La jeune fille, frissonnante dans l’air glacé, le teint plus blême que jamais, les lèvres exsangues, pleurait en sanglots étouffés, serrant son petit chien contre son cœur. Courbée sous la violence des rafales du vent, elle peinait à avancer. Elle savait
qu’elle ne devait pas demeurer ici, dans cette forêt où les branches des arbres menaçaient de se briser d’un moment à l’autre, et de la meurtrir en tombant. Il lui fallait rentrer chez elle. Une nouvelle fois, elle adressa une prière aux dieux afin qu’ils
lui épargnent la mort.Une idiote. Elle s’était comportée en véritable idiote. Comment avait-elle pu s’imaginer survivre dans ces bois, pour seule compagnie une chienne pas plus haute que trois pommes ? Aveuglée par sa fureur, elle n’avait pas songé à l’hiver qui s’accompagnait du froid et de la faim.
Deux jours. Cela faisait deux jours qu’elle avait pris la fuite. Elle avait
rencontré le seigneur de son village, un quadragénaire sans attrait particulier, hormis peut-être sa richesse, lors des festivités annuelles qu’il organisait en l’honneur des
dieux. Il avait insisté avec vigueur pour lui obtenir une danse, la courtisant durant des heures, et elle avait finalement accepté. Il lui avait ensuite promis qu’elle aurait de ses
nouvelles, avant de poser sur ses lèvres un baiser furtif. Quelques semaines plus tard, elle avait vu ses parents adoptifs s’évertuer à la convaincre de devenir la maîtresse du gentilhomme. Elle avait tout compris. Ils souhaitaient se libérer d’elle. Après tout, ils étaient pauvres et ils avaient à peine de quoi se nourrir. Obstinée, elle avait refusé.Mais un soir, le soupirant avait frappé à la porte de leur petite maison. Il avait tout prévu. La petite voiture à laquelle étaient attelés deux chevaux de trait attendait la petite fermière, et l’emmènerait dans sa riche demeure, où il l’y emprisonnerait à vie.
Alors, elle avait pris peur. Prétextant un besoin de prendre l’air, elle avait couru aussi vite qu’elle l’avait pu vers l’est, comme si sa vie en avait dépendu, suivie de son petit chien, Ilka. Elle avait fini par se perdre dans cette forêt. La forêt de l’Iliam. Il lui semblait que tel était son nom. Elle avait longuement réfléchi. Sa beauté était une dote suffisante pour n’importe quel homme. Elle en était certaine. Mais alors, pourquoi la
famille qui l’avait hébergée depuis qu’ils l’avaient trouvée dans un champ, alors qu’elle n’était qu’un nourrisson, ne l’avaient pas mariée ? Certainement parce qu’ils se
disaient qu’aucun homme ne désirerait faire d’elle son épouse. Derlenne, sa mère adoptive, n’avait cessé de lui répéter qu’elle était une honte pour elle. Elle était belle,
certes, mais était loin de se comporter en femme. Elle passait ses journées à courir dans les champs, à rêver de se faire adouber chevalier tel un homme, et à se battre avec
les autres adolescents du village, qui s’apprêtaient à réaliser leur service militaire.Et puis, transie dans le froid qui avait cruellement mordu sa peau, la faim lui tenaillant le ventre, elle s’était finalement rendue à l’évidence. Elle était tout simplement incapable de survivre seule. Elle devait cesser ses caprices et accepter le
sort que ses parents lui avaient réservé. Elle avait pris la décision de revenir chez elle et de s’excuser auprès de sa famille.A présent, elle était sur le chemin du retour, faible et désemparée, Ilka dans lesbras.
Ce fut le frappement sourd et régulier de ce qu'elle devina être des sabots de chevaux qui la sortit de ses pensées. La jeune fille retint sa respiration. Des cavaliers approchaient. Prenant peur, elle se cacha derrière un bosquet, se couchant dans les épines qui lui éraflèrent les bras et les jambes. Elle regretta de n’avoir vêtu qu’une vieille chemise.
Bientôt, elle les aperçut. Leurs chevaux n'étaient pas sellés et ne portaient pas de brides. Mais, remarquant leur musculature puissante, elle devina qu'il s'agissait de destriers, chevaux de guerre.
Le cavalier de tête passa. Il était encapuchonné, sa cape argentée volant au vent.Une longue dague pendait à son ceinturon. Un carquois et un arc puissant étaient dans son
dos. Les deux autres étaient vêtus et armés exactement comme le premier.Lorsque le troisième et dernier cavalier passa, il retira son capuchon et regarda dans sa direction. Elle se sentit tressaillir. La beauté de son visage... elle était surhumaine. Il
avait un regard dur, imposant le respect, sans aucune douceur, mais ses yeux... ils étaient magnifiques, d'un bleu saphir plus pur que l'azur. Ses cheveux longs jusque dans le milieu du dos étaient d'un blanc étincelant, en dépit de son visage jeune, laissant découvrir ses
fines oreilles pointues: un elfe! Elle se surprit à penser que si son père lui avait proposé de se marier avec ce beau cavalier, elle n'aurait pas hésité une seule seconde pour accepter.-Quelqu'un nous observe, dit-il de sa voix claire. Il faut presser le pas.
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Serments de Sang
FantasyElle, Nolwenn Siriolan, est une jeune fille de 14 ans qui fuit un mariage arrangé. Elle tombe éperdument amoureuse de lui, cet être dont elle fait la connaissance dans une forêt sombre... Lui, le chevalier elfe au coeur de glace qui la manipule pour...