Dehors, des bourrasques de vent se brisent contre les falaises. La mer s'agite, et se jette sur les gros icebergs dans un tourbillon salé. On dirait qu'elle crache. Oui, elle crache de l'écume, elle vomit, elle hurle. Aujourd'hui la mer est folle. Comme toujours. C'est elle qui m'a réveillée, et qui m'a portée jusqu'à ma fenêtre. Je la regarde.
Je crois que le jour se lève, parce-que quelques rayons de soleil percent timidement les nuages : ça fait comme des petites gouttes de lumière qui glissent sur le ciel, et c'est joli.
Au début, regarder la mer en colère, ça me faisait peur. Maintenant, je suis habituée, c'est presque comme un rituel: la mer hurle, elle me réveille, je me lève, et je la regarde jusqu'à ce qu'on vienne me dire de descendre. D'ailleurs, j'entends des pas claquer dans l'escalier, puis un poing s'écrase trois fois contre la porte.
«Mademoiselle, il est l'heure.».
Les pas font demi-tour et descendent. Je soupire, jette un dernier coup d'œil à la mer, me dirige vers la porte, et l'ouvre. Je descends doucement l'escalier mal éclairé, en faisant bien attention à la septième marche, qui est plus haute que les autres- je suis tombée, une fois. Je m'engage dans un couloir qui n'est pas plus éclairé que les escaliers. Une flopée d'Apprentis sort des dortoirs. Ils ont entre douze et vingt ans: je suis la plus jeune, parce que je viens d'avoir neuf ans. C'est pour ça que ma chambre est à l'étage supérieur: je suis encore trop jeune pour être Apprentie. Pour l'instant je suis... je ne suis rien du tout, je suis une enfant. On me le répète assez souvent. Personne ici ne sait que je suis la fille du Grand Archimage, sauf mestre Bridaine et mestre Aloysius, qui connaissent mon père depuis trop longtemps. Bertha le savait aussi, mais elle est repartie vivre dans son village, au Sud, un peu après m'avoir déposée ici.
Mon père m'a présentée, et me présente à tous comme la pauvre enfant retrouvée à demi-gelée, abandonnée un matin devant la porte de l'Académie. Je suis l'Orpheline. Je n'ai plus de passé, parce-qu' aucun des orphelins n'en a. Je suis Adaeliah, et c'est tout.
Mon père m'a interdit de l'appeler «papa». Un jour, peu après mon arrivée, un professeur de l'Académie lui fit remarquer à quel point nous nous ressemblions, lui et moi, à cause de mes cheveux très blonds- «presque blancs». Il me fit teindre les cheveux dans les jours qui suivirent. Depuis, je suis brune. Je suis brune, et je ne comprends pas pourquoi.
Je traverse la nuée d'élèves en apnée, et finit par me laisser emporter. Je suis emmenée dans le réfectoire, où je m'installe à l'écart. On nous sert une grosse portion de soupe chaude à chacun. Je fixe mon bol bouillant. Une légère buée s'en échappe et se mêle au cliquetis des cuillères. Un brouhaha endormi berce la salle, et je ferme les yeux. La journée peut commencer.
Ce matin, j'assiste le Maître en Alchimie, Merildor d'Aldmeri. C'est un grand Altmer (un Haut-Elfe) très respecté partout dans l'empire. Il me semble qu'il a longtemps fait partie de l'Académie de Magie de la Cité Impériale- la capitale de l'Empire. Je me demande souvent ce qu'il est venu faire ici, dans notre Académie écrasée contre les gros glaciers de Bordeciel, au nord, tout au nord de l'Empire. Je lui sers souvent d'assistante. Tous les matins, je suis chargée d'aider les professeurs de l'Académie : Je prépare les salles, amène les cobayes, nettoie à la fin des cours, coupe les herbes pour les potions et je m'ennuie beaucoup. L'après-midi, j'ai le droit à quelques cours de magie primaire, et quelques cours d'Histoire de l'Empire. Je pense que je me débrouille bien en magie, parce que mes professeurs ont souvent l'air satisfait. Je ne sais pas trop quoi en penser : suis-je un peu douée malgré tout ? Alors pourquoi mon père ne veut-il pas me considérer comme sa fille ? Je ne comprends pas.
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Opération Phoenix
Fanfiction« Trois filles, trois histoires et un seul destin... De Bordeciel à New York en passant par Neverland ou Poudlard, les trois filles vont devoir survivre et s'adapter à ces différents mondes, des mondes qui vont mettre à rude épreuve leurs sentiment...