Chapitre 3

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Jade

Mais quel idiot celui-là ! S'il croit qu'il va m'avoir avec ses techniques d'approche à deux balles il se met le doigt dans l'œil ! Je ne peux pas faire semblant de ne pas avoir remarqué son corps d'athlète qui en ferait craquer plus d'une mais ce sourire suffisant qui restait comme scotché sur son visage a le don de m'énerver.

C'est le genre de beau gosse qui sait qu'il plait aux filles et qui ne le cache pas. Ce genre de mec, justement, a le don de me mettre hors de moi. Je me dirige d'un pas énervé vers la supérette et le laisse seul ramasser ses bières éparpillées sur le sol.

La petite sonnette retentit quand j'ouvre la porte et une vieille femme aux cheveux gris rassemblés en chignon à l'arrière de son crâne me sourit. Sa manière de remonter ses lunettes rondes sur son nez me rappelle ma propre grand-mère qui le faisait chaque fois que je faisais une bêtise, comme pour mieux voir si je disais la vérité. Elle a été ma seule famille après l'accident mais n'a pas survécu longtemps après la mort de ma mère et je la comprends. Perdre un enfant doit être la chose la plus insoutenable à vivre.

Je chasse vivement les souvenirs qui ne demandent qu'à ressurgir. Les souvenirs, ce n'est jamais bon, j'ai appris à les ranger dans une boîte bien enfouie au fond de mon cerveau.

Je souris à mon tour à la vieille femme et demande une salade de printemps. Pendant qu'elle me la prépare je vois Patricia me faire de grands gestes depuis l'extérieur. Je paye mon repas et me dirige vers elle en traînant des pieds.

- J'ai une surprise pour toi Jade.

- Je n'ai besoin de rien.

- Détrompe toi je vois bien que tu t'ennuies ici avec nous, il y a donc quelqu'un qui t'attendra à la gare d'ici une demi-heure.

Je n'ai aucune confiance en elle et ses idées bizarres, si elle s'attendait à ce que je lui saute dans les bras à l'annonce de cette nouvelle, elle doit être déçue. Je ne réponds pas et vais m'installer sur une balançoire espérant enfin un peu de calme pour manger.

Loin de se démonter elle retourne auprès de son mari avec un sourire aux lèvres. Comme toutes les assistantes familiales que j'ai connues elle pense qu'avec le temps je lui ferai d'avantage confiance et que je baisserai ma garde. Mais comme toutes les assistantes familiales elle se trompe. Jamais je ne m'attacherai à qui que ce soit, tout le monde est destiné à partir un jour ou l'autre que ça soit par envie, par obligation ou, comme mes parents, par la mort.

C'est d'ailleurs la première règle que je me suis fixée le jour où j'ai atterri dans le système des familles d'accueil. Ne pas s'attacher, ne pas faire confiance, rester froide et distante. C'est pour cela que je ne reste jamais plus de six mois dans la même famille, les familles qui m'accueillent choisissent la facilité et préfèrent me renvoyer dans le système et accueillir un enfant plus facile à vivre. Cela me va très bien.

Je me relève et me dirige vers la gare à pied bien sûr, il serait trop demander à Patricia de me faire une surprise et en plus de prendre de son temps pour m'y emmener en voiture. J'aperçois l'autre abruti au loin qui me fait de grands signes, entouré de ses potes, une bière à la main. Je l'ignore, mets mes lunettes de soleil, mes écouteurs et sors du camping.

***

La gare est bondée. Patricia sait pourtant bien que je déteste me retrouver entourée d'autant d'inconnus. Je reste à l'extérieur et attends que vienne "ma surprise" quand deux mains se plaquent sur mes yeux.

Je sursaute et me retourne si vite que je fais tomber un écouteur de mon oreille ce qui me permet d'entendre ma meilleure amie hurler que je lui ai manqué en se ruant sur moi.

Patricia avait finalement raison rien ne peut me faire plus plaisir que me retrouver avec Pauline pendant les vacances.

Je la connais depuis toujours, depuis aussi longtemps que je me souvienne elle a toujours été là pour moi. Elle est mon point d'ancrage, mon canot de sauvetage lorsque tout mon univers s'écroule. Elle a été là quand j'ai perdu mes parents et elle est là à chaque fois qu'une nouvelle famille se débarrasse de moi. Pour moi elle est aujourd'hui la seule vraie famille qu'il me reste, c'est la seule personne dans ce monde que je m'autorise à aimer. J'ai plus confiance en elle qu'en n'importe qui.

Je la serre fort contre moi et le poids énorme que je n'étais pas consciente de porter jusqu'à cet instant disparaît.

Tout va aller mieux maintenant.

- Jade ! Arrête... Tu m'étrangles !

- Oups je suis désolée ça me fait tellement plaisir que tu sois là !

- C'est Patricia qu'il faut remercier elle m'a téléphoné ce matin pendant que tu dormais et comme je connais ton horreur pour les campings je n'ai pas pu résister à l'envie de venir te faire un petit coucou.

Je la libère de mon emprise et la regarde enfin. Elle a des cheveux blonds courts, une robe qui laisse apercevoir ses longues jambes élancées et l'étincelle de ses yeux bleu clair me montre que la joie que je ressens est partagée. Cela ne fait que quelques semaines que nous ne nous sommes pas vues mais la joie des retrouvailles est toujours aussi importante.

- Alors raconte-moi cette première semaine ici ? Tu t'es fais des amis ?

L'optimisme et la joie de vivre de mon amie me font sourire. Elle connaît bien les règles que je me suis fixée mais ne désespère pas de me voir du jour au lendemain devenir sociable et me faire tout un tas d'amis. Dans ses jours les plus fous elle arrive même à imaginer le jour où je trouverai un petit ami.

-Moi me faire des amis ? Tu es sûr de t'adresser à la bonne personne ? Je réponds avec un léger sourire, si tu as besoin de détails sur des vacances palpitantes à t'en faire rêver je ne suis pas la bonne personne à qui le demander.

- Bon bon, j'ai bien le droit d'espérer... Et sinon tes dessins avancent ?

Je retiens un sourire en lui donnant une tape sur l'épaule.

- Figure toi que oui petite maligne, d'ailleurs je les ai abandonnés sur le toit de ma prison, je dois aller les récupérer.

- Et... Tu as repéré quelques beaux garçons dans ce camping ? demande-t-elle en feignant l'innocence.

Je lève les yeux au ciel en souriant.

- Pauline ! Tu as un copain je te rappelle.

- Je sais. C'est pour ça que je te demande  ton point de vue. Pour...Toi.

Elle répond en prenant soin de séparer chaque mot au cas où je n'aurais pas compris.

Elle me prend la tête entre ses mains et me dit d'un ton qu'elle essaye autoritaire :

- Il est temps de te trouver quelqu'un.

Je ricane en me libérant de son étreinte et m'élançant devant elle en direction du camping.

- Tu as mangé un clown toi ce matin ! Les seuls représentants de la gente masculine à dix kilomètres à la ronde ont un égo surdimensionné et sont tout simplement insupportables.

Je ne peux m'empêcher de penser au garçon de ce midi en disant ces mots.

- Hum Jade tu me caches quelque chose et ne fais pas l'innocente avec moi je vois tout !

- Je ne vois pas de quoi tu parles tu les verras par toi-même ils sont tout ce qu'il y a de plus détestable !

- À la revoilà.

- Qui ?

- La Jade en colère contre tout et contre tout le monde. La Jade qui en veut à la terre entière.

Je ricane et la prends par le bras pour l'emmener vers le camping.

- C'est faux. Tu sais bien que je ne serai jamais en colère contre toi Pauline.

*** avis ? ***

Destins brisés Partie1 (SOUS CONTRAT D'ÉDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant