Deux mois après la première fois où tu L'as vu, tu le surprends, mais en des circonstances un brin plus gênantes que quand il te fixe.
Au départ tu voulais seulement te doucher, mais les gémissements étouffés que tu entends en pénétrant dans les douches te laissent deviner que tu n'es pas le seul ici, et que les autres occupants n'ont pas les mêmes desseins que toi. Cela ne te surprend pas:la salle de bains commune du campus est mixte, alors forcément, il y certaines conséquences inévitables dans un environnement aussi saturé d'hormones juvéniles. Tu te dis qu'ils pourraient tout de même avoir un semblant de décence et essayer de faire un peu moins de bruit mais bon, tu décides d'aller te doucher quand même. Seulement, tu le feras le plus loin possible de là d'où te parviennent les bruits et tu régleras la puissance de l'eau au maximum pour tenter de les recouvrir.
Il s'avère que ta méthode ne marche pas:tu as beau avoir l'impression de te laver au karcher, les bruits te parviennent toujours aussi forts. D'ailleurs, cela semble être de pire en pire:ça n'as même pas l'air de vouloir s'arrêter de sitôt. Alors, tu te dépêches de finir de te laver et sors, pile à l'instant où les gémissements s'arrêtent.
Quel petit chanceux tu fais, décidément.
Puis, tu te retrouves soudainement nez à nez avec Lui, seulement habillé d'une serviette et accompagné, comme si tout cela n'était pas assez surprenant, non pas d'une fille, mais d'un autre garçon. C'est un de ceux qui étaient avec Lui à la soirée, le grand brun qui s'esclaffait. En te voyant, le brun rougit, mais pas Lui:Il te regardes toujours sans aucune gêne mais avec une certaine curiosité, comme si le fait que tu doives te laver lui paraisse étrange, et tu es soudainement très conscient du fait que, toi aussi, tu ne portes qu'une serviette et qu'il est beaucoup plus grand que toi. Il se passe un long moment gênant où aucun d'entre vous ne parle. Le rougissement du Brun se propage à la totalité de son visage et de son cou et ses yeux passent alternativement de Lui à toi en un va-et-vient nerveux;Il a les mains croisés derrière le dos, très militairement, et te regarde la tête légèrement penché sur le côté. Il semble attendre quelque chose de ta part. Tu ne fais que le regarder en retour, plus perplexe qu'autre chose, et, quand le temps qui s'écoule commence à rendre la situation de plus en plus gênante, tu croises les mains derrière le dos et penches très légèrement la tête:imiter les mimiques et attitudes de quelqu'un assez discrètement pour qu'il ne le remarque pas et ne risque pas de le prendre pour une moquerie est un bon moyen de s'assurer son approbation et son respect. Tu ne sais plus où tu as lu cela, mais tu l'as définitivement lu quelque part.
Au bout d'un très long moment où ta méthode ne semble produire absolument aucun résultat, Il se tourne vivement vers le Brun. Une conversation muette et implicite s'opère dans ce simple coup d'œil et le Brun s'en va sans dire un mot ni se départir de sa couleur écarlate, comme mû par un ordre tacite. Vous restez seuls.
-Alors? fait-Il après avoir regardé autour de lui comme pour s'assurer qu'il n'y a vraiment plus personne.
Il a la voix rauque.
Tu ne peux t'empêcher de regarder à ton tour autour de toi. Vous êtes bel et bien seuls.
-Alors quoi? réponds-tu enfin.
Il hausse les épaules
-Alors rien. C'était juste une formule d'introduction.
-J'ai déjà vu plus éloquent, ne peux-tu t'empêcher de faire remarquer.
Il ne doit pas avoir beaucoup d'humour car il ne relève pas.
-Toujours est-il que je préférerais si cet... incident reste discret. Tu te doutes pourquoi.
-Assez bien, acquiesces-tu, tout à fait sérieux. Il vaut mieux pour toi que cela ne se sache pas.
Sa bouche tressaute très légèrement -quelqu'un d'autre que toi ne l'aurait sûrement pas remarqué- comme en signe d'irritation. Tu te rends compte que, malgré sa contenance très aristocratique (ce qui n'est pas sans t'irriter), Il est bien moins détaché que ce qu'Il ne paraît:Il ne redoute pas que cela se sache, Il redoute qui pourrait le savoir.
-Je devine que je peux donc compter sur ton silence?
Tu hausses les épaules.
-Ouais.
-Je t'en remercie, fait-il en inclinant légèrement -et très noblement- la tête avant de tourner les talons et de s'en aller à son tour.
Tu restes définitivement seul dans la salle de bain, perplexe. Après quelques minutes, tu sors enfin. Tu te rends compte, par la même occasion, qu'il ne t'a pas dit son prénom et que toi non plus. D'ailleurs, tu ne lui as même pas demandé pourquoi il te regardait toujours ainsi.
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Because we were born claws
General FictionTout le monde a une bête en soi, se mouvant sous notre peau avec une discrétion féline, réclamant sa nourriture -aussi abjecte soit-elle- les soirs de pleine lune et prête à nous dévorer si on la laisse libre trop longtemps. Mais ça, c'est pour la p...