Assise dans les gradins humides de la piscine municipale, le menton appuyé dans le creux de la main, Dakota admirait l'équipe féminine de natation de la ville. Chaque lundi soir, de 19h à 20h, elles avaient entrainement, et chaque lundi soir, Dakota venait les observer avec une envie débordante. Une grande blonde plongea avec grâce, pour partir ensuite en crawl. Dakota la regarda sans se lasser de ce merveilleux spectacle. Elle rêvait plus que tout de se retrouver dans cette équipe un jour. C'est pourquoi elle s'entrainait dur, filant à la piscine dès qu'elle avait du temps libre, pour arriver à leur niveau et pouvoir se faire une place parmi ces grandes nageuses. Nageuses, qui, bien sûr, avaient deux jambes, elles. Le coach tapa dans ses mains et déclara que le cours était fini. Pendant que toutes les filles sortaient de l'eau, Dakota, elle, se releva simplement, et descendit, non sans difficulté, les escaliers des gradins, qui se situaient en hauteur pour éviter les éclaboussures. Les escaliers avaient toujours été son point faible. Ils demandaient un appui trop fort sur les jambes, de bonnes articulations et un bon équilibre. Pour les descendre, Dakota était obligée de se cramponner à la rampe et de descendre une à une les marches avec l'allure d'un robot. Quand elle arriva enfin en bas, les nageuses s'étaient déjà séché et se revêtaient, ô bonheur suprême, de la veste réservée exclusivement aux membres de l'équipe. Cette veste, blanche avec les manches bleues, incarnait le rêve de Dakota. Son objectif qui l'aidait à avancer dans les coups durs, c'était bien cette veste. Elle rêvait plus que tout au monde de pouvoir la porter un jour. Oui, l'avoir en sa possession serait un bonheur extrême. C'était pour cela que Dakota se levait chaque matin, affrontait la journée et les regards et fonçait à la piscine. Et elle avait la profonde certitude qu'un jour, elle aussi, pourrait se pâmer avec cette veste sur les épaules. Elle se mêla à la foule ruisselante et certaines filles la saluèrent. A force de passer du temps près du bassin, elle avait fini par faire connaissance avec bons nombre des nageuses.
Mais plutôt que de les appeler connaissances elle aurait voulu les appeler coéquipières.
Le lendemain, Dakota était de retour à la piscine, mais cette fois-ci, c'était elle qui nageait avec dextérité dans l'eau. Elle enchainait les longueurs avec une certaine rage, celle de vaincre. Elle nageait de plus en plus vite au fil des longueurs et des journées. Comme le jour où elle avait attiré le regard de Jude avec ses prothèses, elle attira celui du coach Sandy. Dakota pouvait sentir son regard allant de ses cheveux blonds vers ses jambes. Se sentant observée par une personne de qualité, Dakota accéléra la nage et donna tout ce qu'elle pouvait. Elle enchaina une brasse coulée, suivie d'un crawl pour terminer par un papillon parfaitement maitrisé. Elle savait qu'à cet instant elle était en train de pulvériser son record de vitesse personnel, voire celui des nageuses de l'équipe du coach Sandy. Elle savait parfaitement ce qu'elle était en train de faire, tout était son contrôle, et de plus, elle enchainait les différentes nages avec facilité. Elle mit tout en œuvre pour en mettre plein la vue à son observatrice. Elle était persuadée d'épater le coach Sandy. D'ailleurs, elle l'était tant et si bien qu'elle sortit de la piscine pour aller à sa rencontre. Avec sa confiance habituelle, elle plaqua ses cheveux mouillés en arrière de sa tête, puis se dirigea d'une marche assurée vers la quadragénaire. Le coach Sandy était une femme à l'allure stricte aux cheveux grisonnants malgré son jeune âge, qu'elle coiffait tout le temps en une queue de cheval basse. Elle se baladait toujours chronomètre en main et avait pour habitude de froncer les sourcils dès qu'elle était surprise. A l'heure où Dakota s'approchait d'elle, ses sourcils étaient effectivement froncés, ce qui était bon signe venant de sa part.
- Je suis sûre que vous n'avez pas pu vous empêcher de chronométrer. Déclara Dakota avec un sourire charmeur.
Elle avait déjà parlé quelque fois à Sandy lors des entrainements, mais jamais des choses sérieuses. Le coach sourit en baissant les yeux.
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Anomalie
Short StoryJe n'avais pas envie d'écrire une histoire qui donne envie de pleurer, une histoire qui pince le cœur et qui fait pitié. Une histoire triste sur quelqu'un qui a vécu des choses dures et qui est détruit. Non, moi je voulais écrire une histoire sur u...