Anomalie

14. Eaux troubles

Le vent, si agréable, venait siffler dans les oreilles de Dakota. Il lui murmurait une comptine ancienne qu'elle pensait à avoir oublié. Que c'était bon. Un instant, elle fut tentée de fermer les yeux, juste pour profiter de la sensation de liberté qui l'envahissait, mais elle ne succomba pas à son envie. Elle voulait éviter d'avoir un second accident de moto. Elle garda donc bien les yeux ouverts, et sourire aux lèvres, se concentra sur la route. Elle se gara sur le parking de la piscine quelques instants plus tard. Depuis qu'elle avait de nouveau conduit une moto, le jour où elle avait conduit Jude, la sensation que lui procurait ses mains sur le guidon ne l'avait pas quittée. A vrai dire, elle n'avait cessé de conduire jusque-là. D'ailleurs, elle s'était vite arrangée pour se procurer sa propre moto. Elle avait beaucoup gagné en indépendance depuis ce jour-là, et la moto avait été comme le point final de sa délivrance. En effet, plus aucunes chaines n'étaient attachées aux jambes perdues de Dakota. Elle avait affronté ses démons, et plus aucuns obstacles ne venaient entraver son chemin. Elle était libre, libre comme l'air. Libre d'être heureuse, libre de faire sa vie. Elle retira son casque, délivrant en même temps sa crinière blonde. Elle était follement de bonne humeur, ce jour-ci. En même temps, depuis qu'elle était avec Jude, elle était souvent de bonne humeur. C'était sa mère elle-même qui lui avait dit. Alors qu'elle se dirigeait vers les escaliers qui menaient aux portes de la piscine, son œil fut attiré par une figure familière. La coach Sandy. Toujours remplie d'une rancune amère à son égard, Dakota pressa le pas en feignant de ne pas l'avoir vue. Mais la coach, qui n'avait visiblement pas saisi les signaux de mépris qu'elle lui envoyait, l'interpella :

- Dakota ! Ca alors !

La jeune fille fit volte-face. Ses yeux foudroyaient la pauvre Sandy, mais son visage affichait un regard tout à fait hypocrite, par politesse.

- Hum, coach Sandy. Grinça-t-elle.

Son attitude semblait la mettre mal à l'aise, et elle éprouvait un malin plaisir à accentuer sa gêne. Timidement, la coach s'approcha d'elle.

- Ca faisait longtemps qu'on ne vous a pas vue ici.

- Oui, je vais à une autre piscine maintenant, plus loin.

- Oh tiens ! Tout le monde part en ce moment. Célestine nous a quitté aussi. C'était une des meilleures nageuses de l'équipe.

Comme Dakota se moquait éperdument de tout ce qui sortait de la bouche de cette vieille bique ! Ne pouvait-elle pas s'en rendre compte et enfin la laisser tranquille !

- Hum hum, dommage. Déclara-t-elle, en s'éloignant.

Elle devait vraiment être de bonne humeur pour se montrer si aimable avec une femme qui ne lui inspirait qu'une haine sans bornes. Dakota crut qu'elle en avait enfin fini avec cet entretien ennuyeux, mais la coach repartit à la charge.

- Il nous manque une nageuse dans l'équipe maintenant, et c'est dur de trouver des filles motivées et qui ont le niveau.

Dakota se tourna de nouveau vers elle et roula des yeux.

- Coach Sandy, avec tout le respect que je vous dois, sachez que je vous voue un mépris sans limites. Il va donc de soi que tout ce que vous me dites me passe par-dessus la tête, et que je vous écoute simplement par politesse. Je suis venue ici simplement pour récupérer ma petite sœur, alors maintenant, si vous le voulez bien, je vais vous quitter.

Elle partit, et encore une fois, Sandy l'arrêta de sa démarche.

- Si je vous raconte tout ça c'est pour une bonne raison Dakota. Vous êtes une excellente nageuse, malgré votre handicap. J'en ai discuté avec les autres, et ils sont d'accord pour vous intégrer dans notre équipe.