tendrement les cheveux.

"Ne t'inquiète pas Gemma, ça va vite passer..."

"Paris est dehors, j'ai oublié de le faire rentrer !" pleurnicha-t-elle.

Harry lui assura que son chien était intelligent et qu'il était sûrement déjà rentré se mettre en sécurité dans sa niche.

"Non ! Il va être tout mouillé !" s'exclama Gemma en essuyant discrètement ses larmes. Barry risquerait encore de se moquer d'elle.

"Dès que la tempête se calme je vais le chercher, ok ?"

La petite fille s'indigna que son frère ne s'inquiète pas plus que ça pour son animal de compagnie. On dirait qu'il parle d'un ballon oublié dans le jardin !

"Pourquoi est-ce que ta sœur braille encore ?" grogna Barry depuis le canapé en changeant de chaîne.

"Elle pleure parce que Paris est resté dehors." annonça froidement Harry à son beau-père.

Le petit ami d'Anne n'avait rien pour plaire et Harry ne comprenait vraiment pas ce que sa mère pouvait bien lui trouver de si charmant. Il n'était pas poli ni serviable et encore moins romantique. Barry était digne de figurer dans les publicités qui passaient à la télé pour prévenir de l'obésité morbide. Son beau-père passait ses journées devant la télévision à se gaver de bière bon marché, de chips et de gâteaux apéritifs. Il ne bougeait jamais du canapé sauf pour se rendre aux toilettes, aller dormir et pour aller se chercher à manger quand Anne ou Gemma n'était pas là pour lui apporter quelque chose.

"Laissez donc ce cabot dehors, ce chien baveux va tout dégueulasser." grommela l'adulte en tapant la télécommande contre la paume de sa main. "Anne ! La télé marche plus !"

La mère de Gemma et Harry accourut aussitôt dans le salon, une serviette sur la tête et sa brosse à dents dans la main. Barry lui tendit l'objet. Anne la prit et essaya en vain de trouver une chaîne dont l'image ne se criptait pas au bout de quelques secondes.

"Ça doit être à cause du temps. Désolée, je ne peux rien faire... Il faut attendre que ça passe." s'excusa la femme.

"Mouais... t'as foutu où mes DVD ?"

Anna lui désigna un petit meuble près de la télé.

"Oh ! Gem' tu n'es pas encore couchée ?" demanda-t-elle en remarquant que sa fille était dans le salon.

La petite fille déclara d'une voix tremblante qu'elle ne pouvait pas aller se mettre au lit tant que son petit chien Paris n'était toujours pas rentré.

"Il est tard ma chérie, tu devrais déjà être en train de dormir. Je suis sûre que Paris va bien, on ne peut pas aller dehors, l'orage est dangereux."

"Justement ! Il doit avoir peur !" s'écria sa fille avant qu'un nouvel éclair n'éclate, la faisant sursauter.

"C'est toi qui as peur !" railla Barry, toujours affalé sur le canapé.

Cette remarque eut le don d'agacer Harry. Il ne supportait pas qu'on puisse se moquer de sa sœur ainsi.

"Va mettre ton pyjama, Gemma. Je vais chercher Paris." déclara le jeune homme.
Sa sœur le remercia vivement avant de courir dans sa chambre pour s'habiller pour la nuit.

"Haz' tu ne peux pas sortir par un temps pareil ! C'est trop dangereux !" s'exclama sa mère alors que son fils enfilait déjà ses chaussures et son manteau, se préparant à braver la tempête.

"Barry, dis-lui que c'est dangereux !" s'affola Anne en cherchant du soutien chez son compagnon.

"Ouais... c'est dangereux." fit l'homme dans grand intérêt pour la situation.

Harry passa une main dans ses cheveux bruns, mit sa capuche et remonta la fermeture de son blouson au maximum.

"T'en fais pas, maman. Je serais rapide." promis le brun en ouvrant la porte-fenêtre qui donnait sur leur jardin.

Anne se rongeait les sangs en attendant que son garçon revienne tandis que Barry démarrait "Fast And Furious 5".

Plusieurs minutes passèrent et Harry ne revenait toujours pas. Jugeant que trop de temps s'était écoulé - et sachant qu'elle n'obtiendrait pas d'aide de la part de son compagnon - la mère de famille s'apprêta à aller chercher ses chaussures quand le bouclé réapparut dans le salon, le petit chien dans les bras.

"Tu vois, je ne suis pas mort." déclara Harry en souriant, faisant apparaître ses fossettes.

Il donna Paris à sa mère et enleva ses chaussures pleines de boue et son manteau trempé.

"Ne fais plus jamais ce genre de chose, d'accord Hazza ? Tu m'as fait très peur... Qu'est-ce qui t'a pris autant de temps ?" s'inquiéta la femme en séchant le chien avec la serviette qu'elle avait précédemment sur la tête.

"Paris était parti se réfugier sous la grange. J'avais dit que ce chien était intelligent."

"Tu devrais prendre une douche pour te réchauffer, tu vas tomber malade." lui recommanda sa mère en repoussant vers l'arrière les cheveux qu'il avait sur son front.

Harry hocha la tête et reprit le chien dans ses bras. Il embrassa sa mère et lui souhaita une bonne nuit avant de monter dans la chambre de Gemma pour lui apporter son chien.

Personne ne se risquait à sortir. Il aurait fallu être fou pour oser aller dehors par un temps pareil. Fou, suicidaire ou il fallait juste profondément aimer sa sœur...

rainy days ー nouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant