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« La peur n'évite pas le danger » : c'est ce que me disait ma grand-mère maternelle, quand j'étais petite et que je me réfugiais dans sa chambre à cause de l'orage. Elle me disait que si la foudre devait s'abattre sur la maison, elle le ferait, que je sois effrayée ou non. En grandissant, j'ai de mieux en mieux compris cette citation. J'avais peur de retomber amoureuse, ce n'est pas pour autant que je ne l'ai pas fait. J'avais beau avoir peur de souffrir à nouveau à cause de mes sentiments, c'est de nouveau arrivé. Alors aujourd'hui, je ne devrais même pas avoir peur de revoir Simon, ni même avoir peur d'assister à ce Run, parce que de toutes façons, la peur ne sert à rien. Seulement, ce que j'ai aussi appris en grandissant, c'est que même si l'on sait que la peur ne sert à rien, ce n'est pas pour autant un sentiment que l'on contrôle.

Installés sur le côté de la route, mes amis et moi attendons patiemment le départ de la course de moto. Seul Malo va tirer ce soir. Ely préfère rester avec moi et Tristan n'a pas de voiture adéquate pour se lancer sur le bitume, bien qu'il en meure d'envie. Nerveusement, je continue de lancer des coups d'œil tout autour de moi, comme si je m'attendais à ce que le grunge débarque d'un moment à l'autre. Il est évident que plus personne ne se rajoutera à ce Run, pourtant je ne peux m'empêcher de penser qu'il viendra. Les images des fois où nous étions ici ensemble me reviennent. Elles se superposent à la réalité, dans des flashs douloureux. J'étais stupide à cette époque. Stupide et aveugle.

— Il n'y a vraiment pas grand monde ce soir.

La voix de Paul me fait revenir au moment présent et je lève les yeux vers lui. Avec une moue déçue, il balaye les lieux du regard, ses bras musclés croisés sur sa poitrine. J'ai l'impression qu'il est plus massif qu'avant. Comme si, à l'inverse de Tristan, après l'accident il s'était mis deux fois plus au sport.

— On est le premier week-end de Juillet, certains doivent être partis en vacance et d'autres doivent avoir trop peur de se faire chopper par les flics.

— Ou d'avoir un accident.

En prononçant ces mots, je me retourne vers Ely, qui m'adresse un sourire triste. Il est évident qu'elle avait elle aussi pensé à cette solution, mais qu'elle n'avait simplement pas voulu le dire à voix haute.

— Ce qui t'es arrivé a fait prendre conscience à certains que l'on n'était pas plus fort que la vie.

— J'aurais plutôt dit « plus fort que la mort », pour le coup.

— Tu n'es pas morte, Calli, tu es avec nous aujourd'hui, donc Ely a raison de dire « la vie ».

Paul me sourit, avant de m'ébouriffer doucement les cheveux. Je m'empresse alors de remettre mes cheveux correctement devant ma cicatrice et grimace pour la forme, car en réalité, ce geste amical me détend légèrement. Bien que mes mains restent moites et que mon cœur continue de battre anormalement vite. Je dois vraiment me calmer. Il ne viendra pas. Il faut que je me le mette dans le crâne.

Le second coup de Klaxon qui annonce le départ de la course retentit et immédiatement, les moteurs des motos se mettent à ronfler. Les cinq motards présents ce soir se sont mis en place, ils sont prêts à partir. La tension entre eux se voit, elle est palpable. C'est comme si, avec cette reprise, ils cherchaient tous à montrer de quoi ils étaient capables, comme si pour eux, c'était un retour à zéro.

Les trois coups de Klaxon rapprochés retentissent. Tout le monde se met à hurler. Les pneus crissent sur l'asphalte. Une légère fumée se soulève de la route. L'odeur du caoutchouc brulé et des gaz d'échappement vient me chatouiller les narines. Ça y est, je suis dans mon élément. Je suis chez moi.

Descendant. ~ [Publié chez Nisha Et Caetera]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant