Orphée et Eurydice

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Les pieds dans le sable fin et les yeux tournés vers l'horizon, Orphée et Ezra se tenaient. Les faibles rayons du soleil venaient lécher leur peau et le vent se faufilaient dans leurs cheveux foncés. Le maillot de bain d'Orphée dévoilait sa peau ombrée et son corps musclé, ainsi qu'un petit tatouage en forme de pansement sur sa poitrine, à côté de son cœur.

- Pourquoi ce tatouage ? demanda Ezra.

- Pour panser mon cœur brisé. répondit évasivement Orphée, le regard voguant au loin.

- Quel cœur brisé ?

- C'est une longue histoire...

***

Orphée avait toujours cueilli le cœur des filles avec facilité. Son regard sombre et ses airs de guitare suffisaient pour qu'elles tombent instantanément sous son charme. Il avait toujours eu une passion pour les filles. Ils admiraient leurs courbes, leur grâce et leur douceur. Elles étaient sa muse, l'essence même de son âme. Orphée ne vivait que de passion et de musique. C'est pourquoi il aimait tenir les filles au creux de son cœur pour ensuite les lâcher et leur rendre leur liberté. Les sentiments sont des créatures sauvages et le cœur n'est que leur prison.

Lorsqu'il vit la timide Eurydice et les ondulations infernales de ses cheveux bruns, il eut immédiatement envie de jouer avec elle. Un regard aguicheur, trois chansons, de belles paroles et il tenait son amour entre ses doigts. Seulement, au bout d'un certain temps passé avec elle, il réalisa qu'elle n'était pas comme les autres. Le moindre effleurement de sa part le secouait de frissons et sa manière de le regarder lui mettait le cœur à l'envers. Orphée était enfin tombé amoureux. Il se désintéressa complétement des autres filles pour consacrer toute son attention à la belle, envoutante Eurydice.

Ils vivaient un amour parfait, mais une ombre vint ternir leur tableau divin.

Eurydice était cardiaque. Il suffisait qu'elle court un peu pour qu'elle se retrouve pliée en deux, à bout de souffle, le cœur au bord de l'explosion.

Un jour, Orphée reçut un appel de l'hôpital. Le cœur d'Eurydice avait lâché, et elle demeuraient désormais dans un lit à la pâleur inquiétante, inconsciente. Chaque jour, il vint à son chevet, serrant sa main et caressant sa joue, pleurant à chaudes larmes. Il chantait aussi pour elle, mais elle n'offrit aucun signe de vie. Il supplia le ciel de lui rendre Eurydice, de ne pas la laisser partir, lui jurant qu'il serait prêt à tout pour qu'elle revienne.

Et voilà, le miracle se réalisa, Eurydice ouvrit enfin les yeux. Il l'embrassa comme il ne l'avait jamais fait. Il l'embrassa comme si c'était la fin du monde. Pourtant, c'était un nouveau commencement. Mais c'était plutôt le début de la fin.

Quelques jours plus tard, elle était prête à quitter l'hôpital. Ils marchaient dans les couloirs blancs, Orphée placé un peu devant elle, lui tenant la main comme pour la guider. Ils étaient presque sortis, quand soudain, Orphée se retourna. Il vit sa bien-aimée, le teint livide. Il vit la maladie la ronger, les appels de l'hôpital, la peur, grouillante, de partout, la peine, quand il la verrait de nouveau allongée dans un lit froid, et la déchirure, quand plus jamais elle n'ouvrira les yeux.

Alors il lâcha sa main. Il ne pouvait tout simplement pas. Il l'aimait trop pour supporter tout ça. D'ailleurs, il l'aimait tant et si fort qu'il la quitta pour ne pas qu'elle le quitte.

Et c'est en laissant derrière lui un cœur malade qu'il tatoua auprès du sien les stigmates de son amour blessé.  

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