CHAPITRE 5

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     Aller dans ce fameux cimetière était devenu une habitude. Il ne se passait pas une journée sans que j'y mette les pieds. Ce jeune homme paraissait avoir cette même routine. Il ne manquait jamais à l'appel. Peut importe le temps qu'il fait, il est là, à le pleurer. Je me sens réellement désolé face à lui. J'ai l'impression de lui avoir ôté à lui aussi la vie. A-t-il encore une vie en dehors de ce lieu ? J'en doute de plus en plus. Mon cœur est douloureux face à cette image qui se répète chaque jour. Il bat irrégulièrement face à cette présence horrible à supporter.

     Une fois de plus, je me trouve ici, sur ce banc que je ne quitte presque plus malgré les menaces de ce garçon. Je ne compte désormais plus les fois où j'entends sa voix me hurler dessus. La rage s'empare alors de lui et lui fait, je l'espère, l'oublier un instant. Ce n'était pas mon but premier mais j'aime cette idée. Savoir que, ne serait-ce, quelques secondes il pense à autre chose me réchauffe le cœur même si cela reste douloureux. Me hurlerait-il dessus s'il savait ? Comment réagirait-il s'il savait que j'avais son cœur ? Sans doute mal. Il viendrait vers moi, me donnant tout d'abord un coup de poing en plein visage, pour finalement me maudire. Pendant ce temps, je ne dirais rien, encaissant simplement ses coups et sa rage. Ses paroles seraient dure mais remplient de vérités.

     Mon regard fixe le dos de cet homme toujours parfaitement habillé. Cependant, aujourd'hui n'est pas identique à hier. Une femme, dans la cinquantaine se trouve à ses côtés, debout muni d'un mouchoir.

- Sa mère... - Chuchotais-je.

     Ma main vint immédiatement se placer sur ma bouche. Je n'avais aucune envie que l'on me pose des questions sur le pourquoi du comment j'étais là, je devais être discret. Mon regard se posa plus longtemps sur elle. Ses épaules tremblotaient. Elle était habillée sans aucun doute comme à son habitude. Elle, contrairement au garçon, n'essayait pas de plaire à son fils. Du peu que je pouvais la voir, je ne lui voyais aucune ressemblance avec l'homme accroupi mais bien avec JaeBum. S'il n'était pas frère quel lien avait-il pour qu'il vienne aussi souvent le voir ? Un simple ami ne se contenterait pas d'une visite de temps à autres, voir une fois par an et encore. Les questions fusaient dans mon esprit tandis que la femme commençait à partir. Elle caressa tendrement les cheveux du jeune homme, puis prit la direction de la sortie.

     Je ne voulais en aucun cas la suivre, toutefois, c'est que je faisais actuellement. J'avais besoin de savoir dans quel genre d'endroit il avait habité. Je me rendais bien compte que j'allais trop loin mais connaître son existence était devenu ma seule raison de vivre lorsque j'ai accueilli son cœur.

     Je suivais cette dame le plus discrètement possible, la voyant entrer dans un petit restaurant de quartier. J'entrais à mon tour, me comportant en simple client. Je pris la carte entre mes mains et regarda le menu. Je ne savais pas vraiment quoi prendre, en vérité, je n'avais même pas faim. Des questions stupides me vinrent une fois de plus en tête. Qu'aurait-il prit ? Mangeait-il souvent ici ? Mangeait-il avec son ami ? Tant de questions stupides qu'une personne normalement constitué ne se poserait pas.

- Désirez-vous manger ou boire quelque chose, jeune homme ?

     Mes yeux regardèrent cette femme, celle que je suivais précédemment. Elle souriait à pleine dent et avait une voix apaisante. Comment faisait-elle pour survivre ? Elle était si forte. Je me sentais d'autant plus désolé pour elle que pour le jeune homme.

- Bonjour, un café, s'il vous plaît. - Répondis-je.

- Avec ou sans sucre ?

- Avec un sucre, merci.

     Je n'aimais pas spécialement le café. A vrai dire, entre un chocolat chaud et un café mon choix était vite fait. Pourtant, je n'avais pas voulu passer pour un gamin devant elle. N'est-ce pas stupide ? Je ne voulais pas qu'elle se dise que le cœur de son fils avait été donné à un gosse incapable de boire du café, comme les vrais hommes. Je souris bêtement à mes propres remarques.

- Tenez, ne vous brûlez pas. - Dit-elle en déposant ma tasse sur la table.

- Merci beaucoup.

     Le goût du café n'était pas le plus désagréable. Il était d'ailleurs plutôt bon contrairement à celui de ma mère. Voir cette femme était bien plus atroce. Derrière son sourire se cachait tant de malheur. Je pris un temps record pour boire mon café. Je crois bien que l'on ne pouvait pas faire plus lent. Voyant qu'elle partait finalement de son travail, après trois longues heures passait ici, je me levais afin de payer l'addition.

