Chapitre 2 Ashra

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Les nécromanciens avaient été bannis dans les souterrains depuis très longtemps. Avant cet événement tragique, ils habitaient à Koros, mais ils maîtrisaient une magie très noire. Toujours dissimulés sous leurs capes couleurs sombres, à marmonner des malédictions et prophéties incompréhensibles, ces magiciens étaient considérés comme des pauvres fous ayant perdu la raison et ne représentant aucune menace, alors qu'en vérité, leur passion dévorante pour la thaumaturgie ne cessait de croître. Les dirigeants du Sénat les avaient surpris en train de ramener un mort à la vie, cela n'avait été qu'un échec total qui se solda par la mort d'innocents. Car si on donnait une vie, il fallait aussi en reprendre une. Après ce désastre, les nécromanciens furent privés à jamais de siéger dans l'enceinte de Koros.

Ashra était de loin le plus puissant et le plus maléfique de tous. Sacrifier son propre peuple en offrande ne l'empêchait nullement de dormir. Il allait bientôt recevoir une nouvelle des plus importante. Comme les nécromanciens étaient restés dans l'ombre des galeries souterraines pendant un certain temps, ils n'avaient presque aucune nouvelle du monde de la surface et ignoraient tout des luttes de pouvoirs qui s'y étaient déroulées.

Ashra était en train d'implorer les dieux de lui venir en aide. Bien sûr ce n'était pas les mêmes divinités que l'empire démon ou le royaume des hommes. Assis devant une gigantesque statue située dans la crypte, il récitait de sombres incantations. Il suppliait Lolth, la déesse araignée de lui donner plus de pouvoir pour écraser ses ennemis. Soudain, quelqu'un entra :

- Majesté... commença-t-il.

- J'avais demandé à ce que l'on ne me dérange pas durant ma prière, répondit-t-il d'un ton cinglant.

- Je suis désolé, Majesté, mais une lettre d'un de nos espions, envoyée il y a plusieurs mois, vient de nous parvenir. Il tendit la lettre qu'Ashra lui arracha des mains et lut. Il fixa le parchemin pendant quelques instants avant de répondre.

- Ainsi donc, Feorn a pris le pouvoir à Koros et le couple Valior n'est plus qu'un mauvais souvenir... C'est parfait ! Il remercia la déesse de l'avoir écouté et sortit de la crypte. Il avait besoin de réfléchir. La mort d'Elenia et de Filius était une occasion formidable. S'il profitait du chaos ambiant, il pourrait peut-être de nouveau habiter à Koros.

Il traversa des galeries tortueuses, jusqu'à ce qu'il arrivât dans l'alvéole où se trouvait Zoran, son plus fidèle conseiller. Ce dernier se prosterna vivement devant lui.

- Maître, que puis-je faire pour vous ?

- Lis cela ! ordonna-t-il en lui donnant la lettre. Zoran déchiffra avec attention le contenu de la lettre et s'exclama.

- Maître, quelle nouvelle ahurissante !

- Que penses-tu de cela ? l'interrogea Ashra.

- Je me garderai bien de dire à sa majesté ce que je pense, cependant cette occasion me semble inestimable !

- Tu trouves ? Les démons sont en aussi bon termes avec nous que nous l'étions avec les dirigeants du Sénat.

- Bien sûr, je comprends, mais lorsqu'une telle opportunité se présente, il faut savoir la saisir, murmura-t-il avec une petite pointe d'impertinence dans la voix.

- Tu as raison, concéda Ashra. Je m'en vais de ce pas résoudre cette affaire. Il partit et s'engagea vers ses quartiers. Il analysa toutes les informations qu'il détenait. Tout d'abord, Denon était sur le trône, mais ce n'était qu'un pantin au service de Feorn. Elenia et Filius étaient morts. Les démons avaient donc la main mise sur Koros. Si Ashra devait parler avec quelqu'un, il s'entretiendrait avec Feorn.

Il appela ses mages, car communiquer à distance nécessitait énormément d'énergie magique et il laissait à ses sujets le soin de dépenser cette énergie à sa place. Ils se réunirent tous pour former un pentacle dont Ashra était le centre. Les mages entonnèrent alors les incantations du sortilège.

- Melior negat crinis ! L'image de Feorn se matérialisa devant Ashra. Il dominait ce dernier de toute sa hauteur, mais le nécromant ne broncha pas.

- Qui ose me déranger ? Vociféra-t-il.

- Je me nomme Ashra, mon seigneur et je désire converser avec vous.

- Soit ! Que désires-tu ?

- Il y a de cela plusieurs années, notre peuple fut exilé de Koros et a été contraint de se réfugier dans ces cavernes et nous désirons revenir à Koros, notre cité natale, dit-il en insistant bien sur ce terme.

- Ah, je me souviens de vous, vous êtes les nécromanciens. J'accepte ta demande, mais je voudrais que tu utilises tes pouvoirs pour remplir une tâche. Dans son for intérieur, Feorn se moquait éperdument de l'offre d'Ashra et ne comptait pas l'honorer. Mais ce pitoyable mage l'amusait et il souhaitait se servir d'un nouveau pion pour sa partie d'échec.

- Dites-moi tout, je ferai ce que vous voudrez, ajouta-t-il avec un ton mielleux.

- Lors de la prise de Koros, l'enfant du couple Valior a réussi à s'échapper. Il pourrait représenter un symbole fort de résistance. Je veux que tu le trouves, car j'ignore où il se cache, que tu le tues, et que tu me ramènes une pierre dont il s'est emparé.

- Je pense pouvoir m'occuper de lui sans problème, mais pourquoi voulez-vous cette pierre ? s'enquit Ashra.

- Cela ne te regarde en rien ! Contentes-toi d'exécuter mes ordres et ton peuple aura sa place dans ma cité !

- Je vous remercie, je ne vous décevrai pas, promit-il.

Feorn disparut et Ashra renvoya ses mages. Il se dirigea vers sa bibliothèque, et repensa à sa conversation avec le seigneur démoniaque.

- N'oublie pas Feorn. pensa-t-il. C'est moi qui vais te manipuler et certainement pas l'inverse !Un seul élément l'intriguait, quelle était la pierre que convoitait tant le démon ?

Il entra et chercha un des nombreux trésors de sa bibliothèque, Les chroniques du monde. Il ouvrit le livre et feuilleta les pages. Il s'arrêta aux Chroniques du chevalier Alénord. Il lut l'extrait.

« Pendant des siècles, les hommes avaient vécu en paix sans aucune crainte des autres races. Cette harmonie fut rompue lorsque les démons apparurent sur leurs terres. Ils proliféraient à une vitesse étonnante et ravageaient les villages, semant la désolation. Au pied du mur, le dernier espoir des humains résidait dans l'aide des dieux, qu'ils implorèrent avec véhémence. Ceux-ci répondirent à l'appel et léguèrent aux hommes une des plus puissantes reliques de notre monde.

Ils créèrent la pierre du phénix, qui avait le pouvoir de détruire les démons, et la confièrent aux hommes pour combattre ces abominations et ainsi restaurer la lumière. La pierre fut conservée par les mages qui utilisèrent avec sagesse son incroyable pouvoir. Et grâce à elle, les légions humaines étaient désormais invincibles et les créatures des ténèbres purent enfin être renvoyées dans les domaines infernaux. »

Brusquement le nécromant ferma le livre, le remit à sa place et dit tout haut :

- Je comprends mieux pourquoi il désire cette relique.

Un sourire hideux se dessina sur son visage. Il se mit à penser à toute vitesse aux différentes opportunités qui se présentaient à lui. Il pourrait faire d'une pierre deux coups, non seulement siéger à Koros, mais aussi avoir un atout dans la manche avec la pierre. S'il jetait ses cartes au bon moment, il pourrait même devenir le seigneur du royaume des hommes !

Il se précipita dans ses appartements, prit son bâton et récita des formules occultes.

- Viens à moi, ombre spectrale, je t'invoque ! Il y eut une grande lumière et une ombre apparut, la sienne. Un grand froid se répandit dans la pièce, significatif de l'arrivée d'un être des ténèbres. L'atmosphère était lourde et oppressante.

- J'ai une mission pour toi, ordonna le nécromant.

- Je vous écoute, mon maître.

- Ramène-moi la pierre du phénix et la tête d'Eldric Valior !


La Légende d'AzanorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant