Chapitre 2

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Le temps ne guérit pas toutes les blessures.

Sa mère était morte depuis près d'un mois, et elle lui manquait plus que jamais. La couronne noire pendait encore sur la porte et les serviteurs portaient des brassards en mémoire de leur maîtresse. Cook n'avait pas voulu que les femmes de chambre enlèvent les rideaux noirs des miroirs. DeWitt avait dit qu'elle est trop superstitieuse et Cook avait répondu qu'elle était simplement prudente. Que vous ne pourriez pas être trop sûrs quand les morts étaient concernés.

En Irlande, l'esprit d'une tante fut coincée dans un mirroir en 1792 et depuis, elle hantait sa famille pour toujours. Pour DeWitt, il n'y avait aucune chance que Mme Cushing, désormais enterrée, ait été piégée.

Pourtant, les rideaux étaient restés en place.

Edith était couchée dans sa petite méridienne, pleurant tranquillement dans l'obscurité avec son lapin en peluche pour compagnie. La douleur dans son cœur semblait plus profonde et plus douloureuse à chaque nuit qui arrivait. Les ombres tachetaient les couvertures poussiéreuses des livres qu'elle lisait autrefois avec sa mère, quelques pages tous les soirs. Elle ne pouvait pas supporter de les ouvrir.

L'horloge de son grand-père, accroché dans le couloir, faisait tic-tac entre ses sanglots comme une hâche frappante du bois

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L'horloge de son grand-père, accroché dans le couloir, faisait tic-tac entre ses sanglots comme une hâche frappante du bois. À travers la fenêtre de sa chambre, la neige, toujours présente, tombait en silence sur la rive est du lac Érié et le cours supérieur de la rivière Niagara. Le canal Érié avait favorisé la fortune de la famille d'Edith. Vent et de l'eau gelée.

Cette nuit-là, il faisait froid dans la maison des Cushing, joliment aménagées, comme tous les soirs depuis la mort de maman. Edith avait l'impression qu'elle ne pourrait jamais avoir chaud de nouveau.

Je me demande si elle a froid, enterrée dans le sol.

Edith ne pouvait chasser cette pensée, même si elle avait espéré une douzaine de fois que sa mère était dans un endroit meilleur.

Elle se souvint de sa chambre quand elle se blottissait sous la couverture avec une tasse de chocolat chaud et une bouteille d'eau chaude, pendant que sa mère faisait la lecture avec sa douce voix.

Il était une fois.

Jouant des berceuses avec le piano quand Edith ne pouvait pas dormir.

Il n'y avait pas de musique ce soir.

Edith pleura.

L'horloge faisait tic tac, comptant les secondes, les heures, les nuits de la vie sans maman. Interminable. Implacable. Sans cœur.

Puis Edith entendit un bruit étranglé qui était à mi-chemin entre un soupir et un gémissement. Elle sursauta et, suprise, mit la main sur sa bouche. Avait-elle fait ça ?

Son rythme cardiaque ralentit quand elle pencha la tête, l'oreille tendu.

Tic-tac, tic-tac. Seulement l'horloge.

Encore une fois, un triste et faible gémissement. Un murmure de douleur voire... d'agonie.

Elle se redressa et se glissa hors du lit.  Au contact de son pied avec le sol froid, le plancher grinça. Le bruissement de la soie caressait ses oreilles. Elle ne portait pas de soie.

Cook avait dit à DeWitt que maman portait sa plus belle robe de soie noire comme sa peau dans les heures qui avaient précédées sa mort. Elle avait utilisé des mots comme « révoltant, horrible. Une horreur. » Elle avait parlé de sa maîtresse comme un monstre.

Maman avait été si belle, sentait toujours le lilas et aimait jouer du piano. Elle lui avait raconté les plus belles histoires de princesses courageuses qui contrecarraient les sorciers maléfiques et les princes qui les adoraient.

— Tu seras heureuse pour toujours, avait-elle promis à Edith. Avec un homme qui te construira un château avec ses deux mains, comme ton père.

Mais maintenant, en regardant dans l'obscurité, Edith ne pouvait pas garder sa mère dans l'œil de son esprit. Ses pensées revenaient au monstre et à l'horreur. Rien était tranquille. L'air semblait flotter, puis s'épaissir.

 L'air semblait flotter, puis s'épaissir

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Son sang commença à se glacer. Une silhouette, dissimulée dans l'ombre, flottait au bout du couloir ; une femme enveloppée dans un ensemble de soie noire en lambeaux, comme les ailes abîmées d'un papillon.

Était-ce juste son imagination ? Un truc de la lumière ?

De la sueur froide perla le front d'Edith. Ce n'était pas ici. Ce n'était pas là.

Elle n'était pas là.

Son pouls augmenta.

La silhouette ne se dirigeait pas vers elle.

Elle n'était pas là.

Avec un soupir, elle se retourna et se précipita dans sa chambre. Sa peau piquait et ses joues était chaudes. Elle essaya d'écouter, mais pouvait seulement qu'entendre un grondement dans ses oreilles et des bruits de pas sur le tapis.

Pendant qu'elle courait, Edith n'avait pas vu voir la chose qui traînait après elle, ou sentir les doigts squelettiques d'une main chatoyante caressant ses cheveux. Le clair de lune brillait sur les os des doigts, révélait un aperçu mercure d'un visage tourmenté et de la chair rongée.

Non, Edith ne voyait pas ça. Mais peut-être qu'elle le sentait.

Une ombre. Un esprit contraint de revenir par amour, dans le désespoir de parler. Glissant avec le bruissement de soie, et le cliquetis d'os et de chair flétrie.

Edith, frémissant de terreur, n'avait rien vu, cachée sous les couvertures avec son lapin.

Mais quelques secondes plus tard, elle se tourna de l'autre côté et toucha quelque chose de rigide avec un choc.

Elle sentit un enveloppement de mains en décomposition sur son épaule, une odeur de terre humide provenant d'une tombe, et entendu une voix rauque parler avec des lèvres desséchées, murmurant à son oreille :

Mon enfant, quand le temps viendra, prends garde à Crimson Peak.

Edith hurla. Elle sortit et attrapa ses lunettes. Les lampes à gaz s'allumèrent soudainement. Elle n'avait même pas réalisé qu'elles étaient éteintes.

Il n'y avait rien — pas une seule silhouette — dans la pièce.

Jusqu'à ce qu'alerté par ses cris, son père arriva et la prit dans ses bras.

* * *

Il se passerait des années avant que j'entende de nouveau cette voix. Et que je comprenne son appel désespéré — un appel hors du temps auquel je finis par donner un sens. Mais trop tard...

Crimson PeakOù les histoires vivent. Découvrez maintenant