Chapitre 2 : Adaeliah

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« ... Puis, elle s'enfuit jusque la mer, loin de tous les Hommes, qui lui avaient fait tant de mal. Elle entendait encore leurs cris de bêtes, leurs torches crépiter, et leurs couteaux siffler sauvagement. Elle était au bout de la terre, maintenant. Mais, elle les sentait toujours. Ils étaient là, dans sa peau, son sang, son odeur, ses crins. Elle se sentait salie et impure. Elle regarda l'étendue bleuâtre : rien ne lui avait jamais apparu aussi dégoûtant. Alors elle baissa les yeux sur les vagues molles qui retombaient tristement sur ses sabots. Le sable avait perdu son éclat, les crabes charmants étaient devenus monstrueux, et... où était passé le crépuscule vermeil ? Elle se mit à pleurer. « Alors, c'est donc ça, le malheur ? C'est le monde qui dessèche ? » Puis, tout doucement, elle entra dans l'eau glacée. Autour d'elle, tout se consumait en silence. C'était comme si on avait jeté des poignées de cendres brûlantes. Le soleil noir se reflétait, tout pitoyable, sur l'écume blanchâtre. La mer avait tout englouti. Jamais on ne vit sur Terre un spectacle plus désolant que le suicide de la Licorne Blanche. »

Je regarde le livre avec de grands yeux. Je n'ai pas compris tous les mots, parce qu'il y en avait des compliqués. Mais ça m'a rendue très triste. Qu'est-ce qu'elle avait fait la licorne ? Elle est morte ? Maman ne m'a jamais raconté d'histoires où les licornes mourraient. Pourtant, elle m'en raconte beaucoup. J'adore les licornes ! Elles sont si belles ! Oh, je n'en n'ai jamais vu, mais maman dit qu'elles existent, dans un pays très très loin d'ici. Un jour, elle m'y emmènera, elle me l'a promis ! Je repose le livre et le pousse sous mon lit. Il est bien caché, comme ça. Je me lève, et j'essuie ma robe toute pleine de poussière. Bertha ne serait pas contente si elle me voyait. Elle n'aime pas vraiment que je m'asseye par terre, ou que j'aille jouer derrière la maison avec les poules, ou que je fouille dans le grenier. Elle dit que c'est sale. Mais elle est quand même gentille, Bertha. Elle aide maman à nettoyer la maison, ou à cuisiner. Elle est blonde, avec des gros bras rouges, et de grands yeux bleus. Je l'aime beaucoup. Je sors de ma chambre, et descends sans faire de bruit vers la cuisine.

« Vous vous rendez compte, madame ? Partout en Cyrodil ! Des portes vers l'Oblivion ! Voilà qui ne va pas arranger nos affaires...

-En effet..., répond la voix de maman.

-On dit que c'est eux qui ont tué l'empereur ! Pas la Confrérie noire ! Des agents drémoras, tout juste sortis de l'Oblivion !

Maman ne répond rien.

-Oh, que j'ai peur, madame. Que j'ai peur ! (La voix de Bertha devient toute faible) Les villageois ne vous aiment pas beaucoup... et les nouvelles vont très vite ! Tous les journaux annoncent que les Daedras menacent tout Tamriel... que ça a commencé en Cyrodil... puis que ça va débarquer partout... Haute-Roche, Val-Boisé, le Marée Noir... Il paraît qu'on a même vu des portails tout au Sud, presque en Bordeciel ! Oh, les gens ont si peur des Daedras, et moi j'ai peur pour vous- et la petite ...!

-Je... Nous n'avons rien à voir avec ce qu'il se passe en Cyrodil !

-Oui, je sais... mais madame, votre... famille... votre sang... votre père...

-Mon père règne sur le cœur des hommes sans avoir besoin d'envahir leurs villages ! (La voix de maman est devenue sévère, mais on dirait qu'elle a peur, elle aussi)

-Qu'en savent-il, madame ? Tout ce qu'ils voient, ce sont vos yeux et votre peau. Qui que soit votre père, ils vous voient comme une menace ! Comme une Déadra ! Oh, madame...

Bertha se met à sangloter, et j'ai peur maintenant, moi aussi. Je tords le cou pour mieux voir. Maman est toute pâle, alors que normalement sa peau est grise. On dirait qu'elle est malade. Ca fait plusieurs jours qu'elle est comme ça. Toute blanche. Soudain, Bertha relève la tête, et me voit.

Opération PhoenixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant