Descendant. ~ [Publié chez Nisha Et Caetera]

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Après avoir passé la plupart de mon temps, de ces trois derniers mois, à voir les visages des mêmes personnes, c'est plutôt étrange d'en voir autant différents d'un coup et dans mon appartement qui plus est. J'ai un peu l'impression de retomber d'un coup dans mon ancienne vie. Comme si on me plongeait, le temps d'un soir, dans l'une de nos soirées du jeudi pour me rappeler comment je vivais avant ; pour me rappeler ce que c'était le bonheur simple et la légèreté ; pour me rappeler que malgré mon changement, autour de moi, les choses sont restées les mêmes.

La fête battant son plein et après avoir remercié les nombreux invités, je me suis installée à côté du canapé, en compagnie de Lucie et Aurore.  Nous discutons pour rattraper le temps perdu, en sirotant nos boissons. Les filles se sont fait servir des cocktails faits avec soin par Malo, tandis que j'ai opté pour un simple verre de Sprite. L'alcool ne ferait pas bon ménage avec mes médicaments et de toute façon ça ne me fait pas envie. Je crois que si je fais d'autres fêtes, les sodas vont devenir mes amis, de très bons amis même.

— Je suis sûre que tu pourrais reprendre les cours l'année prochaine.

—  Aurore a raison, tu peux très bien refaire une deuxième année. Tu auras sûrement plus de facilité même.

Mollement, je hausse les épaules et fixe mon verre déjà presque vide.

— Je ne me sens pas prête à retourner à la Fac et encore moins à affronter le regard des gens.

— Ce n'est pas le lycée Calli. A la Fac, personne ne va te calculer et puis, je ne vois pas ce que tu as peur que les gens regardent. Ton fauteuil, les gens en ont déjà vu et ta cicatrice, elle n'est pas choquante.

En faisant la moue, je secoue négativement la tête, alors qu'à l'inverse Aurore regarde Lucie en acquiesçant à ses propos. Je ne suis pas d'accord avec elles. J'aimerais l'être, mais ce n'est pas le cas. J'ai beau avoir compris que c'était mon regard à moi qui m'importait le plus, je ne me sens pas encore totalement prête à ne pas faire attention à celui des autres. Parce que, comme pour tout, c'est plus facile à dire qu'à faire !

— Ma cicatrice n'est pas choquante hein ...

— Non, elle ne l'est pas.

Lucie essaye de soutenir mon regard d'un air qui se veut sévère, mais finit par souffler et baisser la tête.

— Ok, elle se voit, mais non, elle n'est pas choquante. Elle est aussi jolie qu'une cicatrice peut l'être.

Ironiquement, je hoche la tête, en me mordillant la joue, ne sachant trop quoi répondre à ça. Elle ne sait pas que l'autre jour, une gamine a pris peur en me voyant dans le bus. Elle ne sait pas que ma propre mère me regarde avec pitié dès qu'elle me voit. Elle ne sait pas que j'ai évité les miroirs pendant près de deux mois après que je sois sortie de l'hôpital et qu'il m'arrive encore de le faire. Elle ne sait pas que cette cicatrice me rappelle constamment l'accident. Alors non, cette cicatrice n'est pas jolie...

Lentement, je me tourne vers Aurore et lui dis d'un ton se voulant neutre :

— Pourtant, tu ne dirais plus que je ressemble à une princesse Disney.

— Si, à une princesse guerrière. Mulan et Rebelle ont de quoi être jalouses !

Elle a répondu sans hésiter et m'adresse un sourire, en posant une main sur mon genou. Machinalement, elle me caresse avec son pouce et si je n'étais pas en train de la regarder faire, je  ne me serais même pas aperçue de ce geste amical. Cependant, comme si mon contact la brulait soudainement, elle retire sa main. Surprise par sa réaction, je relève la tête vers elle. Elle fronce les sourcils et se mordille la lèvre, l'air mal à l'aise.