• CHAPITRE 2 •

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Calme avant la tempête

     Le bruit sourd de la corne traversa le Camp pour annoncer les premiers cours.

Impossible de l'ignorer : c'était un son grave et puissant, presque inquiétant, qui faisait vibrer le bois du pilotis. J'avalai en vitesse mes dernières bouchées, enfilai ma Chire - veste traditionnelle de l'elfe combattant - et saisis ma sacoche. Tout le monde émergea des pilotis pour rejoindre l'autre bout du Camp.

Les cours se donnaient autour d'une fosse de gradins appelée l'Arène. Sa large circonférence était divisée en trente espaces solidement grillagés - les enclos. Nous prenions nos leçons à ciel ouvert et ce qu'il pleuve, vente ou neige. Pour « apprendre en toute circonstances », comme le répétait souvent mon père. Heureusement pour nous, l'année débutait toujours en été où rares étaient les nuages. Beaucoup de soleil, beaucoup de lumière ; le climat était plutôt clément pour nous. Avec parfois un peu de Cyrus* pour rafraichir la région d'une ou deux grosses pluies.

     Sigrid, Morgane et Natalena avaient toutes trois cours de Chiromancie. Elles partirent de leur côté juste après le Feu du Veilleur - simple flaque de cendres entourée de vieilles pierres, mais auprès de laquelle tout le monde aimait s'éterniser le soir. Je saluai mes colocataires et emboîtai le pas des jumeaux.

Nous nous rendions au cours d'Entrainement, à l'intérieur de l'Arène. C'était le seul apprentissage qui demandait beaucoup de place, raison pour laquelle il se donnait dans un tel endroit. Au coeur du Camp, dans le sable et la poussière.

     Flanquée de Stan et Guilem, tout deux changés en blaireaux, je franchis l'énorme porte d'acier. L'entrée était implantée en face du Feu des Veilleurs, de sorte que tout le monde puisse l'apercevoir de loin. Même en sortant des pilotis, on pouvait distinguer sa haute stature, ses deux affreuses gargouilles à tête de coulobre** - dont une avait perdu ses canines suite à un orage hivernal. Le chef du Camp m'avait un jour expliqué qu'il fallait que les apprentis soient impressionnés par cette entrée, un peu effrayés même. « La peur est excitante, me disait-il. Elle suscite l'admiration, puis la jalousie. La jalousie inspire la compétition et alors, seulement alors, la compétition nous tire vers la perfection. »

À mes yeux, cependant, c'était surtout impressionnant à l'intérieur de l'Arène. Chaque fois que je pénétrait sous le dôme de ferraille barbelée, je devais à peu près ressentir la même chose qu'un lapin lorsqu'il se coince sous un piège.

Après les vilaines gargouilles ; une vaste de plage de poussière, aussi spacieuse que la cour d'un petit château. On y avançait, assiégé de tous les côtés par l'immensité des gradins - environ mille strapontins. Cela semblait colossal mais, lors d'un examen, les places étaient loin de suffire pour accueillir l'entièreté des apprentis.

     Je foulai le sol de l'Arène, constatant avec un petit soupir que nous étions à nouveau arrivés parmi les derniers. Une cinquantaine d'élèves s'étiraient déjà un peu partout dans la fosse, s'échauffant d'une petite course ou suivant les habituels exercices de souplesse.

Les apprentis de ma génération étaient vraiment trop ponctuels. Chaque matin, depuis le début des cours, ils arrivaient en petits troupeaux et s'agglutinaient autour du professeur d'un air trop motivé. Ridiculement avides de faire leurs preuves.

Majoritairement, les élèves de l'Arène étaient constitués de tergals, ceux d'entre eux suffisemment courageux pour assister à un cours diurne. Vêtus de leur longue tunique noire, ils arpentaient l'Arène comme des ombres, esquivant les quelques rais de lumière qui s'infiltraient à travers le dôme. À cette heure-ci, beaucoup d'entre eux portait la tokka ; une turban sombre entourant leur crâne pour les protéger du soleil.

ÉCARLATE - sous la cendre [T1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant