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Cela fait quatre mois que maman est morte. Quatre mois que j'implose. Quatre mois que je souffre. Et personne n'est venu me parler, personne n'ai venu me poser la simple question "Comment vas - tu ?". Personne !

Une gorgée.

A l'enterrement, il est vrai que des dizaines de personnes se sont pressées pour me faire part de leur "plus sincères condoléances". Leurs visages compatissant sont gravés dans ma mémoire. La pire fut ma grand - mère.

Deux ans qu'elle et ma mère ne s'étaient plus parlées. Leur dispute était parti d'une simple conversation. Sur moi. A la mention du temps que m'accordait ma mère pour me faire sortir de ma coquille, ma grand - mère sursauta : "Comment est ce qu'une fille comme ça peut réussir sa vie ? Elle aime se faire passer pour une victime ! C'est une manière pour elle de se donner de l'importance !" A peine ces mots prononcés, elle continua sa tirade sans faire cas du changement de couleur de ma mère. "Si elle est comme ça, c'est de votre faute ! Vous lui donner trop de votre temps ! Donnez lui la main, elle vous prendra le bras !" C'en était trop pour ma mère qui, tremblante de rage, se leva et la mit dehors.

Ayant comme oublié cette rupture de plus de deux ans, elle s'était approchée de moi, les yeux bouffis et m'avait proposé le bras pour entrer dans le cimetière. Je ne sais pas comment elle avait pu imaginer que je lui pardonne ses paroles ! Je l'avait regardé et lui avait dit, droit dans les yeux "Tu n'as pas peur que je te prennes l'épaule ?" Son expression était horrifiée. En plus d'être une petite égocentrique, j'étais une petite insolente !

Deux gorgées.

Mais après l'enterrement, personne n'a plus sonné a la porte. Les nombreuses réceptions que ma mère organisait n'avait plus lieu. Enfin presque. Les voisins ont continué de nous rendre visite, plus par curiosité que par souci de notre état. D'ailleurs, au bout de la sixième visite, plus personne ne leur ouvrait. C'est vrai que voir une famille brisée essayer lamentablement de se reconstruire, c'est amusant !

Trois gorgées.

Se reconstruire est un grand mot. Une seule personne continuait de briser le silence qui pesait sur notre famille.

En rentrant de l'hôpital, après l'annonce de sa mort, Enzo, qui d'habitude se contentait d'observer, n'arrêta pas de poser des questions. Il ne comprenait pas ce qu'il se passait. Pourquoi maman n'était - elle pas avec nous ? Elle était à l'hôpital ? Elle avait quoi ? Elle revenait quand ? Pourquoi personne ne lui répondait ? Dans ces cas là, papa le prenait dans ses bras mais ne se décidait jamais à lui dire la vérité. Ses grands yeux de petits garçons nous imploraient de parler, d'avouer la raison de son absence. Au début, je respectais la décision de mon père. Il voulait du temps pour assimiler, mais son fils, mon petit frère devait savoir.

Alors, un jour, j'ai craqué et je lui ai dit. Serrée contre son coeur. Dans un chuchotement. A l'oreille. Et il n'a pas pleuré. Mais papa m'a giflé.

Quatre gorgées.

Oui, il m'a giflé. Ma joue picote encore à ce souvenir. La seule fois où il a levé la main sur moi. Et le seul vrai contact que nous ayons eu. Des larmes avaient coulé. Les siennes étaient silencieuses. Elles roulaient contre sa peau et se perdaient dans sa barbe naissante. Tandis que les miennes jaillissaient impétueusement, avec force.

Et Enzo ne pleurait toujours pas.

Cinq gorgées.

Maman ! Pourquoi es tu partie ? Nous n'en serions pas là, si tu n'étais pas morte. Je hais ton démon ! Pourquoi t'as t'il poursuivi, toi ? Maman ! Je te hais ! Dis moi où tu es que je puisse te revoir ! Pourquoi n'es tu pas là pour me serrer dans tes bras ? Je t'aime ! Maman ! Tu me manques !

Six gorgées.

Et toi, papa ! Maman n'est pas là, mais toi si ! Pourtant, tu ne t'es jamais soucié de moi. Tu n'as pas vu que j'avais besoin de toi. Tu avais mal ! Moi aussi ! J'aurais tant voulu que tu le remarques. Que tu remarques mes insomnies, mes absences scolaires, mes larmes, mes gueules de bois. Je t'en veux ! Je te hais ! J'ai bu ! Bu à en perdre la raison ! Papa, j'ai implosé et tu as fermé les yeux ! J'ai fais des erreurs, je n'aurais pas du me laisser entraîner dans ce cercle vicieux. C'est de ma faute, mais aussi de la tienne. Si tu m'avais regardée, tu m'aurais giflé pour une bonne raison ! Je te hais !

Je suis arrivé à un point de non retour. Je ne veux pas revenir. Je ne peux pas.

Et voilà ! Avant dernier chapitre ! Demain arrive le dénouement !

Implosion Où les histoires vivent. Découvrez maintenant