Chapitre 6

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"Mesdemoiselles !"
En un sursaut les deux coupables se retournèrent . En voyant le visage de la voix leurs yeux s'agrandirent...
-Aliénor ?! Lysandre ?! 
- Alric ?!
Aliénor et Lysandre ouvraient de grands yeux ronds tandis que Alric, revenu de sa surprise, fut pris d'un fou rire .
Une fois un peu calmé, il demanda :
- Pouvez-vous me dire que faisiez-vous derrière cette porte, espionnant les passants ? 
Aliénor ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit, tant sa surprise était grande .
Alric continua :
- Mais peut-être que vos mots sortiront mieux devant une tasse de thé.
Aucune ne répondit...
- Bien, je prends ça pour un oui.
Bérangère, prépare trois thés s'il te plaît .
Une femme rondelette se précipita alors vers une porte qu'elle ouvrit et referma derrière elle .
Tout à coup Aliénor retrouva l'usage de la parole et commença :
- Veuillez nous excusez ! Vraiment, nous ne voulions pas entrer à votre insu . Mais la porte s'est ouverte toute seule lorsque mon amie s'est appuyée dessus . 
Alric sourit :
- Je vous crois, n'ayez crainte . Et sachez que je vous en veux nullement . Je suis même ravi que vous venez me rendre visite même si cela est involontaire . Mais une pensée m'assaille ... Que faisiez-vous derrière cette porte et qui espionnez-vous ?
Aliénor regarda Lysandre pour savoir si elles pouvaient faire confiance en Alric .
Celle-ci qui n'avait guère parlé depuis le début, pris la parole :
- Qu'est-ce qu'on faisait derrière cette porte ? On espionnait . Pourquoi ? Demandez à Aliénor . Et qui est-ce qu'on espionnait ? Adressez-vous à Aliénor également .
- Merci Lysandre... Vous m'aidez beaucoup ... chuchota Aliénor à son amie. Mon cher ami, continua-t-elle à l'égare d'Alric, je crois que nous avons une affaire grave sur les épaules... Je ne sais pas encore de quoi il s'agit mais je ne saurais tarder à le découvrir.
Alric la regarda d'un air surpris.
- Qu'est qui me pousse à vous croire ?
- Rien. Seulement que jamais je ne mentirais à propos de ces choses-là.
- Et bien mesdemoiselles, je crois bien que vous allez devoir tout me conter.
Bérangère arriva alors charger de 3 tasses de thé et les déposa sur une table basse en marbre.
Alric invita alors les intrus à s'assoir.
- Je vous écoute Aliénor.
Aliénor prit une gorgée de thé avant de commencer :
- Avec Lysandre, nous venons d'entendre une conversation qui ressemble fortement à un complot.
Alric regarda Aliénore avec un mélange de curiosité et d'ironie .
- Un complot dites-vous ? Qui concerne-t-il et pourquoi ?
- Vous ne me croyez pas ...
- Hum... c'est-à-dire que vous me laissez perplexe. Mais continuez, je veux en savoir plus sur cette histoire..
Aliénore hésita puis lui conta tout aux moindres détails. Lorsqu'elle eut fini, Alric adoptait un air soucieux .
- En effets, votre histoire paraît bien vraie ... Et les deux femmes que vous m'avez décrits, je crois savoir qui elles sont.
- La Montespan et son ombre, sans aucun doute ! S'écria Lysandre .
- "La Montespan et son ombre"? Qui est-ce ? Demanda Aliénore qui ne connaissait pas encore la cour .
- À ma chère ! Il est vrai que vous ne connaissiez rien de ce pay-ci. Lysandre prit une gorgée de thé avant de continuer. Eh bien, la marquise de Montespan est la favorite de notre cher Roi. C'est une peste, cruel et égoïste ... Son ombre, c'est cette femme que tout le monde connaît sans savoir qui elle est . Cette femme est toujours en noir et lorsqu'on l'aperçoit, elle est aux alentours de la Montespan. Voilà pourquoi la cour la surnomme "l'ombre de la Montespan" .
Le visage d'Aliénor adoptait un air soucieux . Sa tasse chaude entre ses mains immobiles paraissait figée à jamais. Ni Lysandre ni Alric n'osa rompre le silence qui c'était installé . Puis comme un coup de tonnerre qui tombe sur une plaine sans vent, Aliénor s'écria :
- Je sais ce qu'il faut faire ! Nous allons nous rapprocher de la Montespan pour en savoir plus sur ce qui se trame . Il faut que la marquise nous fasse entièrement confiance .
Alric et Lysandre regardèrent Aliénore d'un air ébahi .
- Voyont Aliénor ! Cela ne tient absolument pas debout ! S'exlama Alric. La marquise de Montespan ne se laisse pas approcher comme cela. C'est une personne haut placée et elle est très méfiante .
- Elle est pourtant bien humaine, insista-t-elle, Ce n'est pas par quelque titre et quelque bout de métal doré qu'elle devient une déesse intouchable .
- Alric a malheureusement raison Aliénor. Les personnes qui sont proches du Roi sont horriblement éloigné de notre monde . Ils ont comme construit un mur de verre nous séparant d'eux car les places sont rares et très convoitées .
Il vaut mieux ne pas se mêler de cette affaire et laissons les grands s'en occuper, conclut Lysandre.
Laisser tomber cette affaire ? Hors de question pensa Aliénor . Elle avait comme un pressentiment que cette affaire était bien plus grave que ce que l'on croyait . Mais le mieux était d'attendre et si Dieu le veut bien, il lui mettra un autre indice sur sa route.
- Vous avez surement raison Lysandre. Laissons cette affaire de côté . Maintenant, si monsieur Alric le veut bien , je vais me retirer à mes appartements .
- Oui bien sûr, faite ma chère.
Il paraissait vouloir ajouter quelque chose et Aliénor attendait elle aussi quelque chose. Mais rien d'autre ne sortit de la belle bouche d'Alric. Et Aliénor s'en alla sans entendre ce qu'elle voulait .
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La porte se referma doucement. Le ventre d'Aliénor criait famine et elle interpella une servante pour qu'elle lui amena à manger .
Lorsqu'elle fut installée sur l'étroite table de la salle à manger-salon, le Duc de Limon se fit introduire et alla s'asseoir sans manière en face d'Aliénor .
- Bonjours ma chère .
- Bonjours monsieur le Duc .
- Je venais prendre de vos nouvelles . sachez que vous devez m'informer de toutes les personnes que vous fréquentez. Il n'est pas question que vous vous salissiez avec des gens de mauvaise augure .
- Certainement .
Se salir avec des gens de mauvaise augure ? Elle le faisait déjà en ayant accepté de se marier avec ce malfrat, aussi laid que cruel.
Aliénor repensa tout à coup à Agnès, cette jolie servante de l'auberge.
- Monsieur, prononça-t-elle d'une voix douce, j'ai une requête à prononcer.
- Faite, je vous en prie .
- Je ne trouve point servante qui me coiffe aussi bien que la jeune fille de l'auberge de Versailles . Pourriez-vous l'engager à mon service, afin que votre future femme ait de belles coiffures ?
- Oui je n'y vois pas d'inconvénient, céda-t-il sous la voix douce et belle d'Aliénor, donner moi son nom et j'enverrais un page la chercher.
- Elle se nomme Agnès. Je n'en sais, hélas, pas plus .
- Cela suffira .
- Je vous en suis fort reconnaissante .
Il la regarda avec son air hautain de d'habitude puis se leva et partit sans mots .
Un souffle de soulagement s'échappa de la bouche d'Aliénor, et sans plus attendre elle commença à manger.
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Un crissement se fit entendre. Aliénor leva la tête pour voir la personne qui approchait. Une personne sortit de derrière les arbres. Assise sur un banc de pierre elle le regarda s'approcher.
- Que faite vous seul dans un parc où personne ne pourrait vous trouver en cas de malheur ?
- Et vous que faite vous a m'espionner .
- Sachez ma chère qu'à Versailles aucune jeune fille ne doit se promener seul, surtout si en plus d'être jeune elles sont fort belles.
- Seriez-vous en train de me faire un compliment monsieur d'Aubéry ?
- Non je fais seulement une constatation ma chère Aliénor .
Aliénor baissa les yeux vers le sol gelé.
Alric était debout devant elle et la contempler discrètement . Sa robe verte ne faisait qu'embellir ses maniques cheveux noirs de jai .
- À quoi pensez-vous ? Demanda-t-il curieusement.
- À mon mariage... Je ne peux m'empêcher de penser à la façon dont je pourrais empêcher cette union sans décevoir mes parents.
- Pourquoi empêcher cette union ? Votre coeur est épris d'un autre gentilhomme, plus jeune et plus beau que le Duc ?
- Non, ce n'est point cela... C'est simplement que je ne veux pas passer ma vie au côté d'un vieux malfrat .
- Hélas Aliénor, nombreuse sont les jeunes filles qui y sont obligées. Et je ne vois pas comment vous pourriez faire pour y échapper .
Le regard bleu saphir d'Aliénor se leva vers Alric. Ses yeux étaient remplis de désespoir et de colère.
- Alric, peut-être que toutes ces jeunes filles dont vous parlez n'ont rien fait pour empêcher leur union indésirée.
C'est pour cela qu'elles ont subi ce sort.
- Et bien alors si je trouve une idée pour vous sauver de ce Duc répugnant je vous en ferai part .
Un sourire éclaira le visage d'Aliénor . Qu'il était séduisant cette Alric! Elle mourait d'envie de lui sauter au cou mais comme une jeune fille bien élevée elle se contenta de dire:
- Merci.
Alors Alric lui proposa lui aussi comme un parfait gentilhomme:
- Voulez-vous que je vous raccompagne au Château . Les jardins sont infestés de vermines qui veulent assouvire leurs envies, alors le bras d'un chevalier vous serez surement utile .
- Avec plaisir monsieur d'Aubéry .

Aliénore, Demoiselle à VersaillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant