Réunion de famille

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L'inquisiteur siégeait au centre du hall de la chantrie, dans une pose décontractée. A côté de lui, Léliana, Main Gauche de la désormais défunte Divine Justinia et Joséphine Montillyet, l'ambassadrice antivanne. Cullen ouvrit la bouche pour faire les présentations mais fut interrompu par Elaïs, qui s'avança.

"-Cher frère.

- Andaran atish'an, lethallan."

Elaïs tiqua. Elle n'avait pas entendu parler l'elfique ailleurs que dans les cuisines des palais depuis des lustres.

"-Je vois que tu n'as rien perdu de ton sens de l'humour."

Vlademiel crispa ses doigts autour des accoudoirs.

"- Mon sens de l'humour. Fit-il froidement. Enansal, tu es partie. Tu t'es détournée du clan!"

Prise à parti, elle ignora le qualificatif et poursuivit.

"- J'avais d'autres buts. La vie de clan n'était pas faite pour moi.

- Tu...tu nous as laissés. Tu as laissé le clan dépérir pour partir...

- Bien. Je ne suis pas venue pour entendre ça. Nous sommes là pour t'offrir notre aide.

- Je pense que tu es là pour avoir une part du gâteau. L'inquisition est une trop belle occasion de te placer au centre des choses.

- Assurément. Tu me connais. Néanmoins, je tiens à me racheter auprès des nôtres en t'accompagnant dans ta dure quête.

- Je refuse. Retourne te vautrer dans tes dentelles."

Il fit un geste agacé de la main et Elaïs put voir la marque. Elle s'étendait sur toute sa paume, fissure verdâtre et inquiétante, qui pulsait d'une lueur surnaturelle.

"- Fenhedis ! Mes intentions ne sont ni plus ni moins que de reprendre ma place dans le clan. Je..."

Vivienne leva la main et toute conversation s'arrêta.

"- Laissez nous Trésor. Lança-t-elle à l'adresse d'Elaïs qui fulminait. Puis, à Bull qui se tenait dans un coin de la pièce, adossé à un pilier: Vous. Faites-lui faire le tour du camp."

L'Inquisiteur fit un signe de tête affirmatif au mercenaire, qui s'exécuta.

Elaïs ne se fit pas prier pour sortir à toutes jambes de la salle, sans attendre l'escorte désignée par Vivienne. Une fois dehors, elle contempla le spectacle qui s'offrait à elle. Son regard s'attarda vers le lac gelé entre les sommets des montagnes, puis le ciel, au centre duquel s'épanouissait une inquiétante lumière verte. Parfois, des coulures s'en échappaient et s'évanouissaient au milieu des nuages. Une voix lacéra son esprit, chaude comme du plomb fondu et dure comme la roche.

Si tu m'avais laissé intervenir.

Non.

Tu aurais fini en héroïne. Dans une explosion de rage.

Tais-toi.

Tout le monde sait pourquoi tu es partie. Crois-moi.

Va-t-en.

Tu es partie parce que nous sommes un monstre.

Nous.

Elle sentit ses yeux chauffer. La voix ne s'était pas fait entendre depuis des lustres, et la présence de la faille dans le ciel semblait l'amplifier. La vérité, c'est qu'elle craignait pour elle-même, et avait besoin d'un mage. Fiable. Luttant contre la présence dans son esprit, elle décida de marcher pour essayer de penser à autre chose. Elle ne s'attendait pas à ce qu'on l'accueille les bras ouverts. Une série de bruits feutrés indiqua des pas dans la neige. Elle ne se retourna pas.

Celles Qui fuientOù les histoires vivent. Découvrez maintenant