Qui aurait cru qu'un jour, Ryder se retrouverait en train de se balader sur des rues d'asphalte et qui plus est, sur deux jambes, alors qu'il mène une vie bien confortable dans les bois?
Car, effectivement, notre jeune homme n'est pas un être comme...
Ce matin-là, je me levai aux aurores comme d'habitude. Aussitôt sorti de mon petit endroit confortable, j'entrepris de me dégourdir les pattes. Je trottai sur les derniers rochers qui me séparaient du sommet de la montagne. D'un bond, je me hissai sur la dernière pierre.
Le vent du nord secoua ma fourrure et me prit dans son étreinte froide et revigorante. À l'horizon, le soleil venait tout juste de se lever. Le ciel exempt de nuages était écarlate. Je restai là un moment, à admirer les magnifiques couleurs du levant. En contrebas s'étendait la forêt. Dans toute son immensité, elle commençait à se réveiller. Des oiseaux entonnaient leur chant matinal. L'air était pur.
C'était mon domaine.
Je levai la tête et poussai mon hurlement du matin. Il résonna longtemps. Je rebaissai la tête et aussitôt, sautai avec excitation. Je dévalai la pente rocheuse à toute allure, ne faisant qu'un avec le vent. Mes pattes foulaient à peine le sol, j'eus l'impression de voler. Cette sensation ne me fatiguerait jamais.
Alors que l'astre du jour s'élevait lentement au-dessus de la vallée, je fonçai dans la forêt. L'air humide et frais qui sentait bon m'avala d'un coup et je sprintai entre les troncs et les fougères. Gueule grande ouverte, je devais avoir l'air carrément stupide, mais bon. Je m'en fichais pas mal. Ce n'était que moi et la nature.
J'étais libre.
Après une longue course, je dus finalement prendre une pause. Haletant, je ralentis, la végétation défilant de moins en moins vite autour de moi. Je fus bientôt immobile à contempler la cime des pins qui montaient vers le ciel. C'est alors que je reconnus cet endroit.
Sachant pourtant ce qui se trouvait au détour de cette colline, je fis route dans cette direction. Je suivis le sentier si familier qui me mena jusqu'à d'immenses buissons épineux. Le temps avait fait son oeuvre, ces rosiers avaient vraiment grandi. Si bien que le portique en était recouvert. D'abord hésitant, je finis par me frayer un passage entre les épines dans lesquelles s'emmêla ma queue*.
(*si vous attribuez tout sens pervers à ce mot, veuillez l'oublier tout de suite sinon cettehistoire n'est pas pour vous!)
(**Je vous aurai prévenus!)
Je grondai et me défit des ronces qui s'aggripaient dans mon poil. Je débouchai dans un ancien jardin que j'avais bien connu, désormais envahi par les fleurs sauvages et les écureuils. Devant moi se dressait le manoir, dont l'état s'aggravait d'année en année. La neige avait défoncé le toit lors de l'hiver il y a deux ans et les boiseries étaient dans un piteux état. Je n'osais même pas imaginer l'intérieur.
Tant de souvenirs provenaient de cet endroit, j'en réprimai un frisson. Après toutes ces années, je n'arrivais plus à croire que j'avais bel et bien vécu là. Avec ce que j'avais depuis longtemps oublié.
Une famille.
Je retroussai les babines et refusai la nostalgie qui tentait de monter en moi. Ce temps-là était révolu. Les souvenirs de cet endroit étaient une des principales raisons pour lesquelles je ne serai plus jamais un humain.
Sans plus tarder, je quittai les lieux.
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