Quand j'y repense, c'est maintenant que j'ai besoin de Monsieur Gus. Cette peluche rose toute râpée est immonde. Elle est sale, elle pue, mais elle réconforte. Je décide donc de me lever. J'atteins péniblement la petite chambre de mon frère. Les murs jaunes pastels me font sourire. Enzo avait fait son premier caprice à cause d'eux.
Il venait d'entrer à la maternelle. Premiers amis, premières discussions riment avec premiers caprices. Ainsi donc, à peine rentré de l'école, il avait débarqué comme une furie dans le salon. Alors que papa travaillait, maman lisait un livre, affalée dans son fauteuil en cuir, tandis que je m'arrachais les cheveux sur mes exercices d'algèbre. "Je suis plus un bébé ! Je vais à l'école maintenant ! Je veux plus les canards jaunes caca dans ma chambre !
- Jaune caca ?" Nous exclamâmes en coeur maman et moi, avant d'éclater de rire.S'ensuivit une énorme crise de larmes, entrecoupées par des exclamations manifestant son envie de changer de famille. Le fait que nous riions ne lui avait pas plu du tout. Maman le prit dans ses bras et tenta de le calmer, mais rien n'y faisait. Il restait bloqué sur ses canards. Devant un air aussi têtu, maman eut une idée.
Il nous restait au grenier de vieilles affiches de dessins animés, qui avaient autrefois habillé ma propre chambre. Ma mère y grimpa et les extirpa de leur poussière pour aller remplacer les vilains canards jaunes. Il avait finit par sécher ses larmes, et tous les trois avions entreprit de punaiser ces affiches. Cela nous avait prit toute la soirée. Mes devoirs n'ont pas été finis. Enzo avait réussi à cacher ses canards. Maman riait aux éclats. Un moment magnifique.
Pour cette raison, les murs jaunes pastels sont maintenant à moitiés cachés par des posters de Bob l'Eponge, Dora et autres personnages pour enfants. Mais les petits canards ne sont plus visibles, c'est le principal. Son petit lit est recouvert de peluches et au milieu de toutes se trouve le Doudou. Je l'attrape et sors vite de la chambre.Après son caprice, il n'a plus jamais reparlé des petits canards. Il refuse même que quiconque prononce à haute voix l'idée d'aller les nourrir dans le parc ou de manger un de ces animaux. C'est son sujet sensible à lui. Tout le monde en a un. Moi aussi, j'ai mon sujet sensible.
Après l'enterrement de ma mère, une douleur acérée m'avait transcendée. C'était tellement différent de la langueur qui avait jusqu'alors dirigé le moindre de mes mouvements. Un poignard s'était planté en mon sein. Profondément. Plus les heures passaient, plus les jours défilaient, plus la lame s'enfonçait. Une tornade d'émotions s'emparait de mes tripes qui se tordaient, se nouaient. Tout au fond de moi, une véritable guerre se déroulait où aucun drapeau de reddition ne se hissait.
Deux semaines passèrent. Néanmoins, ce déchirement ne s'atténuait pas. Je n'arrivait plus à me lever le matin pour aller en cours. Le soir, ma porte restait fermée à Enzo, qui attendait de me raconter ses exploits de la journée. Mon père chercha, au début, à discuter avec moi, sans succès. Il laissa donc tomber, car lui aussi ressentait cette douleur. Après tout, il avait perdu sa femme. Je ne pouvais pas faire d'efforts pour m'ouvrir, je ne voulais pas.
Je ne supportais plus cette souffrance. Elle m'épuisait. Je souhaitais oublier. Donc, une nuit je me suis levée. Toute la maison dormait, le silence n'était perturbé que par le tic tac de la grande horloge murale du salon. En entrant dans ce dernier, un violent sentiment de perte me coupa le souffle. Le fauteuil brun où ma mère ne s'assiérait plus siégeait dans l'angle. Une pile de livres trônait encore à ses pieds, des bouquins de la bibliothèque qu'elle n'avait pas pu ramener. J'avais l'impression que son parfum embaumait encore la pièce. Suivant cette effluve illusoire, je me laissait choir sur le cuir moelleux.
Soudain, la douleur qui s'était momentanément tue, revint, plus décidée que jamais à me faire plier. Cette fois - ci, elle ne me submergea pas : la rage avait prit possession de mes membres. Et cette dernière me fit jeter une mince couverture sur le fauteuil, pour le cacher. D'autres mouvements secs continuèrent à me faire avancer. Mon cerveau s'éteignit. Quelques minutes plus tard, je me retrouvai avec une bouteille contenant un liquide brunâtre dans la main.Une gorgée. Brûlure. Deux gorgées. Chaleur. Trois gorgées. Ivresse. Quatre gorgées. Cinq gorgées. Six gorgées. Oubli.
Cette nuit là, je découvris comment combattre les effets de mon sujet sensible. L'alcool.
L'histoire continue ! Faites moi part de votre ressenti ! Un petit commentaire constructif m'aiderait pour l'écriture de cette histoire... ;)
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Implosion
Short StoryLe seul pilier dans sa vie : sa mère. Mais un jour, ce pilier s'effondre et c'est l'implosion. Revivre ses souvenirs pour se reconstruire ou pour se détruire ?