     Ma poursuite continua un long moment avant d'enfin finir où je le souhaitais. Bien sûr, elle s'était retournée de nombreuses fois en comprenant que quelqu'un la suivait. Toutefois, lorsqu'elle était rentrée chez elle, j'avais continué ma route le plus naturellement possible. Que lui aurais-je dis si j'étais resté devant sa porte ? Pas grand-chose. Je ne souhaitais pas la faire pleurer d'avantage. Alors, je marchais dans une direction inconnue, plus perdu, dans mes pensées, que jamais. Une personne me bouscula légèrement l'épaule, le réflexe de m'excuser n'était pas venu, à mon grand malheur.

- Vous pourriez vous excuser, non ? - Cria une voix familière. Attendez...

     L'inconnu vint se placer devant moi m'empêchant ainsi d'avancer. Mes yeux se levèrent sur cet homme impoli que je reconnu aussitôt. C'était lui, le jeune homme du cimetière. Un sentiment de gêne s'installa dans mon esprit tandis que j'essayais, en vain, de le contourner. Mes yeux rencontrèrent finalement les siens. La panique prenait peu à peu place en moi, mon cœur s'emballait et devenait de nouveau douloureux. Malheureusement, je ne parlais pas de cette douleur inexplicable quand je le vois mais de celle que j'avais avant d'avoir un cœur neuf.

- Pourquoi vous êtes là ? Vous n'habitez pas là, je connais le quartier par cœur. - Commença-t-il. Vous me suivez ?

     Un rire nerveux sorti de sa bouche tandis que je me battais contre mes réflexes pour ne pas mettre ma main sur ma cage thoracique. Un mauvais geste et il comprendrait tout en un instant. Il ne pouvait pas le savoir, pas maintenant en tout cas.

- Pourquoi je vous suivrais ? - Demandais-je sur le même ton que lui.

- C'est bien ça la question ! Vous me fixez depuis des jours dans ce cimetière et maintenant je vous croise dans cette rue, n'est-ce pas bizarre ? - M'interrogea-t-il un brin agacé.

- Je n'ai pas à me justifier pour ce qui se passe dans ce cimetière, cependant, je ne vois pas en quoi c'est bizarre de vous croiser dans cette rue. Ce n'est qu'une simple rue.

     Ses yeux se détournèrent à l'entente de ma dernière phrase. Bien sûr que ce n'était pas qu'une simple rue, c'était bien plus que ça. Toutefois, je me devais de lui faire croire que je ne connaissais rien de particulier dans cette rue. Du moins, qui pourrait relier le cimetière, lui et cette rue. Comme je me le dis souvent, le mensonge est devenu une part importante de ma vie. Je me maudis pour ça. Avant je n'aurais pas aimé ça et ne l'aurait pas fait, tout avait changé.

- Une simple rue, vraiment ? - S'offusqua-t-il les yeux brillants. Vous allez me faire croire que vous ne voyez aucun point commun entre ici et le cimetière. Ne me prenez pas pour un con, c'est clair !

     L'espace entre nos deux corps c'était considérablement rétrécit. La colère c'était emparé définitivement de lui. Ces poings étaient serrés et je voyais bien qu'il avait beaucoup de mal à se contenir. Sans doute aurais-je préféré qu'il me frappe. Tout en partant il percuta mon épaule afin de me montrer sa colère et de me faire passer un message. Par réflexe, je me retournais pour voir où il allait. C'est sans grande surprise que je le vu rentrer dans cette maison, celle de la mère de JaeBum.

     Un long soupir traversa mes lèvres, son message était clair. Pouvait-on faire plus clair ? J'en doutais. Je ne devais plus l'approchais, ni aller au cimetière et encore moins dans cette rue. Cependant, je n'avais aucune réponse à mes questions et j'en avais terriblement besoin. Qui était-il ? Quelle relation entretenait-il avait JaeBum ? Pourquoi rends-il visite à sa mère ? Je devais parler à sa mère. Mon cœur me faisait toujours mal. Je me mis à penser que JaeBum se vengeait du fait que je parle ainsi à un de ses amis. Je me devais de dire à ce jeune homme que je connaissais JaeBum même si ce n'était pas la stricte vérité. La vérité, il ne devait pas la connaître. Pas maintenant. Peut être qu'un jour, je lui dirais. Lorsque l'horloge sonnera minuit, lorsque l'horloge de la mort sonnera les douze coups, les douze derniers battements, alors je lui dirais. Je lui dévoilerai cette terrible vérité qui le tuera, toutefois, avant qu'il meurt, il me tuera et nous rejoindrons tout deux cet homme, Im JaeBum.

Greffe des sentiments.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant