Elle s'appelait Vengeance

Chapitre IV ~ Les vampyrs

- Dis-m'en plus sur les vampyrs, demanda Inès entre deux souffles, tandis qu'ils cheminaient dans la forêt.

Vaurien était confortablement installé sur Chukka, son petit corps rebondissant sur le dos de la chèvre au rythme dynamique de ses sabots ; Inès marchait à ses côtés, la fatigue lui hachant les jambes, que désormais elle se contentait de planter mécaniquement l'une devant l'autre, en tentant d'ignorer la douleur cumulée par les heures de marche.

- Qu'est-ce que vous voulez savoir, Mam'zelle? demanda le petit en fixant sur elle ses minuscules yeux pisseux.

Inès tenta d'organiser un peu ses pensées.

- Eh bien, tout d'abord, je ne t'ai pas fait la remarque plus tôt parce que je n'avais pas remarqué, vu que j'étais assez... bouleversée, mais, la blessure que t'a infligé Kristoffer, commença-t-elle, et le prénom de son ancien amant eu du mal à franchir ses lèvres, aurait été mortelle pour n'importe quel humain. Pourtant tu... m'as l'air en pleine forme.

- Ah, mais les vampyrs sont des êtres immortels, Mam'zelle ! répondit Vaurien, et il sourit face à la surprise de la jeune fille. Enfin, il est pas impossible d'nous tuer, dans certaines conditions, parce qu'aucune créature est sans faiblesse : apparemment, un pieu en bois en plein coeur, ou la lumière du jour, par exemple, nous réduisent en poussière.

- La lumière du jour?

- Les vampyrs, Mam'zelle, sont des créatures de l'ombre.

- Oui, j'avais compris, petit malin, fit Inès en plaquant ses paumes fraîches sur ses joues bouillantes. Mais là, il fait jour, et... je n'ai pas vraiment l'impression que tu sois réduis en poussière.

- Ah, mais ça, c'est grâce à la Mère Gras, répondit Vaurien en riant. Elle avait réussi à fabriquer une potion qui immunise les vampyrs contre la lumière du soleil, le truc révolutionnaire pour notre race, vous voyez, et, quand j'étais petit, j'suis tombé dans la marmite !

- Fichtre, marmonna Inès. Attends, attends, ralentis un peu ! Voilà. Et... donc... Comment devient-on un vampyr?

- Y a deux moyens : soit en étant enfant de vampyr, soit en se faisant mordre.

- Et toi? Que t'est-il arrivé?

- Ah, c'est une longue histoire, Mam'zelle, une longue histoire ! Moi je suis né d'une mère humaine, une femme vachement jolie, tellement jolie qu'un vampyr est tombé amoureux d'elle. Elle était enceinte quand il l'a tuée. On l'a retrouvée au p'tit matin, vidée de son sang : alors on a pleuré sa mort, on l'a enterrée dans un joli p'tit coin. Et quelques mois plus tard, des villageois ont affirmé avoir entendu des bruits dessous sa pierre tombale. On a alors fait une chose interdite par l'bon Dieu, on a profané sa tombe, on l'a ouverte. Et qu'est-ce qu'on a vu? Quand elle avait été enterrée, Mam'zelle, son ventre était encore totalement plat ; désormais, il était rond comme un soleil ! On a eu peur, et on a refermé la tombe, faisant mine de ne jamais l'avoir ouverte. Mais quand l'prêtre du village a eu vent de l'histoire, il a tout de suite compris que le diable avait quelque chose à voir dans tout ça, et il a ordonné qu'on amène des pieux en bois et des gousses d'ail et qu'on ré-ouvre la tombe. Et là ! Surprise générale, la femme avait de nouveau le ventre plat.

- Eh bien alors?

- Eh bien alors, vous vous en doutez bien, Mam'zelle, c'est un petit vampyr qu'avait grandi dans le ventre de la femme ! gloussa Vaurien, avant d'ajouter en bombant fièrement le torse : Moi.

- Ta mère est morte, mais ton père est toujours en vie, constata Inès, qui avait presque oublié la fatigue et avançait désormais avec plus d'entrain, traînée par les paroles de la petite créature.