- Salut, dis-je le plus simplement possible.
La brune me regarde, comme si elle essayait de graver à jamais cette image de moi dans son esprit à la façon d'une photo avant de répondre.- Salut.
Réponse claire, nette et précise mais non pas moins froide et sèche. C'est bien ma veine ça, de tomber sur quelqu'un encore moins ouvert à la discussion que moi (si on omet la mésaventure avec le gardien de mon transfert). Bon, je vais quand même insister, et ne pas rester sur cette première impression amère. Elle a l'air intéressante malgré tout.
- Je m'appelle Cassie. Je marque une courte pause, histoire de juger sa réaction, mais rien. Alors je reprends.
- Et toi ?
Sans me répondre, elle s'installe sur le lit, allongée confortablement il semblerait, sans même prendre la peine de me donner une réponse...Comme c'est frustrant. Je crois que je vais arrêter cette pratique d'ici peu, j'ai compris la leçon.
La fille ferme les yeux, le visage en direction du plafond et les mains tout aussi tatouées que le reste de son corps réunies sur son ventre. Jolie, mais vraiment peu commode. Enfin cela dit, elle a vraiment l'air d'être crevée et même son petit fan club n'avait pas eu l'air de lui faire l'effet escompté par les membres de ce dernier. Le calme et la tranquillité régnaient jusqu'à ce qu'une blondinette, faisant un peu près ma taille, se pointe raide comme un piquet devant la couchette de ma co-détenue qui ne bronchait pas. Blondie se mit à parler, mais je ne savais pas très bien si elle était sarcastique ou sincère.
En tout cas, elle avait l'air d'avoir quelque chose à prouver. Rien qu'à remarquer sa posture, on pouvait deviner le trop plein d'assurance qu'elle se donnait tant de mal à faire paraître. Finalement heurtée par un silence sans nom, tout comme moi précédemment, elle ouvrit de nouveau la bouche mais aucun son n'eu le temps de sortir de ses lèvres qu'une fille aux cheveux d'un noir ébène et à lunettes venait y mettre prestement son grain de sel.- Piper, laisse tomber et viens prendre le p'tit déj avec les filles.
Blondie s'appelait donc Piper ! Elle avait plus une tête à s'appeler Britanny que Piper, mais soit. Il était clair qu'il y avait quelque chose entre Piper et ma silencieuse. Malgré ma curiosité, je décide de terminer ce que j'étais en train de faire avant de filer jusqu'au réfectoire, sans aucune question. Je connaissais pas encore bien l'établissement, alors je suis discrètement Piper et sa copine. Enfin je présume qu'elles sont ensemble, j'en sais trop rien, mais c'est plus simple de stéréotyper quand on connaît pas vraiment les gens. Je pourrais passer des journées entières à leur créer une vie. En faisant la queue pour avoir mon repas, je regarde un peu partout autour de moi, bien que la discrétion soit toujours mon mot d'ordre. C'est mon deuxième jour ici, et je commence à croire que même les gardiens sont nouveaux pour la plus part. Sans trop savoir pourquoi, peut-être parce que c'est les seules que j'ai croisé aujourd'hui, je m'assois à la même table que Piper et l'autre fille. Les yeux sont rivés sur moi. Merde, elles avaient toutes l'air sympa avant qu'elles se mettent à me regarder avec autant d'instance.
- Les gardiens sont nouveaux ? C'est quoi l'histoire derrière tout ça ?
Au départ, il y a eu un silence qui semblait durer une éternité et puis une brunette avec des sortes de boucles anglaises et au rouge à lèvres d'un rouge carmin décide de répondre.- En fait, il y a eu des gardiens complètement barjos qui ont fait faire des trucs dégueu' à plusieurs détenues. Il paraît même qu'une des latina a dû bouffer un souriceau vivant.
- Oh tais-toi Lorna, c'est peut-être pas vrai on en sait rien.
Lorna qui avait eu la gentillesse de m'adresser la parole, entre deux bouchées de pain, s'empressa de répondre.
- Bien sûr que si qu'c'est vrai ! T'es juste de mauvaise humeur parce que j'ai pas voulu coucher avec toi. Pauvre p'tite junkie perdue.
Sans que personne comprenne vraiment, elle se lève et part ranger son plateau avec les autres avant de sortir de la pièce, visiblement offusquée. Même si la junkie aux cheveux bouclés n'avait pas l'air très cool, c'était quand même injustifié de lui balancer autant de vacheries pour des ragots. Enfin je constate que la vie ici ressemble plus à une cour de récré plutôt qu'à une prison. Là où j'étais, on entendait plus parler de trafics, de futures bagarres ou de règlements de comptes entre ethnies avec des armes faites maisons que de gardiens psychopathes, de lesbiennes repoussées et de petites culottes. De petites culottes ? J'avais beau y penser, j'arrivais toujours pas à comprendre ce que voulait dire Piper à ma nouvelle co-détenue. Il devait y avoir une histoire de sexe là-dedans, peut-être. Ce serait comme un nom de code, "petite culotte" pour dire, "tu vois tu m'as mal baisée mais je suis toujours debout". Aucune idée.
Plus l'heure avançait, et plus je me posais des questions. Est-ce que l'histoire sur les gardiens était vraie ? Est-ce que ma mystérieuse tatouée avait des problèmes ? En tout cas, je sais par je-ne-sais-plus-son-prénom qu'elle revient du trou, ce qui explique son attitude fatiguée et son mutisme. Dans la cour, j'étais quand même seule, même si quelques curieuses venaient pour faire la causette et deux ou trois renseignements sur moi. Je m'étais bien gardée de dire que je venait d'une prison à haute sécurité, et que j'avais été accusée à tort d'avoir commis un meurtre. En fait, je sais même pas pourquoi on m'a transférée ici. Mais j'ai pas trop envie d'y penser. Et toute façon, je vais pas en avoir le temps parce que Whitey se ramène.- Tu t'souviens de moi princesse ?
- A moins que je sois devenue amnésique de manière subite, pourquoi j't'aurais oublié ?
- T'inquiètes, tu vas l'être...
Elle marque une courte pause tout en se rapprochant de moi et ne poursuis sa phrase qu'une fois mon dos plaqué contre un mur.
- Amnésique.Mon coeur au lieu de se mettre à battre plus vite reste calme, tranquille. Je regarde les alentours pour voir s'il y avait personne, et non, personne. Alors je me remémore les cours de self-défense que j'ai pris avant d'être incarcérée, comme si ça allait me servir. En réalité, j'ai toujours frappé à l'instinct et autant dire qu'avec tous les ennuis que j'ai eu, j'ai plutôt un bon instinct de conservation. Mais je n'ai pas le temps de plier mon genou afin de le placer avec force entre les cuisses de mon adversaire qu'une voix venue de nul part se fait entendre. Nerveuse, Whitey m'en colle une avant de se retourner face à la source de la voix en question.
Merde, je l'avais pas vu venir celle-ci. Machinalement, j'appose ma main sur ma bouche douloureuse même si c'est pas le summum de la souffrance. Je relève les yeux, et m'aperçois que ma "sauveuse" n'était autre que la silencieuse brune de ce matin. Elle discutait avec calme avec celle que j'appelais Whitey mais qu'elle appelait Janae. Et ça se passait plutôt bien jusqu'à ce qu'à la fin, Janae pousse ma sauveuse qui lui rend la monnaie de sa pièce en faisant de même.
Ses bras étaient totalement découverts et si jusqu'à présent j'avais eu un petit aperçu de ses avant-bras, maintenant je pouvais voir l'entièreté de ses tatouages. Je sais pas si c'est l'effet mauvaise fille avec sa peau encrée, ou ses yeux d'un bleu transperçant mais elle me laisse vraiment pas indifférente. A tel point que, sans trop m'en rendre compte dans un premier temps, je me mordille la lèvre inférieure. Le pas assuré mais pas trop brusque, je la regarde s'approcher de moi, toujours adossée contre ce foutu mur mais je comprends pas. Ce matin, elle me snobait et là, elle se rapproche tellement de moi que même sa poitrine frôle la mienne. Sa poitrine. Plus j'y pense et plus... Non stop. Mais alors que j'essayais de me ressaisir, son pouce se dépose sur ma lèvre inférieure, qu'elle libère de l'emprise de mes dents qui continuaient de la mordiller. Et je me rends compte que je saigne qu'à l'instant où elle y passe son pouce avec lenteur et même extrême douceur.- Je m'appelle Stella, dit-elle avant de repartir comme elle était venue.
VOUS LISEZ
Dans la peau d'une détenue (OITNB)
FanfictionUn an, deux mois et trois jours. L'attente est longue, très longue quand pour seule compagnie tu as une demeurée, doublée d'une psychopathe qui te parle de huit criminels qui se seraient enfuis de la partie masculine du bâtiment. Merde, avec tous se...