Les Pies et la Mère

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Elles sont deux.

Assise côte à côte sur le banc, elles observent les passants pour dénicher leurs pires tares physiques. Aussi cruel que cela peut paraître, c'est ainsi qu'elles s'amusent.

Avec leurs cheveux parfaitements coiffés, leur maquillage sublime et leurs uniformes d'école privée dispendieuse, il est bien difficiles de dire du mal d'elles. Les Pies, bien conscientes de leur vie parfaite, ne se gênent pas pour dénigrer celle des autres.

"Pfff, regarde la cicatrice de Monsieur."

"Mais comment une fille aussi laide peut-elle se faire aimer de ses parents?"

"Les poubelles appellent, elles veulent ravoir leurs vêtements."

Pendant qu'elles gloussent tout en ajustant leur maquillage, une femme à l'air fatigué vient s'asseoir à l'autre bout du banc. Elle porte un garçon d'environ un an dans ses bras.

Lorsque les Pies la remarquent, elles retiennent un éclat de rire. Qu'est-ce qu'elle est laide! Ses vêtements semblent venir du dépanneur, ses cheveux auraient grandement besoin d'une coiffure et, à travers son chandail, son estomac ressort.

La Mère, sentant deux paires d'yeux posées sur elle, serre son chéri contre sa poitrine et regarde les Pies d'un air accusateur. Celles-ci, refusant de laisser une vieille croûte les traîter de cette façon, répliquent avec un regard hautain pour la déstabiliser.

La femme souffle un baiser au bébé, aucunement intimidée par ces pimbêches. Avec un sourire, elle leur dit:

"J'espère, mesdemoiselles, que vous comprendrez un jour qu'aucun sourire ne vaut celui d'une femme qui a donné naissance."

"Euh? On t'a parlé?"

La Mère répond par un rire mélodieux, tout le contraire du ricanement cassant des jeunes filles. Elle se lève et, juste avant de s'éloigner, leur lance:

"Tout ce que vous devez retenir, c'est que mon corps est le signe que j'ai fait naître un être merveilleux, et que ma manière de l'élever ne vous regarde pas, tout comme celle de vos propres mères. Quoique, leurs méthodes sont apparemment médiocres étant donné le résultat."

Les adolescentes, se disant que ce ne devait être qu'une autre soi-disant "leçon de vie" venant d'une pauvre, retournent vite à leur espionnage. Mais au fond d'elles, même si elles ne l'avoueraient jamais publiquement, un doute s'installe.

Le banc de métroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant