Un monstre !
Un monstre !!
Un monstrueux monstre, un monstre monstrueux, énorme, gigantesque, titanesque !
Grotesque mais terrifiant ! Déformé, opaque, l'oeil débordant de haine pour la création toute entière !
Il m'épie. Tapi dans un coin, ramassé sur lui-même, prêt à bondir au moindre de mes gestes, il braque sur moi le faisceau terrible de son regard. On ne peut lui échapper. Il sait tout, il voit tout. Il prévoit tout. Chaque feinte, chaque mouvement, chaque déplacement semble avoir été prédit, étudié, décortiqué dans ses moindres détails, pour appliquer la parade, la contre-attaque appropriée ! On ne peut lui échapper.
Je me terre dans ma cachette. J'attends.
Je ne peux qu'attendre. Que puis-je faire d'autre ? Moi, pauvre créature frêle, minuscule et désarmée ? Moi, pauvre chose, face à cette montagne de haine et d'intelligence perfide, vicieuse ?? D'un seul geste, elle peut détruire le monde. D'un seul geste, elle peut me tuer, me faire souffrir le martyr, me rendre fou à lier, me détruire aussi bien physiquement que moralement !! Que puis-je faire, face à cette effroyable machine à tuer ??
J'attends. Je ne bouge pas. Je suis plus immobile que la pierre qui me fait face.
J'attends et j'espère. C'est tout. Qu'est-ce que j'espère ? Je ne sais pas. J'espère, c'est tout. J'espère, j'attends quelque chose, un miracle, un battement de paupière, peut-être un baillement, n'importe, un signe qui me sauverait ! Je guette. Peut-être qu'il va se lasser de moi, peut-être qu'il va se rendre compte que je ne bougerai pour rien au monde, peut-être qu'il va perdre patience, tourner talons, m'abandonner, me laisser vivre ma brève vie ! Je guette. Et tout ce temps que j'attends, j'espère toujours. L'espoir fait vivre.
Mon coeur bat à cent à l'heure. Au moins. Je respire avidement tout l'oxygène qui passe à ma portée, je vais en avoir besoin bientôt. Mon coeur bat, il envoie tout cet oxygène, toute cette nourriture que j'ai avalée goulument tout à l'heure à mes muscles, à mon cerveau, à mon corps si petit et ridicule, si maigre, si fragile en face de ce monstre hideux, de cette montagne qui me regarde.
Son apparence même est horrible, comme si la nature, ayant crééé cette horreur à dessein, pour tuer, déchiqueter, anéantir... S'était mise dans l'idée d'accompagner ce comportement destructeur d'un physique seyant à sa fonction.
Elle est de couleur blanche et rosée. Livide pour certains endroits, carréments rouges pour d'autres, autour de sa gueule et de son mufle notamment, d'un rouge sang, du rouge de ses anciennes proies, dévorées, charcutées par ses crocs pointus et épais. Elle est difforme. Elle ne cesse d'onduler, de se transformer à chaque instant, de devenir chaque seconde plus terrifiante qu'elle ne l'était auparavant. Elle a des membres pâles, flasques, des tentacules blanchâtres qui m'enferment, me piègent, me séquestrent, m'empêchent de m'échapper. Sa tête grossière possède deux yeux, énormes, marronâtres, pleins d'envies de meurtres, de déstructions, d'arrachages, de mastiquations, d'engloutissements voraces de la chair tendre de ses malheureuses victimes, dans le trou sombre et sans fond de sa bouche caverneuse. Elle est ignoble. Elle est répugnante...
Des vibrations secouent le monde, soulèvent le sol, quand elle se met en mouvement. Je retiens mon souffle un instant, choqué de cette démonstration de force démentielle. Elle le peut, elle en a le pouvoir, elle peut ébranler le monde, mon monde, le sien, elle possède ce pouvoir ! Elle pourrait me lancer cette pierre sans avoir aucun effort à faire, si elle le désirait vraiment ! Ou, usant de sa force herculéenne, pourrait encore réduire ma cachette en débris épars, en un ensemble de ruines chaotiques, sans que j'y puisse rien faire ! Que suis-je, moi, pathétique bout de rien du tout, pour m'opposer à un tel orage, à un tel déchaînement de puissance ! Que puis-je faire ?!
J'attends.
J'attends et j'espère. Et c'est déjà très bien comme ça.
- Maman ! Maman ! Viens voir !
- J'arrive, Amandine, j'arrive mon trésor ! Répondit la jeune mère à l'appel de son enfant, un sourire maternel sur les lèvres.
Elle était très fière d'Amandine. Non pas qu'elle eût accomplie quelque exploit, quelque tour de force qui eût pu la rendre célèbre ou fortunée, non ! Rien de tout cela. En vérité, elle n'avait même rien de particulier, avec ses jolis yeux noisettes, brillant de l'éclat naïf et neuf de la jeunesse, ses cheveux bruns, et sa petite bouche cerise qui se tordait, lorsqu'elle était fâchée, en une petite moue dépitée et adorable ! Non, elle était très mignonne, cela était certain, mais tous les enfants de cet âge, ou la majeure partie du moins, étaient mignons, chacun à leurs façons.
Mais elle n'y pouvait rien. C'était son enfant, elle en était fière. Point. Il n'y a pas toujours d'explication rationelle et scientifique aux sentiments que peut éprouver un être humain ! Et, même s'il y en a... Qu'importe, puisqu'elle les ressent, ces sentiments ? Il lui suffit amplement de les connaître et les comprendre, de savoir les interprêter, pour vivre sa vie comme elle le doit, avec patience et amour.
La petite Amandine était debout, ses petites mains potelées nouées autour de l'aquarium. Elle contemplait le poisson rouge qui se trouvait à l'intérieur, immobile, comme pétrifié, derrière un des galets blancs et polis, sous une touffe d'algues décoratives en plastique. Elle poussait des petits cris de joie.
- Il me regarde, maman ! Regarde, il me regarde ! Il est trop mignon ! Regarde !
- Je vois ça, ma petite, je vois ça, dit-elle chaleureusement, en passant sa main rassurante sur le cuir chevelu de la fillette.

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Des trucs et d'autres
DiversosVoici ce que l'on peut appeler un "fourre tout", un endroit où je mettrai un peu tous ce qui me vient à l'esprit, ce que m'auront proposé d'autres personnes, et que je testerai ici. Il n'y aura aucun rythme de parution, ce sera selon mon envie, au p...