Chapitre III ~ Une créature pour bagage

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- Ce n'est pas possible... souffla Caroline, les yeux rivés sur la blessure du vampyr.

- J'ai fait le mort et il est parti, continua le petit être en se grattant la nuque d'un air gêné. Il sifflotait, ajouta-t-il.

- Alors... Il m'a vraiment abandonné, constata amèrement la jeune fille.

- Ah, et pis c'est pas du joli joli ! Ça va prendre un sacré bout de temps à cicatriser, tout ça, moi j'vous l'dis ! Euh... Mam'zelle? Vous avez pas l'air bien... Vous voulez une pomme?

Caroline secoua vigoureusement la tête, et laissa son corps se recroqueviller sur lui-même. Son esprit était traversé par toutes sortes d'émotions : tristesse, incompréhension, colère. Elle avait tout abandonné pour Kristoffer, son père, sa maison, son titre de Reine... Pourquoi? Elle se redressa brusquement. Elle voulait le retrouver, et lui poser la question. Pourquoi?

Soudain, elle sentit une petite main se poser sur son épaule. Elle releva la tête, et vit que le petit vampyr lui tendait une pomme, et affichait un sourire contrit. Elle attrapa le gros fruit rouge et mordit dedans à pleines dents, et ce fut comme si elle concentrait toute sa douleur, toute sa peine, dans cette seule bouchée. La chair se détacha en un bloc, et le jus se répandit dans sa bouche. Des larmes muettes se mirent à dévaler ses joues, et Caroline se promit de ne plus jamais pleurer pour celui qui l'avait trahie.

La Caroline qui se releva, sous ce saule pleureur, était différente de celle qui s'y était allongée la veille. Elle n'avait plus que sa détermination pour bagage, puisque son ancien amant lui avait tout pris. Enfin, presque. Parce que, à quelques pas d'elle, fermement campé sur ses deux petits pieds, le vampyr souriait, et le soleil qui illuminait son visage faisait étrangement luire ses canines pointues.

- Tu cherches toujours un compagnon de voyage? lui demanda-t-elle d'un air impassible.

- Oui, Mam'zelle ! gazouilla le petit être, et il porta ses minuscules doigts à sa bouche et siffla de toutes ses forces.

Tout à coup, il eut comme un bruit de sabots martelant le sol, et, sous les yeux stupéfaits de Caroline, apparut une chèvre. Une chèvre, dont le pelage était d'un blanc pur, à l'exception de deux minuscules trous rouges sur son côté droit. Son front était percé de deux petites cornes grises, de la même couleur que ses sabots. Le petit vampyr lui caressa tendrement le museau.

- Mam'zelle, j'vous présente Chukka, dit-il en relevant les yeux vers la jeune fille. C'est grace à elle que j'ai réussi à vous rattrapper, le M'sieur et vous ! Parce qu'elle est vachement rapide.

- Tu as suivi nos traces?

Le petit vampyr hocha fièrement la tête.

- Eh bien, petit gars, quel est ton prénom? demanda Caroline d'une voix douce.

- Vaurien, Mam'zelle.

- Vaurien? répéta-t-elle, sceptique. Mais enfin, ce n'est pas un prénom.

- C'est la Mère Gras qui me l'a donné, répondit-il, et voyant que Caroline haussait un sourcil, il ajouta avec un petit rire : La veille sorcière qui m'a recueilli !

- Eh bien, que dirais-tu que je te renomme, que je te donne un vrai prénom? Euh... Jean? Pierre? Damien?

- Non, refusa le petit vampyr en fronçant les sourcils. Vous savez, Mam'zelle, j'aimais vraiment beaucoup la Mère Gras, et maintenant que je l'ai quittée, le prénom qu'elle m'a donné est la dernière chose que j'ai d'elle !

Caroline sourit.

- Très bien. Va pour Vaurien, dans ce cas.

- Et vous, Mam'zelle?

- Moi?

- Vot'prénom !

- Caroline, répondit-elle, avant de marquer un pause. En fait, tu sais quoi? Tu peux me donner un nouveau prénom.

- Hein?

- Je suis une fugitive, Vaurien, il vaudrait mieux que je me trouve une nouvelle identité à donner à tous ceux qui me poseront la question, expliqua-t-elle. Alors, je te laisse le choix de mon nouveau prénom.

Vaurien se tordit nerveusement les mains, l'air embarrassé.

- C'est une sacrée responsabilité que vous m'donnez là, Mam'zelle !

- Si tu ne veux pas le faire, ce n'est pas grave, je trouverai toute seule.

- Non, non ! Attendez ! Euh... Inès. Bim !

- Inès, répéta la jeune fille, exerçant ce nouveau prénom sur sa langue. C'est original. D'où le sors-tu?

Vaurien haussa les épaules, et éclata de rire.

- Bon, Mam'zelle, j'propose qu'on sorte de cette fichue forêt, et qu'on aille se r'poser dans le village le plus proche !

Caroline, enfin, Inès, car c'est ainsi que nous l'appellerons désormais, réfléchit : elle ne savait pas du tout où Kristoffer était parti, et n'avait, en fait, aucun moyen de le savoir. Elle devait être activement recherchée, et s'éloigner de Lannilis semblait en effet être la meilleure solution.

- D'accord, approuva-t-elle. Mais... J'espère que tu sais te repérer, parce que je n'ai pas la moindre idée de l'endroit où nous sommes.

- Ha, Mam'zelle ! Pas de quoi s'inquiéter ! Je connais cette forêt et ses alentours comme ma poche !

La jeune fille sourit, et remercia le ciel d'avoir mis ce petit vampyr sur son chemin.

- Par contre, maugréa Vaurien, vous avez plus de cheval, et Chukka n'arrivera jamais à nous porter tous les deux. Nous serons donc forcés d'aller au rythme d'une personne à pied. Pour sortir de la forêt, Mam'zelle, j'estime qu'il nous faudra au moins trois bonnes heures de marche !

- Très bien, acquiesça Inès, ramassant une pomme dans laquelle elle mordit. Prenons des pommes pour la route.

Elle s'appelait VengeanceWhere stories live. Discover now