5.- Aphney

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La vieille se débrouille pas mal au bar. Son décolleté et son visage de Sainte ont attiré un tel monde que c'est à peine si je la vois. Tant mieux qu'elle sache quand décoincer un peu. Moi, depuis une heure, je suis affalée au creux de ce canapé, je me contente d'observer en faisant semblant d'attendre quelqu'un. A ce niveau, tout semble normal. La clientèle est essentiellement constituée de gens en costard ou tailleur avec des accessoires hors de prix. Du coup, je présume qu'elle a les moyens pour toutes sortes de choses. Conclusion : cette normalité est un leurre. En face de moi, deux gorilles vêtus de noir gardent un escalier qui mène à ce que je devine être le carré vip. Les vitres teintées ne permettent pas de voir grand-chose mais je mettrais les cheveux de Danaëlle à bruler que les gros poissons se cachent là bas et qu'ils se font la fumerie du siècle avec des meufs maigres comme des clous sur les hanches. Pas que je sois mieux en terme de grosseur mais j'aime bien insulter gratos. Il faut que j'entre.

-Un Oral sex on the beach s'il vous plait !

Je fais un clin d'œil au serveur en passant une main distraite dans ma longue chevelure blonde d'un soir. Il me sourit embarrassé et s'en va chercher mon cocktail. Pourvu que ce soit lui qui le ramène, j'aurai besoin de sa personnalité faible. Le temps qu'il revienne, un autre type attire mon attention. Il a une belle gueule mais mieux que ça, de l'influence. Il chuchote quelques mots aux oreilles d'un de mes bébés king kongs et va se blottir dans un fauteuil à l'autre bout de la pièce. Je paierais bien pour savoir ce qu'il trafique à pianoter ainsi sur un portable tandis que le club grouille de belles nanas. Obligation professionnelle me siffle mon intelligence.

-Tenez madame ! Votre boisson !

Le jeunot me tire de ma phase de réflexion en posant devant moi un joli verre de liquide bleu. Je lui fais un signe de la main pour qu'il s'approche un peu. Une fois son cou à quelques infimes centimètres de ma bouche, j'effleure doucement sa main et lui arrache un frisson.

-L'homme sur le fauteuil là bas, au téléphone, sers lui la même chose. S'il pose des questions, dis-lui que c'est l'effet qu'il me fait.

-Mais...madame...

- Fais-le.

Sa réaction vient confirmer mes soupçons, ce mec est important dans cette boite.

Deux minutes plus tard, la phase un de mon plan est activée. L'homme prend le verre et écoute les explications du serveur. Une fois ce dernier parti, il me lance un regard étonné puis lève son verre en ma direction. J'imite son geste et bois un coup en le fixant sans relâche. Dans ma tête, je compte les secondes avant qu'il ne me rejoigne. Dix, il regarde encore son portable. Onze, il le met dans la poche de sa veste. Douze, il passe une main dans ses cheveux. Treize, il souffle un peu. Quatorze, il prend appui sur ses genoux. Quinze, il se lève.

Seize, Dix- sept, dix-huit, dix-neuf, vingt.

-Bonsoir !

-J'ai cru que vous ne viendriez pas.

Il sourit et se place juste assez près pour que son eau de Cologne envahisse mon espace vital. Je me retourne un peu sur le côté pour que nous puissions être face à face. Son accent russe lui donne un truc sexy je l'avoue, lui parler sera facile.

-Pourquoi je vous fais cet effet ?

Quelle question prévisible. J'espère que ma frange est assez longue et mon maquillage assez sombre pour cacher l'agacement qui a du être visible ne serait-ce qu'une fraction de seconde sur mon visage.

-On m'a posé un lapin. J'étais assise là, seule, à me demander si j'étais la personne la moins chanceuse de cette boite, puis je vous ai vu. Distrait et nerveux à taper sur l'écran de votre portable.

The Mafia Zone Où les histoires vivent. Découvrez maintenant